Les prix littéraires sont généralement une promesse pour les éditeurs de voir leurs ventes s’accroitre. Rares sont en tout cas les fois où ils peuvent représenter un risque d'endettement. Et pourtant… La maison d’édition britannique Galley Beggar Press, après le Booker Prize 2019, a bien failli se retrouver sur la sellette.

Galley Beggar Press est une petite maison d’édition fondée en 2012, dont les publications ont su lui bâtir une notoriété. La dernière en date : Ducks, Newburyport de la romancière Lucy Ellmann, qui figurait dans la sélection du Booker Prize 2019. Outre la notoriété que cette nomination promettait déjà de rapporter, l’éditeur avait entrepris en parallèle de collaborer avec la librairie en ligne The Book People. Cette dernière proposant chaque année depuis 25 ans les ouvrages sélectionnés pour le Book Prize à des prix cassés.
Mais c’était compter sans les difficultés que connaissait l’enseigne spécialisée dans la vente en ligne — où les livres représentent 70 % du chiffre d’affaires. Celle-ci ne mène en effet pas large face à l’hégémonie d’Amazon, à tel point qu'elle vient d'être placée sous le contrôle de l'administration fiscale depuis mardi dernier. En laissant Galley Beggar Press avec un trou énorme dans sa trésorerie.
Un risque de taille pour Galley Beggar Press
L’éditeur avait en effet investi 40.000 £ pour produire les 8000 exemplaires nécessaires pour participer à l’opération de promotion de The Book People. Mercredi dernier, la librairie en ligne a mis en ligne une offre exceptionnelle : les 6 ouvrages finalistes du Booker Prize pour 35,99 £ au lieu de 111,97 £ — soit une économie de 75,98 £. La part des recettes revenant aux éditeurs devait être versée en janvier 2020.
Sauf que les difficultés de la société ont entrainé une gelée des fonds, ôtant alors à l’éditeur tout espoir de pouvoir tirer profit de l’opération promotionnelle, et de récupérer rapidement des fonds.
« C’était une entreprise de taille », a reconnu Eloise Millar, la codirectrice de Galley Beggar. « C'est une somme que nous n'engageons jamais normalement, mais cela faisait partie du calendrier et de la compétition et lorsque Ducks, Newburyport a fait partie de la dernière sélection du Booker Prize, nous l’avons fait. »
Face au gouffre financier et la menace de se voir à son tour mis en difficulté, Galley Beggar Press a lancé dans la foulée une campagne de financement participatif. La collecte a été eu un succès inespéré, allant jusqu’à dépasser le montant de la somme escomptée — 42.761 £ récoltées sur un objectif de 40.000 £.
We've gone from heartbroken to... wow... in the space of two hours. For the GoFundMe page, in a moment of wild optimism we've updated the limit to the full BP amount (40K). If we can keep going, it would mean the world. Either way, THANK YOU SO, SO MUCH. https://t.co/Ykht78li7p
— Galley Beggar Press (@GalleyBeggars) December 18, 2019
Nombre d’acteurs du secteur du livre se sont en effet mobilisés pour venir en aide à la maison d’édition, dont la directrice de la littérature du National Center for Writing and Arts Council England, Sarah Crown. « Vu isolément, Galley Beggar est une force exceptionnelle dans l’édition britannique. Dans leur secteur, ils sont une composante essentielle d’une écologie large et interdépendante qui est meilleure, plus riche et plus saine grâce à eux. Les soutenir nous profite à tous », a déclaré cette dernière.
The Book People à nouveau en difficulté
Fondée en 1988, The Book People était l’une des plus grandes enseignes de vente de livres en ligne en Angleterre. Sa mise sous administration menace aujourd’hui 400 emplois. L’entreprise a depuis fait appel à PwC, société spécialisée dans l’audit d’expertise comptable et de conseil.
Assurant qu’aucun licenciement n’était à ce jour envisagé, Toby Underwood, coadministrateur et associé chez PwC, a néanmoins concédé que « [b]ien que les administrateurs disposent de fonds pour satisfaire à la masse salariale, en décembre, les perspectives à plus long terme pour l’entreprise, le personnel, les clients et les fournisseurs dépendront clairement de la possibilité de conclusion d'une vente ».
C’est la deuxième fois que The Book People manque de faire faillite. En 2014 déjà, elle avait été sauvée grâce à un plan de sauvegarde assuré par la société Endless.
Via, The Guardian, Sky News
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