Jour blanc est le dernier livre de l’artiste Alexis Gallissaires. Et le moins que l’on puisse dire est que l’ouvrage sera hors normes. Le leporello, forme insolite de livre, que l’on déplie comme un accordéon, mesure 16,10 mètres. Hors normes, oui, mais pas simplement.
Dans le fond, expose l’éditeur, Jour blanc déroule (littéralement !) un « voyage sensoriel à travers un imaginaire grouillant de rêves et de cauchemars ». Conçu voilà près de quatre ans, l’artiste voulait rassembler des images qu’il produisait, mais les pages d’un livre classiques ressemblaient alors à de « coups de poignards ».
Rendu impossible, c‘est au détour d’une révélation que la forme du projet put alors prendre vie : « Quand j’ai vu cette longue table, je ne sais ce qui m’a fait l’envisager autrement, mais elle est apparue comme ma solution. Mon livre est devenu possible. Immédiatement, son hérédité fut révélée. J’ai revu la tapisserie de Bayeux, la colonne Trajan. J’ai repensé aux rouleaux de la Torah, aux codex mayas, aux fresques et bas-reliefs antiques. Je devais revenir à l’origine de la narration, aux bêtes noires et rouges sur les parois des cavernes. Je devais désapprendre le livre. Il me fallait être inculte », explique-t-il.
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Du deuil d’un projet, un autre a vu le jour, sans étonnement : « La mort est le berceau de chaque vie. » Apprendre à réapprendre, et tout oublier, voici une mission des plus enthousiasmante pour un créateur. Il poursuit :
Jour blanc est un objet unique que nous voulions pourtant rendre accessible au plus grand nombre. Chaque instant de sa production fut un dé technique. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le format du livre traditionnel a complètement découragé toutes les autres formes primitives de narration. Elles ont dû s’expatrier et tenter d’exister malgré tout dans la marginalité.
Le « livre » est un objet sacré. C’est un lieu de savoir, de liberté et d’émancipation. Il affranchit. Mais paradoxalement, l’intelligence et l’évidence de sa structure ont aussi invalidé toutes les autres possibilités. Ce faisant, ce classicisme formate aussi la pensée et la création. Une des lois fondamentales de la théorie de l’évolution veut que la contrainte engendre l’invention de réponses adaptatives. Jour blanc est le fruit de cet instinct.
On trouvera ce livre en librairie à compter du 15 mars. À découvrir, de toute évidence.
Alexis Gallissaires – Jour blanc – Editions Allia – 9 791 030 408 560 – 30 €
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