Dans le cadre de la manifestation Lire à Lausanne, du 28 au 5 septembre, les archives et bibliothèques de la ville ont plongé dans l’histoire littéraire. Et exhumé 50 romans qui ont marqué la vie des lecteurs, suscité l’enthousiasme de la presse et finalement, restent dans les esprits.
En partenariat avec la ville de Lausanne, ActuaLitté vous propose de découvrir la liste complète de ces 50 titres. Nous avons déjà publié les 10 premiers, pour les années 50. Voici désormais ceux des années 90.
La Punta d’Yvette Z’Graggen (1992)
L’écrivaine
Née en 1920 à Genève d’un père alémanique et d’une mère romande, décédée en 2010, Yvette Z’Graggen a entretenu des liens forts avec ses lecteurs et lectrices depuis son premier livre, La Vie attendait, paru en 1944, à son dernier, Juste avant la pluie, paru en 2011.Journaliste et productrice d’émissions culturelles et de pièces radiophoniques à la RTS, secrétaire des Rencontres internationales de Genève, son œuvre questionne avec tact la condition féminine, les inégalités sociales ou les zones d’ombre de l’histoire suisse durant la deuxième Guerre mondiale.
Le livre
Un couple de retraités s’expatrie en Espagne lorsqu’on les met à la porte de leur appartement genevois. Mais alors que ce déracinement épanouit Florence, qui se met à coucher ses souvenirs par écrit, Vincent, amer, s’enferme en lui-même. Beau succès de librairie, La Punta alterne le récit du séjour espagnol et les pages écrites par Florence. De nombreux lecteurs se sont retrouvés dans la manière empathique et fine de l’auteure d’évoquer l’éloignement progressif d’un couple mais aussi la vieillesse et l’enfance, la solitude et la passion, la peur de la mort et l’amour de la vie.
Le Trajet d'une rivière d’Anne Cuneo (1993)
L’écrivaine
Née à Paris en 1936, morte à Lausanne en 2015, orpheline de père à 9 ans, Anne Cuneo grandit en Italie puis dans un orphelinat à Lausanne. Tour à tour enseignante, journaliste à la RTS, traductrice, scénariste, réalisatrice, chroniqueuse, passionnée par le monde du théâtre et l’Angleterre, elle consacre sa première vie d’auteure à l’autofiction. Dès Station Victoria en 1989, elle livre des romans historiques, consacrés notamment à la période élisabéthaine, et des romans policiers, qui connaissent un beau succès populaire.
Le livre
L’épopée de Francis Tregian, noble catholique anglais dépossédé de tout et expulsé par la reine protestante, humaniste passionné de musique qui refait mille fois sa vie entre la France, l’Italie ou la Hollande du 16e siècle, est le livre le plus romanesque et époustouflant d’Anne Cuneo. Primé à de nombreuses reprises (dont le Prix des Auditeurs de La Première, le Grand Prix de la Fondation vaudoise et le Prix des Libraires), traduit en une dizaine de langues, Le Trajet d'une rivière propulse Anne Cuneo au rang d’écrivaine populaire et ouvre sa trilogie sur la Renaissance élisabéthaine.
Le Voyage en hiver de Jean-Michel Olivier (1994)
L’écrivain
Né en 1952 à Nyon, Jean-Michel Olivier vit à Genève, où il étudie les Lettres à l'Université. Il enseigne ensuite le français et l'anglais au Collège. Il participe à la fondation des revues Scènes magazine (1986), Contrepoints (1988) et La Main de singe (1990). Il dirige dès 2006 la collection Poche Suisse aux Editions L'Âge d'Homme. Auteur d'une quinzaine d’œuvres, il reçoit le Prix Interallié en 2010 avec son roman L'Amour nègre. Sa vie est consacrée à l'enseignement, l’écriture et la musique.
Le livre
Jean-Michel Olivier connait un bon succès avec son livre Le Voyage en hiver, publié en 1994. Il raconte l’histoire de Mathias qui, de Genève à l’Allemagne d’après-guerre, dans les années 1950, va rechercher sa mère, une ancienne chanteuse de cabaret et d'opéra. Mathias va revivre les derniers jours de la grande chanteuse : son errance à travers l'Allemagne en ruine, les amitiés trahies ou disparues, et le corps à corps impitoyable avec la musique qui, dans la vie de sa mère, a toujours eu le dernier mot.
Le Miel du lac de Gilbert Salem (1996)
L’écrivain
Gilbert Salem, né en 1954 en Iran, vit à Lausanne depuis ses 4 ans. Journaliste et chroniqueur à 24 heures, essayiste et écrivain, il reçoit plusieurs récompenses pour ses romans, dont les Prix Lipp et Alpes-Jura en 1996 pour Le Miel du Lac, son premier récit, et, l’année suivante, le Prix des auditeurs de la Radio suisse romande pour A la Place du Mort. Il écrit sur le Pays de Vaud, ses écrivains, ses traditions (Livre officiel de la Fête des Vignerons de Vevey), sa vie sociale et ses paysages.
Le livre
Dans Le Miel du lac, premier roman autobiographique de Gilbert Salem, le narrateur Gilbert Kazbeck est un journaliste atypique du début des années 1990. Avec beaucoup d’intelligence et d’autodérision, le récit nous amène au choc de deux cultures entre la Perse et le Léman, avec les constants voyages de la songerie entre l’Iran de l’enfant et la Suisse romande de l’adulte, les prairies vaudoises et le désert gris, les eaux huileuses du Tigre et de l’Euphrate, et l’ordre inodore du Rhône et du lac.
L'Imparfait de Jacques Chessex (1996)
L’écrivain
Né en 1934 à Payerne, mort en 2009 à Yverdon, Jacques Chessex a marqué par sa personnalité autant que son œuvre la scène littéraire romande de la deuxième moitié du 20e siècle. Enseignant, poète, romancier, pamphlétaire, chroniqueur, agitateur, essayiste, il est l’auteur d’une vaste œuvre habitée autant par le suicide de son père que par Dieu, la sexualité, la peinture et la mort. Habitant de Ropraz depuis les années 1970, il connait dans les années 2000 une dernière vague de succès international avec Le Vampire de Ropraz et Un juif pour l’exemple.
Le livre
Depuis Carabas en 1971, Jacques Chessex n’avait pas écrit de texte autobiographique. Paru 15 ans avant sa mort, L’Imparfait se livre à une superbe et poignante exploration du temps. Celui de l’enfance puis de l’adolescence dans la maison familiale de Pully, la magie du lac, la découverte de la sensualité et du blues, le suicide du père, veillé quatre jours à l’hôpital pendant qu’il agonisait. Cette confession élégiaque d’un éternel orphelin qui ne se délivrera de la douleur qu’en écrivant est l’un des plus beaux textes de Jacques Chessex.
La Réfutation d’Yves Laplace (1996)
L’écrivain
Né à Genève en 1958, Yves Laplace est l'auteur d'une vingtaine de romans et pièces de théâtre. Il est aussi passionné d'histoire, photographe et arbitre de football à Genève. Ses récits donnent la parole à des irréguliers : enfants perdus, fous, visionnaires, assassins, persécuteurs ou martyrs, dont les divagations traduisent le fracas et la beauté du monde. Il obtient le Prix Schiller pour Fils de perdition (1989). En 2009, sa pièce Candide attire 20'000 spectateurs entre Carouge et Paris.
Le livre
En 1996, Laplace écrit La Réfutation et son frère Serge - qui signe Benoît Damon - Le Cœur pincé. Deux récits différents mais qui proposent le même thème autobiographique : vingt mois plus tôt la maladie de leur père, frappé par une encéphalite, les bouleversa, les renvoyant tous deux à leurs enfances respectives. Yves Laplace tente alors un appel de dernier secours : au père, mais aussi à l'enfance, à l'époque, à la littérature, aux mots eux-mêmes que le père oublie et rassemble en réfutant la vie.
Le Temps des cerises de Sylviane Roche (1997)
L’écrivaine
Née à Paris en 1949, Sylviane Roche s’installe à Lausanne à l’âge de 20 ans. Elle enseigne au Gymnase tout en écrivant des critiques et dirigeant la revue Ecriturede 1986 à 2005 avec Daniel Maggetti et Françoise Fornerod. Elle publie un premier recueil de nouvelles en 1897, Les Passantes, puis plusieurs romans habités par la transmission familiale et le rapport à l’histoire, dont Le salon Pompadour et un récit de vie à succès, L'Italienne, avec Marie-Rose De Donno. Chroniqueuse dans L’Hebdo et Le Temps, elle rassemble ses textes dans RSVP: 124 questions à propos du savoir-vivre.
Le livre
Arrivé presque au terme de sa vie, le vieux Joseph Blumenthal, juif d'origine polonaise venu en France en 1925, se met à écrire le journal de sa vie. Il a besoin d'expliquer à sa descendance qui il fut et ce que fut le siècle avec lequel se confond sa vie. Les camps nazis, où ses parents et sa petite sœur ont péri, le communisme, les espoirs, la peur, la faim, la pauvreté, la lutte sociale : Prix Franco-Européen et Prix des auditeurs de RTS, Le Temps des cerises, journal fictif dépouillé et émouvant, reste à hauteur merveilleusement humaine, tout en rendant avec force les bouleversements de l’histoire européenne du 20e siècle.
Ce qui reste de Katharina de Janine Massard (1997)
L’écrivaine
Née à Rolle en 1939, Janine Massard exerce divers métiers avant de se vouer à l'écriture. L’autobiographique La petite monnaie des jours lui vaut son premier succès et le Prix Schiller 1986. Elle alterne romans (Trois mariages, Question d’honneur), souvent inspirés de faits réels, récits historiques et familiaux, ou essais comme Terre noire d'usine, au retentissement important. Elle reçoit le Prix Rod en 2002 pour Comme si je n'avais pas traversé l'été et en 2007 le Prix culturel vaudois pour Le Jardin face à la France. Sa popularité est à la hauteur de son engagement social.
Le livre
Prix de la Bibliothèque pour Tous, Ce qui reste de Katharina témoigne du talent de Janine Massard pour l’exploration de non-dits et héritages familiaux. À la mort de son fils, Katharina se remémore sa vie, qui semblait toute tracée lorsque sa mère l’envoie d’Allemagne en Suisse dans la famille d’un médecin de campagne à l’orée du second conflit mondial, puis la pousse au mariage avec le veuf. Le livre se ressent de la terrible période que l’auteure vivait alors, avec les deuils successifs de son père, de son mari et de sa fille, dont elle tirera Comme si je n’avais pas traversé l’été, livre-frère de Ce qui reste de Katharina.
Le Feu au lac de Jean-Luc Benoziglio (1998)
L’écrivain
Jean-Luc Benoziglio, né en 1941 à Monthey, est un écrivain valaisan, d'origine juive, turque et italienne. Il découvre ses origines à la mort de son père, ce qui va influencer ses romans, avec des interrogations sur la judéité et l’histoire. Après des études de droit à Lausanne, il part à Paris en 1967 pour travailler dans des maisons d’édition. Il y écrit une dizaines de romans et est récompensé par plusieurs prix, dont le Prix Médicis pour Cabinet portrait (1980). Il décède en 2013 à Paris.
Le livre
Dans Le Feu au lac, pamphlet sur l'attitude de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale, récompensé par les Prix Lipp et Schiller, Jean-Luc Benoziglio raconte la vie d’un homme, à l’éducation catholique, qui après avoir vécu sa jeunesse en Suisse romande, fait ses études au Conservatoire de Paris. En 1942, il assiste à la déportation de sa famille qui l’héberge, et y échappe grâce à son passeport suisse. Il réussit alors à monter contre lui Juifs et non-juifs, Suisses et Français, capitalistes et communistes.
Double de Daniel de Roulet (1998)
L’écrivain
Né à Genève en 1944, fils de pasteur, élevé à Saint-Imier, Daniel de Roulet a été architecte EPFL et informaticien avant de se consacrer à l’écriture dès 1997. Romancier, écrivain voyageur, chroniqueur, essayiste, passionné de course à pied, auteur d’une trentaine d’ouvrages, il a notamment publié un cycle romanesque constitué de dix romans qui retracent, à travers l'histoire de deux familles, l'épopée du nucléaire qui va d'Hiroshima à Fukushima. Un cycle rassemblé par l’EPFL sur une application sous le titre de La Simulation humaine.
Le livre
Double raconte comment Daniel de Roulet a été surveillé et fiché par la police entre 1964 et 1981, au point de perdre successivement ses emplois, dont celui d’architecte puis de responsable informatique à l’Hôpital cantonal de Genève. Et comment son sosie, ex-procureur à Zurich, a été pris pour lui. Rapport autobiographique exact, glaçant et fascinant, doublé d’une histoire d’amour subtile et émouvante, Double est le premier roman sur l’affaire des fiches en Suisse et appartient de ce fait à notre mémoire collective. Il est paru simultanément en allemand et en français.
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