Vilnius en Lituanie, mai 2014 : une série de coïncidences troublantes conduit François-Henri Désérable devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, là où le petit Roman Kacew qui deviendra Romain Gary, a habité avec sa mère entre sept et onze ans.
D’après Gary qui le compare à une « souris triste » dans La Promesse de l’aube (Gallimard, 1960), M. Piekielny vivait dans leur immeuble. Il était le seul voisin qui croyait à la gloire que Mina Kacew, mère excessive, prédisait à son fils. Au point de faire un jour à l’enfant cette demande : « Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire... Promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny... ».
Le petit homme mourra, à l’instar de millions d’autres Juifs, dans les fours crématoires des nazis mais l’écrivain-diplomate affirme dans son livre qu’une fois devenu célèbre, il a tenu parole.
« J’ai lu et relu La Promesse de l’aube » se souvient Désérable. Une première fois à dix-sept ans, dans la maison de briques rouges de la chaussée Jules Ferry, à Amiens. Puis « à toutes les époques, un peu partout ». Mais qui était vraiment ce M. Piekielny ? L’écrivain mène l’enquête pendant deux ans et demi jusqu’au cœur de la « Jérusalem de la Lituanie » dont plus rien – ou presque – ne subsiste aujourd’hui.
Exhumant le passé ou le réinventant au gré de ses recherches, il redonne corps et âme à M. Piekielny, symbole du martyr juif. La littérature, c’est un fait, peut sauver de l’oubli. À travers l’existence romanesque de Romain Gary, il se retourne aussi sur son propre par — cours, interrogeant son désir de devenir écrivain et la relation avec sa propre mère : « Ce qui aujourd’hui m’emporte et m’exalte et me tient lieu de vie, c’est à elle, sans doute, que je le dois. »
Alexandra Oury
en partenariat avec le CRLL Nord Pas de Calais
Francois-Henri Deserable – Un certain M. Piekielny – Editions Gallimard – 9782072741418 – 19,50 €
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