THRILLER – Quand les grandes corporations s’entendent pour diriger la planète, la réponse à opposer à ces Goliath repose sur quelques David. Armés d’ordinateurs, frondes modernes, ils sont neuf chacun animé de leurs propres expériences. Dans le silence des réseaux, mieux vaut que personne ne vous entende pirater.

Ils ont tous, ou presque, une vie normale — tel le Neo de Matrix — où se succèdent les petites misères du quotidien, les emmerdes sans conséquence : l’existence de tout un chacun. Mais au sortir de ces métiers recommandables, ils exercent leur talent en enchaînant des lignes de codes, pour accéder à des informations sensibles. Très sensibles.
Les pirates informatiques se divisent en trois catégories : les Black Hat, criminels modernes, les White Hat, des repentis qui ont choisi de mettre leurs connaissances au service de la lutte contre les premiers. Et au milieu, dans les interstices, les Grey Hat, pour qui l’éthique prime. Un monde entre deux, où l’on navigue guidé par l’idée d’un monde meilleur.
Maya, Ekaterina, Mateo, Janice, Diego, Cordelia, Vital et Malik composent ce groupe 9 : ils ont en commun d’avoir tenté, parfois réussi, de dévoiler les grandes machinations qui se trament à l’abri des buildings immenses, dans les alcôves du pouvoir, entre les politiques et leurs obscurs conseillers. Œuvrant pour leurs propres affaires, ils s’unissent quand les circonstances le nécessitent, pour une plus grande cause.
Et leurs cibles, dont les projets ne s’embarrassent pas du coût de la vie humaine, n’ont rien d’enfants de chœur.
Retrouver Marc Levy hors de sa zone fictionnelle de confort sera l’une des surprises de la rentrée littéraire. On connaît le passé qui relie l’écrivain à l’informatique, moins cet engagement dans des problématiques sociétales.
Ainsi, la question de l’insuline, médicament vital pour un diabétique, dont le coût est manipulé par des laboratoires en quête de profits. Dans le roman, évidemment : toute résonnance avec la réalité relèverait d’une pure coïncidence — quoique le Minnesota a accusé trois labos de Sanofi de gonfler les prix de vente, en octobre 2018. Tiens ?
Au risque de rendre le médicament inaccessible aux malades. Et d’en provoquer directement la mort : en l’absence de traitement, comment survivre ?
[Premières pages] C'est arrivé la nuit, de Marc Levy
Et puis, ce mal porté par les réseaux sociaux, et plus largement par internet : l’infox, les fake news, les exercices de manipulation de peuples entiers par instillation de propagande trompeuse. Comment ne pas retrouver les exactions du président américain, ou celles d’autres dirigeants qui gouvernent par le mensonge, pour mieux préserver leur pouvoir ? Quand toutes ces méthodes sont employées pour renverser les démocraties et instaurer des dictatures d'extrême-droite, soudain, on cligne des yeux...

FotoArt-Treu CC 0
Dispersés aux quatre coins du monde, ils interagissent par le réseau, depuis des outils protégés contre toute intrusion. Et le rythme du récit devient rapidement effréné : chapitres courts, tension allant croissante, rebondissements entre piratages subtils et découvertes effrayantes… Tout se tient pour un techno-thriller signé par l’un des plus grands vendeurs de livres.
Et toute la délicatesse est ici : on connaît les histoires traditionnelles de Marc Levy, et les ficelles de ces textes. Le retrouver dans le monde du thriller, avec une dimension très accessible et vulgarisée du piratage informatique prend de court. Parce que l’exercice est non seulement maîtrisé, mais surtout aboutit à un texte accessible, limpide pour le non-initié — et finalement de bonne facture pour l’amateur.
Documenté, de toute évidence, ce premier tome marque un changement littéraire fort, autant qu’il affirme des prises de position que l’on n’imaginait pas. Contre la toute-puissance de monstres, à l’abri dans leurs tours, envoyer ces hackers devenait la plus évidente entreprise.
Marc Levy – C’est arrivé la nuit — Robert Laffont/Versilio — 9782221243572 – 21,90 €
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NAUWELAERS, le 30/09/2020 à 20:07:29
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