
Et puis il a fallu faire sa vie, comme on dit. Jérôme par exemple est devenu « metteur en forme ». Non, pas en scène. En forme. Il travaille aux éditions Hurtebises, et remanie les romans d’un certain Bannister, quinquagénaire fringant, au sourire ravageur, qui nourrit à lui seul la maison d’édition avec ses ventes. Mais qui écrit comme un pingouin à qui on aurait collé des mitaines sous des moufles. Et Jérôme, patiemment, met en forme les romans de Bannister. Un par an. Précisément. Avec une ponctualité furieusement respectée. C’est bien simple, il est presque dédié à ça.
De son côté, Jean-Paul est devenu journaliste. Quels fouille-merdes, que ces journalistes !
Ce matin, Jérôme reçoit un nouveau manuscrit de Bannister et un coup de fil. Le premier le déprime. Le second… c’est Jean-Paul. Il a retrouvé la trace de Santenac. Si ! Quelque part dans l’Aveyron. À côté de Laumière. Non, pas la station de métro dans le 19e. D’ailleurs, c’est amusant, parce que Chloé, la copine de Jérôme, est née à la Laumière. Non, pas dans l’Aveyron. Dans le 19e.
Alors que faire ? Prendre un billet de train illico et quadriller la zone. Il faut retrouver Santenac ! Savoir ce qu’il est devenu. S’il a écrit d’autres livres. Comment lui sont venus les premiers ? La famille de ses romans, il l’avait inventée ou s’était-il servi de sa véritable famille ? Il faut voir Santenac. Il faut savoir !

Je pense qu’aujourd’hui, peu d’entre nos lecteurs croient encore au Père Noël. Et nombre d’entre vous sait que réaliser ses rêves de jeunesse, tout particulièrement s’ils ressemblent de près à celui de Jérôme vous expose à de grosses déconvenues. Ben ça ne va pas rater pour lui en tout cas.
Les romans n’intéressent personne, c’est une histoire assez sympathique, avec des personnages vivants, dynamiques, qui se fâchent, se réconcilient, et aspirent à un même but : rencontrer l’idole qui marqua leur jeunesse. Alors évidemment, c’est un livre un brin idéaliste. Épaulé par un style enjoué, presque rieur, même quand c’est un peu triste. On y voyage de Paris à l’Aveyron, dans des successions d’allers-retours, on rencontre des libraires, on y parle de livres. Un peu. Beaucoup. Un peu beaucoup en fait…

C’est dommage. Juste dommage. Excuse-moi, Alain, je ne te reproche rien. Et puis, ce n’est pas un critique de livre qui va apprendre aux écrivains comment achever leurs bouquins. Simplement, alors que j’avais l’impression de retrouver la légèreté de Pérec de temps à autre (Quel petit velo à guidon chromé au fond de la cour? Pour être précis), ben voilà que s’impose à moi cette fin. Qui m’a franchement ravagé le moral. Sapé. Déconfit. De canard. Tu racontes bien la vie à côté de laquelle on est passé, à chercher, à attendre, c'est une belle métaphore, ton livre, la maman qui manque, etc. Mais franchement...
Dommage. Juste dommage. Parce que je m’étais bien amusé du reste.
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