Comme les dates de sa vie l’indiquent, Eric de Haulleville (1900-1941) ne vécut qu’à peine plus que Rimbaud et moins que Kerouac. Il était belge, né à Bruxelles dans une famille aisée et appartenait à une génération d’écrivains dont seul Henri Michaux est passé à la postérité (qui se souvient aujourd’hui d’Odilon-Jean Perier, de René Verboom ou de Paul Desmeth ?). Il est mort en France après avoir pris la voie de l’exode au printemps 1940. Un article savant nous dit que ces hommes jeunes avaient « également en commun d’affecter une attitude détachée à l’égard de l’activité littéraire, mélange de désinvolture, de dénégation ou d’indifférence réelle ». (Paul Aron, blog Textiles). "Le Voyage aux Iles Galapagos" date de 1934 et a paraît-il été réédité en 1936 dans une version accompagnée de photographies et de dessin.
Le 29/11/2015 à 09:00 par Les ensablés
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29/11/2015 à 09:00
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Par Henri-Jean Coudy
On s’attend évidemment à un récit de voyage, dans la lignée de Conrad ou de Loys Masson dont nous avons parlé ici mais l’auteur prévient dans l’Avant-Lire que « le Voyage n’est pas un roman poétique mais un essai de poésie romanesque ou plus exactement une Comédie de l’Esprit… ».
Le titre du premier chapitre nous averti que « C’est rare qu’on s’y rende du Havre ». Où donc ? Aux Galapagos, dont un lecteur normal sait qu’on les trouve dans l’océan pacifique, très au large de l’Equateur. C’est pourtant du port normand que le narrateur est parti à bord de la Glavane que commande son ami le capitaine Boutarel.
La Glavane prend l’allure d’une vraie nef des fous ; et si le narrateur arrive bien aux Galapagos, il s’y échoue avec le bateau parcouru d’étranges personnages, ainsi Jack dont la présence ou la fuite ne cesseront de le hanter et qui dit de lui qu’il est trop gras ( !). A la suite d’un raz-de-marée, il s’y retrouve seul .
Le sujet qui parle, dont on saura qu’il est vannier et qu’il est peut-être celui que d’étranges lettres retrouvées sur les îles appelle « Gravier Bleu » est à la recherche d’un sens à sa présence dans l’archipel, à tout le moins de la présence de quelqu’un.
Là commence un étrange périple qui pourrait être celui de Robinson, d’un Robinson qui revêrait ou, allez le savoir, qui ne rêverait pas, mais ne rencontrerait que d’étranges phénomènes ; ainsi , le capitaine dirigeant son équipage à la recherche d’or, dont certains des hommes s’entretuent, et Jack, le déjà nommé qu’il interroge trop vigoureusement et qui disparaît dans un abîme.
C’est là aussi qu’il trouve une lettre de Doride, une femme autrefois aimée, qui lui dit de garder la disponibilité de son esprit et de son cœur et l’appelle donc "Gravier Bleu".
Gravier Bleu, peut être fuyant et ne comprenant pas grand-chose à ce qui lui arrive,passe dans une autre île.
C’est un voyage dont on ne sait quel est le degré de réalité que Gravier Bleu entreprend à travers les îles où il croise des indigènes rappelant les tribus polynésiennes, leurs souverains, leurs rites fastueux et cruels.
Il y trouve l’amour en la personne de Rolla. « Ce que le mercure et l’aluminium ont d’enchanteur brûlait dans vos yeux, Rolla. J’ai mieux aimé votre corps que l’avoine. Vous apportiez toutes les mers du monde dans vos bras… ». Rolla qui disparaît, et réapparait, Rolla qui lui suggère que ni l’équipage, ni le capitaine n’ont peut être existé et qu’elle est peut être Doride.
Rolla qui échappe à Gravier Bleu pour rejoindre Jack (mais qui est Jack ?), qui répond seulement au narrateur , fou de colère: « Vous est-elle utile ? Vous avez gagné à son école de l’ingéniosité mais cela suffit. Vous êtes un enfant. Interroger est une manière d’affirmer. On ne demande que ce que l’on connaît. ».
C’est désormais une recherche onirique et pourtant encore géographique qu’entreprend Gravier Bleu pour retrouver Rolla (mais qui est vraiment Rolla ? Est-elle Doride et si oui pourquoi est-elle partie avec Jack?). Ce n’est pas la dernière lettre de Doride qui l’éclairera beaucoup : « Gravier Bleu, j’ai compris le sens de tes voyages. Je te le révèlerai : le beau, le divin qui échappe à l’espace en soumettant l’espace -j’en dirais autant du temps– comprends tu, les colonnes, le temple, il faut bien qu’ils aient des assises, qu’ils divisent l’espace, qu’ils se découpent sur le ciel…» ; étrange révélation …
Le Voyage, puisque c’en est un, mais dont le but se dissimule au fur et à mesure de son déroulement, prend alors une autre extension.
C’est une exploration du monde, et même d’un monde passé, mais peut être présent comme la destruction du Lisbonne de 1755 (Voltaire lui consacra un long poême, n’est-ce pas), qu’entreprend Gravier bleu, bien au-delà des Galapagos, à travers le vaste monde, d’autres corps (« Je connus les sourires complices et le léger tremblement de doigts de ceux dont le regard avide mange tout le corps. »), d’autres pistes à la recherche de la femme qu’il aimait et de Jack qui est peut être Jack le Hibou ( Jack the owl), un bandit redoutable mais difficilement saisissable.
Haulleville consacre de longs développements harmonieux aux contrées traversées, mais constate, amer, qu’il a « parcouru la Chine et la Sibérie, erré au milieu des terres glacées du Pôle, souffert de la solitude, des privations et de la maladie …pour tâcher d’atteindre une ombre, qui, même elle, s’évanouissait sans que jamais ne me vienne une nouvelle de Rolla que je pouvais croire… ».
Ca n’est pas faute d’essayer de trouver une réponse de raison à l’immensité de sa quête : un médecin lui fera même une description de ce qui s’est sans doute passé pour rendre compte de ses très incertains voyages.
Mais comment croire à la raison, alors qu’une lettre de Dauride, le ramène (en rêve ?) aux Galapagos, « terre stérile entraînée dans le mouvement des étoiles » et lui révèle, peut être le sens de son périple.
La réponse est sans doute dans Baudelaire : « L’aventure était un beau cygne capricieux et sauvage ».
Le Voyage aux Iles Galapagos est une œuvre dont nous ne connaissons pas d’équivalent dans les années trente.
L’ensemble de l’œuvre de Haulleville, principalement poétique, été repris en 1993, aux éditions du Cri à Bruxelles dans un volume publié dans la collection des « Évadés de l’oubli ».
L’expression , qui doit plaire aux lecteurs de ce blog, lui allait bien.
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Hervé Bel anime dans nos colonnes le rendez-vous (presque) hebdomadaire des Ensablés. Mais il arrive aussi que notre ami écrivain se plonge dans les ouvrages de ses contemporains. Voici sa lecture du dernier ouvrage d’Armel Job, Le Passager d’amercoeur.
28/03/2024, 08:02
À l'occasion des 150 ans de la naissance de l'important Karl Kraus, les éditions de l'Herne rééditent leur numéro 28 de 1974, dirigé par l'essayiste et traductrice disparue en 2022, Eliane Kaufholz. La citation mise en exergue dans le bandeau de ce riche ouvrage rend bien compte de la puissance krausienne : « La tragédie tire son origine du refus d'obtempérer. »
27/03/2024, 17:22
BONNES FEUILLES — Des épisodes sanglants de la guerre du Pacifique aux avancées les plus récentes en aéronautique, l'aviateur Buck Danny, accompagné de ses compagnons, navigue à travers un demi-siècle d'histoire américaine et internationale, de péripétie en péripétie. Mariant une précision remarquable pour le détail authentique avec l'élan des grandes sagas, les péripéties de Buck Danny captivent et révèlent, au fil de l'histoire, les arcanes de la géopolitique mondiale.
27/03/2024, 17:13
Un hiver froid, glacé même, uniformément blanc, au sol et dans le ciel, comme seules semblent savoir le faire les chaînes montagneuses du Montana. Nous voilà transportés dans les dernières années d’un XIXe siècle où la loi des hommes, qui se cachent derrière les volontés (prétendues) de Dieu, est fort expéditive et peu encline à prendre en considération tout élément qui pourrait être présenté au titre de la défense de celui ou celle qui est d’abord condamné...
27/03/2024, 17:11
Un grand roman adapté par un grand bédéiste donne-t-il forcément une bande dessinée magistrale ? Impossible de généraliser, mais dans le cas de La route de Cormac McCarthy racontée en images et en bulles par Manu Larcenet, la réussite est indubitable. Elle provoque chez les lecteurs le même désespoir sidérant que l'œuvre originale. La grisaille et la crasse en plus.
27/03/2024, 12:17
« En 1910, Gustav Klimt peignit le portrait d’une très jeune femme, de trois quarts, cheveux lâchés, affublée d’un grand chapeau marron, une étole de fourrure autour du cou, les épaules dénudées. » Un portrait qui, on ne l’apprendra que plus tard, fut le seul et unique tableau repeint par Klimt. Sous cette couche supplémentaire de peinture, une femme à l’apparence toute autre. Plus d’un mystère existe autour de ce portrait, qui a disparu pendant près de 100 ans…
27/03/2024, 10:54
Transférée dans le poste de police de Millau, dans le sud de la France, Sophie Cauchy enquête sur la disparition d'une adolescente nommée Jessica Borie. D’après ses parents, elle serait partie vivre dans une communauté isolée appelée La Bergerie après avoir quitté un squat à Nantes. Un départ en écho au parcours de Sophie : elle a plaqué la région parisienne et un couple toxique, pour se sauver…
26/03/2024, 09:28
BONNES FEUILLES — La montée en puissance de la Chine suscite des préoccupations croissantes, marquée par des tensions géopolitiques, une guerre commerciale avec les États-Unis, des initiatives ambitieuses telles que les Nouvelles Routes de la soie, une compétition militaire dans la région de l'Indopacifique, et une rivalité dans le domaine des semi-conducteurs. Cette escalade de rivalité avec les États-Unis menace de perturber l'ordre mondial existant.
26/03/2024, 07:55
BONNES FEUILLES — « Il m’arrivait souvent de penser à elle. Un frisson dans l’air, une éclaircie, ou, comme dans ce cas précis, une ressemblance, il n’en fallait pas plus pour la faire apparaître. J’avais alors le sentiment qu’elle était vraiment là, tout près, vivante, que son regard, son sourire s’adressaient à moi. L’espace d’une seconde, je retombais en enfance, car j’entrais dans son univers plus qu’elle ne surgissait dans le mien. »
26/03/2024, 06:59
BONNES FEUILLES - Tout a commencé avec des livres et des rencontres. Dans les années 1990, après la fin officielle de la guerre civile au Liban, Laurent Sorcelle croise le chemin de Désirée Sadek, une jeune journaliste qui venait de sortir Le Cèdre du Liban, un ouvrage militant pour la préservation de l'ultime forêt de cèdres anciens et millénaires du nord du Liban et du monde.
25/03/2024, 17:36
Après Madrid, traversons l’Europe pour gagner Londres, pour un tout autre polar, dans le quartier de Soho. Geats, détective obsessionnel, dont les enquêtes ont passablement entamé l’esprit. Dans les différentes affaires qu’il a traitées, crimes et bien d’autres l’ont entraîné vers des chemins obscurs. En cette année 1935, ce policier des mœurs traite les malfrats avec un esprit à géométrie variable… jusqu’à un meurtre plus choquant que d’ordinaire.
25/03/2024, 14:33
Le 28 février, lors d’une rencontre organisée à La Libreria, créée en 2006 par Florence Rault et Andrea De Ritis, on a parlé de Venise, mais pas de la Venise que l’on connait, avec Piazza San Marco, les touristes, les pigeons et les « gondoles » sur les canaux… On a parlé plutôt d’une Venise de lagunes, une terre de frontière interprétée comme une « petite Méditerranée » imaginée par les auteurs de la bande dessinée Le passeur de lagunes.
25/03/2024, 13:12
Jon Gutiérrez et Antonia Scott travaillent comme enquêteurs pour un projet gouvernemental secret appelé Projet Red Queen, consacré à l’investigation sur des crimes. Le décès d’une femme nommée Raquel Planas, découverte à son domicile de Madrid quatre ans plus tôt serait banal… si la capitale espagnole n’était pas en proie à une série de crimes violents, répandant une véritable terreur…
25/03/2024, 13:07
« [Novembre 2023, gare de Przemyśl, à l’est de la Pologne.] Dans quoi je me suis embarqué ? ». Après s'être introduit dans l'Assemblée nationale (Palais-Bourbon), Kokopello dévoile le tumulte européen. Mais tout commence un an et demi plus tôt, le 24 février 2022, dans le bureau du secrétaire général des Républicains…
25/03/2024, 13:00
Une semaine pour prouver l’innocence d’un condamné : la chose semble impossible, surtout lorsque le dossier est clos depuis dix ans. Le meurtrier présumé menace : si, dans une semaine, son innocence n’est pas prouvée, il se suicidera. Victor Caranne, le héros des deux premiers romans policiers de Max Monnehay, sonne son retour dans une nouvelle enquête à haute teneur psychique.
25/03/2024, 12:40
One-shot exceptionnel, Silver Surfer — L’Obscure clarté des étoiles porte déjà un titre emprunté au Cid de Corneille. Un oxymore qui résonne à 250 ans d’intervalle, loin de la puissance SF du dessin de l’Italien Claudio Castellini. Et pourtant, ce vers revêt soudain une dimension fantastique qui épouse parfaitement le projet éditorial remontant à 1996.
24/03/2024, 11:48
BONNES FEUILLES - Au début des années 1990, John Galliano et Alexander McQueen font une entrée spectaculaire dans le monde discret de la haute couture avec leurs collections révolutionnaires, riches en références d'une sophistication éblouissante, bouleversant ainsi tous les codes établis.
24/03/2024, 07:30
BONNES FEUILLES - Yves Navarre, figure emblématique de la littérature de la fin du XXe siècle et lauréat du Prix Goncourt en 1980 pour Le Jardin d’acclimatation, a marqué son époque par son talent multiple de romancier, dramaturge et dialoguiste, ainsi que par sa présence active dans le milieu culturel parisien des années 1970-1980.
24/03/2024, 07:00
BONNES FEUILLES - Lesley Blanch (1904-2007), à la fois femme indépendante, artiste accomplie et exploratrice passionnée, a consacré une grande partie de sa vie à deux figures marquantes de son existence : le dramaturge Théodore Kommissarzhevsky et l'écrivain Romain Gary, ce dernier étant son premier mari.
24/03/2024, 06:30
BONNES FEUILLES - Bruxelles, 1977. En proie à l'ennui, le jeune Riton Liebman, âgé de treize ans, décide de tenter sa chance à un casting organisé par Bertrand Blier pour son film à venir, Préparez vos mouchoirs. Dès ses premiers mots, le réalisateur est convaincu d'avoir trouvé son personnage.
23/03/2024, 07:00
BONNES FEUILLES - L'Europe fait face à des défis majeurs. Critiquée pour son manque de proximité par certains, accusée d'ingérence par d'autres, elle se trouve également confrontée aux populismes qui la désignent comme le responsable idéal de divers maux. En outre, les propositions de faire de l'Europe une fédération ne rencontrent pas l'adhésion populaire escomptée.
23/03/2024, 06:30
Quoi de plus jubilatoire quand on travaille à son nouveau polar qu’un meurtre dont le coupable, semble-t-il, vous avertit charitablement. Susan Cooper, romancière britannique et à succès, réside à Paris : ce samedi pluvieux, elle reçoit un message par Instagram, de Nora Melki. La jeune femme lui écrit : « Je l’ai tué, s’il vous plaît aidez-moi ! »
22/03/2024, 12:36
De la littérature avant toute chose, voici ce que les 10 meilleures ventes de la semaine 11 (11-17 mars) nous apprennent. À l’exception de l’entrée notable de Spy Family tome 12 de Tatsuya Endo (traduction Satoka Fujimoto et adaptation par Nathalie Bougon) en 4e position, avec 22.334 exemplaires, tout n’est que fiction. Avec deux romanciers qui campent fermement.
22/03/2024, 10:39
BONNES FEUILLES — Combien de fois s'est-on trouvé devant le miroir, les larmes aux yeux, se jugeant trop enrobé, constatant des vergetures, ou se lamentant sur des oreilles trop écartées... Nous nous critiquons pour être trop ceci ou cela, un véritable gaspillage d'énergie ! Peut-être que le réel souci ne réside pas en nous, mais plutôt dans les normes de beauté oppressives qui nous accablent.
22/03/2024, 08:30
BONNES FEUILLES — En 1935 à Berlin, Felice Bauer, qui fut fiancée à Franz Kafka à deux reprises, s'échappe de l'Allemagne sous le régime nazi avec ses enfants, tandis que les proches de l'écrivain cherchent également à fuir les prémisses de l'Holocauste. Des décennies plus tard, un individu se présentant comme le fils de Kafka approche à Manhattan le fils de Felice, déclenchant ainsi une saga autour des célèbres Lettres à Felice rédigées par Kafka. Traduit du tchèque par Barbora Faure
22/03/2024, 07:30
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