J’avais juré de revenir avant la fin de 2017, mais vous savez pertinemment comment se passe cette période : on croit en avoir terminé après Noël. Que nenni, starting blocks et dernière ligne droite ! Il ne reste qu’une toute petite semaine pour tout boucler.
Le 08/01/2018 à 09:43 par La Licorne qui lit
Publié le :
08/01/2018 à 09:43
Ajoutez à cela, la fameuse fondue du 26 décembre à midi – parce qu’on n’avait pas encore ingurgité assez de calories —, l’apéro de votre copine de lycée Agathe, qui se souvient qu’elle vous avait promis de vous présenter son dernier licorneau, le thé chez Tante Louise qui habite à pétaouchnoc – obligée de prendre le sky-train, et évidemment les elfes-cheminots ont fait la grève —, les confettis du pré, du post, du réveillon, et les trois jours d’hibernation qui ont suivi…
Enfin, bref, je n’ai pas eu une minute à moi et malgré toute ma bonne volonté, ce fut des vacances plutôt légères question lecture, mais relativement lourdes en matière de glucides, d’acides gras non-saturés et autres sucres raffinés !
Au préalable, laissez-moi vous envoyer un gigantesque paquet de poudre magique multicolore pour 2018. J’espère que vous avez pu vous reposer et que vous attaquez cette année mus par de belles et courageuses résolutions que vous n’honorerez certainement pas. Ce n’est pas si grave, comme disait Pierre de C., l’important, c’est de participer ! Je vous avais laissés avec une chronique qui parlait de mon refus de proposer un palmarès de mes livres favoris.
De retour aux affaires, je vois que les habitudes n’ont guère évolué, la magie de Noël n’a donc pas produit son effet : les évènements littéraires incontournables, les absolutelymust-read de janvier, les adaptations les plus réussies, et ainsi de suite. Les donneurs de notes sont de retour. Chères lectrices, chers lecteurs, n’oubliez pas de vous fier à votre instinct et à votre cœur et écoutez vos envies. Le tout petit festival organisé à deux pas de chez vous sera peut-être plus étonnant que Livre Paris, qui sait… (Je vous renvoie à cet excellent article de la rédaction)
Bien décidée à mettre de côté cette cascade de conseils avisés – ou pas ? – j’ai ressenti, comme qui dirait, un certain besoin de sécurité et de familiarité. Et la onzième aventure de l’un de mes inspecteurs chouchous, après quatre ans d’absence, me faisait de l’œil depuis quelques semaines. Quelle allégresse de suivre à nouveau ce bon vieux Harry Hole dans la Soif. Oh qu’il m’avait manqué Harry. Je prie instamment Jo Nesbo de faire preuve d’un plus d’assiduité dans l’écriture. Je comprends que le manque créé le désir, mais quand même.
Toutefois, Jo, je te pardonne, car je n’ai point été déçue. Impossible de lâcher ce gros tome de 605 pages, où rien n’est laissé au hasard. Entre frayeurs, morsures, sentiments contradictoires, remises en question, suspense intense et personnages travaillés, l’auteur norvégien nous offre un polar de haut vol. Je parie que comme moi vous vous exclamerez en milieu de lecture « c’est bon j’ai tout compris ». Eh bien non, continuez, car vous n’avez rien compris du tout !
Une jeune femme est sauvagement assassinée dans son appartement à Oslo, suite à un rendez-vous Tinder. Mauvais match. D’ailleurs depuis, j’ai supprimé l’appli de mon iPhone, beaucoup de risques pour si peu de résultats probants. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’un meurtrier à tendance vampirisante, au vu des blessures et des mutilations retrouvées sur le cadavre. Deuxième meurtre, même méthode.
Et ce n’est que le début. Les forces de l’ordre sont sur les dents (c’est le cas de le dire, je ne vous en dirai pas davantage), et il revient à la jolie Katherine Bratt de prendre la direction des opérations. Le nouveau chef de la police, Mickaël Bellman, conscient que cette enquête pourrait lui valoir le poste de ministre de la Justice qu’on lui fait miroiter, n’envisage qu’une solution, faire appel au seul et à l’unique, Harry Hole.
Seul hic, Harry est rangé. Devenu enseignant à l’école nationale de police, il tente de vivre une existence paisible auprès de son épouse Rakel et de son beau-fils Oleg. Mais Harry est inlassablement hanté par ses vieux démons et les mises en scène macabres font réapparaître les souvenirs et les traumatismes liés à la seule affaire qu’il n’a jamais résolue. Et ce n’est pas la vaine tentative de chantage exercée par Bellman qui convainc Harry Hole de s’impliquer dans cette traque, mais la nécessité pour lui d’attraper celui qui lui échappe depuis si longtemps, Valentin Gjertsen. « Le bonheur, c’était comme d’avancer sur une fine couche de glace : mieux valait nager dans l’eau froide, être gelé et s’évertuer à ressortir que d’attendre que la glace s’effondre sous nos pieds. » Harry n’est peut-être pas programmé pour le bonheur et la tranquillité.
Hole se voit chargé de mettre en place une cellule spéciale de soutien à Katherine, cellule composée de son ami technicien d’identification criminelle Bjorn Holm – tout juste séparé de Bratt —, d’un petit nouveau prometteur et d’un doctorant expert des vampires. Commence alors un jeu du chat et de la souris au cours duquel le psychopathe assoiffé de sang prend un malin plaisir à narguer Harry, qui n’a rien perdu de son talent d’observation et de déduction.
Toujours à la limite de la légalité, Harry va prendre tous les risques pour faire cesser le carnage. Certes, on pourrait penser que le dernier Nesbo n’est qu’un bon roman policier noir, très noir. L’auteur aborde pourtant une série de thèmes fondamentaux, sur lesquels j’ai médité au coin de la cheminée : les luttes de pouvoir politiques qui se font parfois au détriment de la sécurité de la population ; l’importance de la vocation qui prend le pas sur la vie familiale ; la figure du père-héros susceptible de tomber de son piédestal ; les dérives d’une société dont les membres passent un nombre incalculable d’heures à chater avec des inconnus derrière un écran ; statut des femmes — encore et encore – qui se trouvent trop souvent dans des positions de faiblesse et de soumission ; développement de nouvelles formes d’amusement et d’excitation qui font de plus en plus de ravages, grâce, notamment, aux réseaux sociaux qui facilitent grandement la construction de communautés obscures partageant les mêmes penchants déviants.
« Tout comme les meurtres et l’horreur étaient la chose naturelle et logique, et la charité l’anomalie, une résultante des modes d’organisation complexes de l’humain grégaire pour promouvoir la survie de l’espèce. Car la charité s’arrêtait là, à sa propre espèce, et c’était la capacité illimitée de l’homme à la cruauté contre d’autres espèces qui assurait sa survie ». Fort heureusement, il existe des Harry pour nous protéger des méchants.
J’ai atteint la page 605 sans aucune difficulté, ni ennui, happée par les rebondissements et entretenue par le rythme imposé par l’écriture précise de Nesbo. J’ai retrouvé mon Harry, torturé, attachant, amoureux, borderline, empli de doutes, en lutte constante avec ses pulsions alcooliques et ses tendances destructrices. Et je me réjouis du prochain opus, car bonne nouvelle, il y aura une suite !
J’ai écrit cette chronique un 7 janvier. Il y a trois ans, jour pour jour, des détraqués ont à tout jamais marqué l’histoire en s’attaquant à une valeur que je chéris par-dessus tout : la liberté d’expression. Pour 2018, un vœu : restez libres, libres de critiquer, libres d’aimer, libres de ne pas être d’accord, libres de croire, libres de choisir, et comme l’a si joliment chanté cette artiste, qui a rejoint le paradis blanc ce 7 janvier, Résiste.
Belle rentrée à toutes et à tous, en vous souhaitant de nouvelles aventures littéraires, passionnantes, enivrantes, surprenantes ! À tout bientôt.
Jo Nesbo, trad. Céline Romand-Monnier – La Soif – Editions Gallimard, série noire – 9782070145041 – 21 € / ebook 13,99 €
Paru le 05/10/2017
624 pages
Editions Gallimard
21,00 €
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