Attention, gros coup de cœur. Avec L’Enfant de poussière, Au Diable Vauvert nous propose de plonger dans ce qui s’annonce comme l’une des plus grandes sagas de fantasy historique de ces dernières années. Rien que ça. Force est de constater que le pari est brillamment réussi : le Cycle de Syffe démarre fort, porté par une écriture sublime et raconté par un personnage qui n’a rien à envier à ceux de Hobb ou Rothfuss. Fans et non-fans du genre, foncez les yeux fermés, car le voyage en vaut très largement la peine.
La mort du roi et l’éclatement politique qui s’ensuit plongent les primeautés de Brune dans le chaos. Orphelin des rues qui ignore tout de ses origines, Syffe grandit à Corne-Brune, une ville isolée sur la frontière sauvage. Là, il survit librement de rapines et de corvées, jusqu’au jour où il est contraint d’entrer au service du seigneur local. Tour à tour serviteur, espion, apprenti d’un maître-chirurgien, son existence bascule lorsqu’il se voit accusé d’un meurtre. En fuite, il épouse le destin rude d’un enfant soldat.
Il est de ces livres qui vous tombent des mains, d’autres qui vous scotchent jusqu’à la dernière page. Des livres vite lus, vite oubliés tandis que d’autres vous marquent durablement de leur empreinte. Et à côté, rares et inestimables, il est des chefs-d’œuvre, de véritables surprises qui vous assènent de violentes claques au visage pour vous laisser comme deux ronds de flan avec le sentiment de ne savoir ni où vous êtes, ni ce qu’il vient de se passer. Je vous le donne dans le mille : L’Enfant de poussière fait partie des chefs-d’œuvre en question.
Pour un premier roman de fantasy, Patrick K. Dewdney voit très, très grand. Il faut être particulièrement ambitieux – fou ? – pour se lancer dans une saga en 7 volumes se situant dans un univers totalement nouveau avec des personnages assez forts et une écriture assez juste pour convaincre un lecteur chevronné du genre. Tous n’en sont pas capables ; Dewdney, lui, le peut. Et le fait.
C’est aux alentours de la ville de Corne-Brune que commence l’histoire du jeune Syffe, 8 ans, lui qui vit avec ses camarades à la ferme de la veuve Tarron, mais le destin lui promet un grand et long voyage qui lui permettra, ainsi qu’à nous, de découvrir l’immensité et la complexité du monde créé par Patrick K. Dewdney. C’est toute une flopée de peuples, de paysages incroyables, agrémentés d’une histoire ainsi qu’une situation géopolitique fouillée et crédible que nous présente l’auteur.
Et par les yeux de Syffe, nombreux seront les moments où le lecteur s’émerveillera de tant de précision et de vraisemblance. Et pour les allergiques aux déferlantes de magie et créatures étranges, rassurez-vous : à l’image d’un Trône de fer, l’aspect fantasy n’est finalement que peu présent dans ce début de cycle.
Le monde de Syffe est noir ; les choses ne vont pas pour le mieux entre les places fortes et régnantes de cet univers, et nous sommes plongés dans une atmosphère qui s’assombrit et devient plus pesante au fil des pages. Sur plusieurs années, nous voilà les témoins de la décadence de peuples et la naissance d’une guerre, et de leurs répercussions sur les différents personnages et leur entourage.
Syffe, narrateur de cette histoire, sera le premier à en baver. Du haut de son jeune âge, le jeune homme se montrera tantôt faible, tantôt fort, et c’est avec tristesse que nous assisterons aux malheurs qui s’abattent sur lui les uns après les autres, et avec un large sourire que nous l’écouterons parler de ses rêves, de ses espoirs, de son amour pour Brindille, son amitié avec Driche, et son respect pour ses mentors. Et de nous rendre compte rapidement qu’il y a un peu de Syffe en chacun de nous ; l’auteur réussit le pari – pas donné à tout le monde – de nous faire croire en son personnage, et de nous donner envie de le suivre tout le long de sa vie, comme un ami, un compagnon d’aventure.
Quant aux autres protagonistes, ils ne sont pas en reste. Les rencontres que fera Syffe au cours de son enfance seront nombreuses, et incroyablement riches. Là encore, prenez le pari de ne pas vous attacher au petit Merle, à Nahirsipal le maître-chirurgien, mais surtout à Hesse le première-lame ou à Uldrick le guerrier-var… C’est bien simple : il est tout bonnement impossible de découvrir ces différents personnages sans avoir envie de les voir prendre vie sous nos yeux. Chacun est écrit avec un réalisme foudroyant qui nous touche en plein cœur.
Il faut dire que la plume de Dewdney n’y est pas pour rien. Toujours concise, elle se révèle d’une beauté simple et insolente. Petit bémol cependant : si le style est impeccable, les fautes et oublis de mots sont réguliers et le roman aurait bénéficié d’une relecture attentive… Bien heureusement, rien qui nous sorte de notre lecture, et pour cause : les dialogues sont extrêmement bien écrits, justes et parsemés de touches d’humour, et les lignes défilent sous nos yeux sans que l’on s’en rende compte, bien aidées par des rebondissements inattendus et des scènes dramatiques à n’en plus savoir comment respirer.
Il est fort probable que vous passiez quelques heures à ne plus pouvoir détacher vos yeux des pages de cet Enfant de poussière.
Et 600 pages plus tard, cette incroyable impression de laisser derrière des amis chers. Bien heureusement, ce n’est que pour mieux les retrouver, puisque le tome 2, intitulé La peste et la vigne, est prévu pour septembre prochain. Et s’il est d’aussi bonne qualité que son prédécesseur, nul doute que nous tiendrons là un véritable monument de la fantasy française – voire de la fantasy tout court. On en redemande.
Patrick K. Dewdney – Le cycle de Syffe, T1 : L’Enfant de poussière – Au Diable Vauvert – 9791030701210 – 23 €
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Pour approfondir
Editeur : Au Diable Vauvert
Genre :
Total pages : 620
Traducteur :
ISBN : 9791030701210
L'enfant de poussière
de Patrick K. Dewdney
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