
Profondément impressionné par l’aura que procurait, à ses propres yeux de critique littéraire et d’écrivain sans grande envergure, une personnalité dont les ouvrages atteignaient pour lui des sommets inaccessibles, il vouait à Sola un amour excessif, abusif et possessif qu’elle était bien loin de vouloir lui accorder en retour même si elle avait, un moment, développé certains sentiments à son égard.
Retrouver l’esprit brillant avec lequel il avait pu un temps communier, imaginer que l’œuvre que Sola avait entamée ne pouvait pas s’achever ainsi, quand ses ouvrages précédents lui avaient paru ouvrir la porte d’une oeuvre plus immense encore, ne pas accepter la réalité d’une fin et la disparition évidente du dernier ouvrage qu’elle avait écrit : tels sont les sentiments qui sont les siens et qui lui font refuser d’assister à son incinération et élaborer son éloge funèbre.
Qui, pourtant, mieux que lui, pouvait la faire ?
Lui qui, à plusieurs reprises, avait été suffisamment présent dans la vie de Sola pour empêcher le geste ultime.

De l’incompréhension d’un geste dont il ne peut pas imaginer la justification tant il lui semble que la conscience de la dimension évidente de l’œuvre littéraire déjà réalisée aurait dû permettre à son auteur de passer outre tous les doutes et ne conduire qu’à de nouveaux aboutissements.
En passant par la compétition entre deux frères que tout sépare depuis l’enfance et que, même la mort d’un amour commun, ne contribuera pas à rapprocher vraiment.
En faisant le détour (mais était-ce vraiment nécessaire de nous imposer cette longue digression) par le journal intime du père de Sola, immigré iranien, lui-même vraisemblablement suicidé au terme d’une vie de doute, incapable d’assumer cette vie et ses contradictions.
En dévoilant tout le désastre d’un amour qui ne sait pas répondre aux attentes de l’objet de toutes ses attentions et de toutes ses pensées. Trop exclusif (et trop égoïste par certains côtés) pour ne pas être capable de percevoir les angoisses bien trop prégnantes qui finiront par terrasser toute velléité de poursuite d’une œuvre.

Sombre, désespéré et désespérant parce que les explications à un geste terrible manquent, ce roman m’amène une question : comment Linda LÊ a-t-elle pu, en d’autre temps et d’autre lieu, écrire un ouvrage dont le titre est « Tu écriras sur le bonheur » ?!
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