ESSAI BIOGRAPHIQUE - Voici un livre sublime, éclairant, parfois drôle, parfois contrariant mais toujours passionnant. Quel travail de recherche et d’écriture ce dût être pour Andrew Roberts, enseignant au King’s College de Londres et à la Hoover Institution de Stanford et éminent spécialiste de la biographie historique. Et n’oublions surtout pas le magistral travail d’Antoine Capet, traducteur de cette monumentale biographie de Churchill – car oui il s’agit bien de lui – de plus de 1200 pages – et publiée chez Perrin.

Né en 1874, sous le règne de la reine Victoria, mort en 1965, celui qui fut deux fois Premier ministre dont une fois sous Élisabeth II (oui celle-là même qui est toujours sur le trône en ce moment … le passé devient soudainement très proche) était pourtant persuadé qu’il allait mourir jeune, à l’image de son père, mort à 45 ans.
Tel ne fut pas le cas et pourtant la Mort lui a souvent fait de l’œil : il a reçu des coups de couteau à l’école, a fait une chute de dix mètres, eu une pneumonie, a failli se noyer dans un lac, se faire trouer la peau par les balles des Cubains, par les lances de Derviches, a vu son train se faire attaquer par les Boers, a côtoyé les mouches tsé-tsé, a eu de multiples accidents de voitures et d’avions (il était pilote), a survécu aux tranchées et aux obus de la Première Guerre mondiale, sans parler de l’accident sur la 5e avenue où il se fit renverser par une voiture roulant à plus de 50 km/h. Sans être superstitieux, il faut croire que son destin devait s’accomplir coûte que coûte.
Nous passons d’une biographie à un roman d’aventures !
Journaliste, agent secret, militaire, homme politique, écrivain (Prix Nobel de la littérature en 1953), peintre, bon vivant et visionnaire – sauf quand il se trompait – Winston Churchill était, qu’on l’apprécie ou pas, un homme hors du commun. Souvent taxé d’insolence, « il y avait [néanmoins] une dimension d’autodérision dans sa vanité qui l’empêchait d’être repoussante ». Il faut tout de même reconnaitre qu’âgé à peine de 25 ans il avait déjà participé à quatre guerres, publié cinq livres, écrit des centaines d’articles, participé « à la plus vaste charge de cavalerie du dernier demi-siècle » et surtout la dernière et réussit à s’échapper de prison, de quoi être assez sûr de soi !
Certains diront que Churchill était un « va-t-en-guerre », à la lecture de cette biographie, nous avons plutôt tendance à dire qu’il ne fuyait pas les faits quand ils se présentaient devant lui et qu’il préférait être prêt quitte à en faire trop et à épuiser ses équipes. L’Angleterre ne lui en doit pas moins une refonte profonde de son armée puisqu’il est considéré comme étant à l’origine de la création de la Royal Air Force, considéré également comme étant le père du porte-avions moderne et du char d’assaut. Il faut dire qu’il était, à juste titre, persuadé d’une chose : « La guerre entre les peuples sera plus terrible que celle entre les rois », une bonne préparation était donc plus que nécessaire.
Forte tête, ayant aiguisé l’art de la répartie dont il n’était pas avare, il avait fort peu de vrais amis en politique. Trop honnête, trop direct, trop bruyant, ce sont finalement tous ses défauts qui, petit à petit, lui attireront, sinon la sympathie, du moins une forme de confiance du peuple en 1940. Lui au moins était droit dans ses bottes et peut-être que si nous l’avions écouté depuis toutes ses années … mais on ne refait pas l’histoire avec des « si », quoi qu’il en soit, « l’une des raisons qui expliquent que Churchill soit devenu Premier ministre en 1940, c’est que si peu de gens avaient prêté attention à ses discours, beaucoup d’autres se rappelaient qu’il les avait prononcés. »
[Premières pages] Andrew Roberts - Churchill
Ses fameux discours faisaient peur à beaucoup, – Hitler lui-même craignait l’orateur alors qu’il n’avait encore aucun pouvoir puisque n’étant plus ministre de 1929 à 1940 – quand on conseillera à Churchill d’arrêter de faire ses discours démoralisants sur l’éventualité d’une seconde grande guerre (en 1938 …) il répondra : « Me demander de ne pas faire de discours c’est comme demander à un mille-pattes d’avancer sans poser un pied par terre. »
Et quels discours ! Cela n’est pas pour rien qu’une fois la guerre lancée, écouter Churchill à la radio dans la zone occupée était passible de la peine de mort !
« Lord Ismay déclara au président Eisenhower qu’il serait impossible d’écrire une biographie objective de Churchill avant au moins l’an 2010 », il aura fallu attendre 2020 pour que celle-ci puisse voir le jour grâce à bons nombres d’archives enfin disponibles, qui permirent à l’historien d’être le plus objectif possible dans son étude, à énoncer les qualités comme les défauts, les bonnes actions comme les erreurs.
Mais, tout de même, comment ne pas être admiratif (du sujet et du livre) en refermant cette biographie … avec une once de regret.
À lire ! À lire absolument !
Andrew Roberts, trad. Antoine Capet - Churchill - Perrin - 9782262081195
Commentaires
Mmmm, le 01/12/2020 à 08:05:08
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