ROMAN ETRANGER – La Terre détruite, seul un petit contingent d’êtres humains s’élance au bord du HSS Matildat. Ce gigantesque vaisseau spatial transporte ce qu’il reste de l’humanité vers un avenir incertain, et une planète promise plus floue encore…

De génération en génération, le pont du navire a été fréquenté par les descendants, mais depuis les étages supérieurs, des dirigeants corrompus ont pris le pouvoir. Avec une logique de discrimination simple : les personnes à la peau sombre, reléguées aux ponts inférieurs, ont subi une cruauté grandissante et furent soumis à des travaux de plus en plus écrasants. À sa tête, un despote qui entretient cette distinction de classe…
Le culte de la suprématie blanche a la peau dure… Et 325 années à errer dans le vide ont laissé place à la surveillance étroite et la souveraineté des puissants.
Une colère légitime grandit depuis ces quartiers, et dans l’immensité du HSS Matilda, vit Aster. Elle prodigue des soins médicaux à ses pairs, avec une abnégation et une colère qui forcent l’admiration. Dans la pauvreté, on est plus facilement frères que dans l’opulence : la solidarité devient impérieuse, alors que les classes supérieures maintiennent à grands frais le luxe de leur mode de vie.
Et voilà que le grand chef du vaisseau tombe malade : Theo Smith, chirurgien en chef, mentor et ami d’Aster va la prendre plus encore sous son aile. Il lui demande de venir l’assister dans le traitement à appliquer au patient.
À mesure, se dévoile une étrange correspondance, comme si la maladie qui le frappe avait un lien avec le suicide de la mère d’Aster, quelque 25 années plus tôt. Elle a laissé un journal ; alors que le vaisseau est en proie à une avarie — des coupures de courant… —, il sera peut-être l’unique clef pour comprendre et l’échappatoire pour sauver la population. Mais encore faudra-t-il déchiffrer les notes laissées, pour découvrir peut-être les mystères qu’abrite Matilda.
Combien de fantômes survivent dans l’espace ?
Des personnages au réalisme frappant, un monde en huis clos démesuré, mais parfaitement cohérent — et le défi était de taille… – voici l’un de ces romans d’une science-fiction nouvelle et ancienne. Celle qui éclaire le présent (et le passé) à la lumière du futur. Dans un régime tyrannique, très à la mode actuellement, on assiste impuissant à la sinistre existence dans une forme de dystopie bien connue.
L’avantage de l’exploration futuriste est celui de la diversité des humains qui cohabitent sur le vaisseau, de leurs identités, y compris sexuelles, mais également de leurs défaillances, humaines, trop humaines pour ne pas résonner. La discrimination par la différence mise en exergue, la violence qui s’emploie à rabaisser l’autre pour en faire quasi un esclave…
On peut exploiter l’espace pour évoquer des problèmes raciaux, parler de racisme et de ségrégation. Mais la mise à distance dans le temps et l’espace, littéralement, ne change rien au constat : c’est bien de notre époque, dont il s’agit. Alors, comment concevoir et agir dans notre monde sans y implanter le germe de sa propre destruction ?
Loin de Star Trek, des éléments de la SF que l’on pourrait attendre : ici, le bond au milieu des étoiles et des galaxies sert avant tout de bac révélateur. Patriarcat, maladie mentale, foi, ou encore avortement… tout s’y retrouve, plus puissant et dévastateur que jamais.
Rivers Solomon, trad. Francis Guévremont — L’incivilité des fantômes — Aux forges de Vulcain — 9782373050561 – 20 €
Dossier - Rentrée littéraire 2019 : une cuvée de 524 romans à découvrir
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Pour approfondir
Editeur : Aux Forges De Vulcain
Genre : littérature...
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Traducteur :
ISBN : 9782373050561