
En lisant les premières pages d’Ailleurs, puisque les éditions Christian Bourgois ont décidé d’affadir Disquiet en Ailleurs, j’ai cru lire un remake romanesque du film Les Autres de Alejandro Amenábar avec la magnifique Nicole Kidman : « La femme portait une jupe de tweed droite, un chemisier de soie grise et ses cheveux noirs étaient retenus dans un chignon non serré, comme celui que sa mère lui faisait autrefois. A ses pieds, une valise. Les enfants – un garçon de neuf ans et une petite fille de six qui tenait sa poupée préférée – portaient chacun un sac à dos et une petite valise personnelle ». « Does it ring a bell » dirait Julia dans sa langue maternelle mâtinée de l’accent de Sidney ? Moi, je trouve qu’on dirait une description de Nicole, l’autre australienne !

Donc l’histoire est celle d’une jeune femme qui revient dans la propriété de sa mère, en France, après avoir connu l’amour, et les coups, auprès d’un homme qui l’a emmenée en Australie où ils ont eu deux enfants. Le retour de la petite famille (sans le père des enfants) qui n’avait pas donné signe de vie à « grand-mère » depuis des années. Le domaine est clos par une enceinte de pierres et par un portail imposant que laisse deviner la couverture de l’édition française. En quelques pages, le paysage est planté. Le style est parfait. Austère et glacial « Rien ne se passa, la porte refusa de s’ouvrir : la femme essaya de nouveau, la porte demeura fermée ». C’est aussi plat qu’une histoire de Dora l’exploratrice, traduit par automate.
Je me reprends. L’histoire se complique quand le frère de « la femme » revient de la maternité avec sa femme et… un enfant mort-né emmailloté dans des draps. L’horreur commence. Ou plutôt l’anxiété, l’appréhension, l’angoisse si l’on reprend le titre original.

Ce petit livre dévoile la (future) grande romancière qu'est Julia Leigh si on entend qualifier par là, un auteur capable d’imposer une histoire par une narration irréprochable. Cependant, ce livre manque de cœur pour moi, et surtout de tripes. Il sent les cours de “Creative Writing” que l’on dispense dans les universités anglo-saxonnes et à Adélaïde en particulier.
Pourtant si vous aimez le suspense, les atmosphères lourdes et pesantes, la perfection du style que vous pourrez méditer en essayant de composer a posteriori le synopsis original, alors oui, lisez vite ce petit bijou. Et militons pour que viennent en France ces classes d’écriture qui auraient pu nous sauver de bien des livres illisibles.
Nous attendons le prochain livre de Julia Leigh avec impatience. Elle a le 21e siècle pour elle.
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