Après les avertissements charitables, la procédure juridique était prévisible. Plusieurs grands éditeurs américains viennent ainsi de lancer une action contre Audible. Ils dénoncent la violation du copyright qui découle de Captions, une fonctionnalité offrant de sous-titrer les livres audio.
En première ligne, Hachette, HarperCollins, Macmillan, Penguin Random House et Simon & Schuster. Le Big Five s’est réuni pour dénoncer la création de Audible Captions, outil présenté mi-juillet. On y retrouve aussi Scholastic et Chronicle Books. La filiale d’Amazon était pourtant très fière de dévoiler ce service : durant l’écoute d’un livre audio, Captions affiche directement le texte en cours de lecture.
Une reproduction non autorisée, tout simplement
Audible avait déjà essuyé une première vague de protestation à peine la fonctionnalité dévoilée. Elle avait tenté de se justifier en plaidant l’usage pédagogique qu’allait permettre Captions. Cet outil était destiné aux étudiants, assurait la firme, mais les éditeurs faisaient déjà les gros yeux, trouvant l’excuse un peu grossière.
En effet, jurait Audible, Captions « ne reproduit ni ne remplace l’expérience de la lecture imprimée ou de livres numériques ». Mais en regard des premiers titres utilisés pour expérimenter la fonction, personne ne comprenait vraiment où intervenait la pédagogie dans ce cirque.
« Audible Captions se sert de livres audio, dont les éditeurs ont la propriété exclusive, et les convertit en une narration texte non autorisée, tout en distribuant l’intégralité de ces “nouveaux” livres numériques aux clients d’Audible », pointe l’accusation.
« Les actions d’Audible — prendre des œuvres sous droits et les réutiliser à son profit sans autorisation — constituent le type de violation du copyright que, par excellence, la loi sur le Copyright interdit strictement. »
Une concurrence déloyale, avec des fautes d'orthographe
Pour Amazon, tout le monde s’entête à lui vouloir du mal : la retranscription est effectuée par une Intelligence artificielle, et ce qu’elle produit n’est que presque identique au texte originel. L’enjeu juridique devient alors saisissant : il se pourrait que l’on arrive à statuer, devant la cour, de la relation entre une œuvre et une IA.
L’Association of American Publishers, qui représente les maisons, qui a déposé la plainte, ajoute : « Nous sommes extrêmement déçus du mépris délibéré d’Amazon vis-à-vis des auteurs, des éditeurs et de la loi sur le droit d’auteur », indique Maria A Pallante, l’actuelle directrice de l’AAP.
« Dans ce qui ne peut être décrit que comme un effort pour obtenir un avantage commercial sur des œuvres littéraires qu’il n’a ni crées ni ne possède, Audible chercher délibérément à vendre un produit non autorisé, qui interfère avec les marchés actuels et entre en concurrence avec eux. Le tout avec des fautes d’orthographe — c’est un mauvais service rendu à toutes les personnes concernées, y compris les lecteurs. »
Un seul mot : du vol !
Audible pourra-t-il plaider le Fair Use dans cette histoire ? Plusieurs observateurs commencent déjà à établir des parallèles entre Google Books et cette affaire à venir. La firme qui numérisait les ouvrages à tour de bras avait en effet fini par l’emporter contre l’édition, après plus de 10 années de procédure cependant. La fonctionnalité Captions ne serait-elle qu’une valeur ajoutée, comme un service qui répondrait aux attentes du Fair Use ?
« Mon contrat est extrêmement clair : les seuls droits cédés à Audible concernent l’enregistrement et la lecture orale. Les droits de reproduction du texte de quelque manière que ce soit, sont explicitement refusés », assure Doug Preston, président de l’AG.
« Je ne peux pas croire qu’Audible respecte si peu les auteurs, les engagements contractuels et le copyright pour penser pouvoir s’approprier les droits de ce qu’il n’a pas. Il y a un mot simple en anglais pour décrire ceci : le vol. »
Amazon, au service de l'enfance
La plainte demande une injonction préliminaire, empêchant la poursuite du programme Captions, qui doit sortir publiquement en septembre. Mais Amazon n’a pas tardé à réagir, avec une déclaration qui présente Captions comme une solution éducative destinée à aider les jeunes enfants et à améliorer l’alphabétisation.
La fonctionnalité n’a jamais eu pour vocation de se substituer à un livre. « Nous voulons aider les enfants qui ne lisent pas à lire et à s’investir par l’écoute dans la lecture. Cette fonctionnalité permettrait à ces auditeurs de suivre quelques lignes de texte générées par une machine tandis qu’ils écoutent la réalisation audio », indique un porte-parole à The Verge. La présence de Becoming, la biographie de Michelle Obama, dans la liste des audiolivres expérimentaux ne confirme pas vraiment les arguments avancés, originaux, voire téméraires.
Et de réfuter évidemment la moindre violation du droit d’auteur, tout en renouvelant avec tendresse ses appels aux éditeurs, pour une collaboration intelligente. Cela « pour les aider à mieux comprendre les atouts de cette innovation en termes d’éducation et d’accessibilité ».
Commentaires
Black Bullet, le 25/08/2019 à 01:26:03
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Flo, le 26/08/2019 à 08:52:02
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EMILEON, le 26/08/2019 à 15:12:39
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