Exclusif ActuaLitté : Le projet MO3T a récemment fait couler de l'encre, alors que le Commissariat général à l'investissement avait débloqué 3 millions € pour son développement. Cependant, l'intention du projet semble avoir été mal comprise. La faute à une communication discrète ou trop confinée, certes, mais également… à une impatience de la presse, à qui l'on n'a pas encore vraiment d'éléments à donner.
Le 24/07/2012 à 15:55 par Clément Solym
Publié le :
24/07/2012 à 15:55
Pour l'heure, ce que l'on sait, réellement, c'est que plusieurs acteurs sont impliqués : toute la chaîne du livre - y compris les bibliothèques - aux côtés de deux opérateurs télécom. Ainsi, la liste s'allonge avec Eden Livres, l'entrepôt numérique de Gallimard, La Martinière et Flammarion. À ce titre, le résident de la rue Gaston Gallimard intervient également comme éditeur. Mais l'on retrouve également le deuxième groupe français, Editis. Les libraires ne sont pas en reste, puisque Dialogues et La Procure font partie du cénacle. De même, le Syndicat de la librairie française suit de très près les développements… pour l'heure encore très discrets. Et du côté opérateurs, on retrouve Orange, à l'initiative du projet, et SFR, pas très loin. Bouygues est également dans la boucle, mais uniquement à titre informatif.
Un service interopérable et pérenne
Sollicité par ActuaLitté, David Lacombled, qui pilote le projet - lequel s'inscrit dans le Grand Emprunt - nous a précisé dans un entretien quelques points assez essentiels. « MO3T, c'est avant tout un projet de convergence et de fédération des acteurs. Nous ne nous articulons pas autour de la création d'une nouvelle offre, et en ce sens, MO3T ne sera pas une énième librairie en ligne, proposant des livres numériques. Il s'agit au contraire d'un projet de service qui soit interopérable et pérenne. Et qui, pour se structurer, tente de réunir tous les acteurs concernés autour d'une table. »
Belle ambition. Qui pour l'heure n'a encore rien de concret à présenter à la presse. « Nous attendons la notification officielle du Commissariat à l'investissement, avant de communiquer », nous explique Alban Cerisier, responsable numérique des éditions Gallimard. Et de préciser que cette notification devrait intervenir entre la mi-août et début septembre. Dans l'intervalle, MO3T continue d'avancer. « Mais pour cela, nous avons besoin de financements, avant de passer à une phase d'industrialisation. Pour le moment, nous travaillons sur du proof of concept. Un terme de geek barbare, pour dire que nous tentons de réunir un maximum de cas de figure qui se présenteraient, et de les résoudre en amont. »
En somme, des cas d'usages que les utilisateurs, mais pas uniquement le grand public, rencontreront.
Des usages... à définir
Pour exemple, citons donc le prêt de livres numériques achetés par un utilisateur, à destination d'un autre. Ou encore, la possibilité d'offrir un ebook à un tiers, etc. En fait, toutes les possibilités d'utilisation sont passées en revue, et Orange affirme avoir déjà dénombré près d'une centaine de cas à démêler. « Pour le moment, notre tour de table se fait avec des acteurs resserrés : deux opérateurs, deux éditeurs, la société Dilicom (importante, du fait de son Hub), et deux libraires, avec le SLF », précise David Lacombled.
« En aucun cas, nous n'avons pour intention de nous lancer contre Amazon, Google, ou qui que ce soit. Ce serait même le contraire : à terme, notre intention est d'être en mesure d'intégrer ces acteurs à l'écosystème que nous allons mettre en place. MO3T n'a pas vocation à rivaliser avec eux. Ni même avec la plateforme The Ebook Alternative de Decitre. En fait, nous aurions même vocation à travailler ensemble à l'avenir. »
Du côté de la librairie Dialogues, on évoque un projet « encore à déterminer, bien que les grandes lignes soient déjà là ». Mais alors, que trouvera-t-on précisément ? « C'est un ensemble complexe, que l'on peut ramener à un gestionnaire de bibliothèque personnelle. En somme, tous les acteurs pourront s'y interfacer, pour profiter de l'environnement complet que MO3T va mettre en place. »
Encore nébuleux ? « MO3T, c'est l'association de tous les corps de métiers : distributeur, opérateur, éditeur, bibliothécaire, avec la vocation de rassembler le plus largement possible. Pour Orange, c'est une réponse apportée en tant qu'organisme d'opérateur historique », nuance David Lacombled.
MO3T, mieux que l'albatros
Pour faire simple, il faut envisager MO3T comme un immense réservoir dans lequel seront placés des livres numériques achetés par des usagers, et où les différents acteurs professionnels pourront se connecter, avec pour objectif « de maintenir l'accès aux oeuvres, sans limite de temps. Aujourd'hui, un internaute qui achèterait son ebook chez Dialogues ne pourrait plus y accéder si le service fermait. MO3T assure une continuité dans les usages ». Et ce, grâce à l'accès au cloud.
Les éditeurs n'y accéderont pas directement : en fait, ils continueront de passer par le Hub Dilicom, qui alimentera les libraires pour la vente d'ouvrages numériques - presque tous les éditeurs, pour mémoire, Hachette Livre refuse toujours d'intégrer le Hub. Pas de marketplace chez MO3T, a priori, et sûrement pas dans l'immédiat, mais pourquoi pas la possibilité pour un libraire de profiter des services pour installer son ebookstore et vendre les fichiers, alimenté par Dilicom.
« Un utilisateur pourrait acheter directement chez Fnac, Dialogues, La Procure, voir, pourquoi pas, un site d'éditeur, et retrouver tous ses achats dans le cloud. C'est là qu'intervient le gestionnaire de bibliothèque personnelle : tous les livres numériques, au même endroit, et immédiatement accessible », souligne Dialogues « C'est la possibilité de retrouver un achat réalisé depuis n'importe quel endroit, lié à la création d'un espace regroupement tous ses achats antérieurs. » À condition d'avoir un appareil connecté, bien entendu. Ainsi, que faire quand on est possesseur d'un Cybook Opus, qui ne dispose pas de connectivité internet ? « Dans ce cas de figure…, cela dépendra des conditions posées par l'éditeur : s'il a choisi la possibilité d'un téléchargement, ou une lecture en streaming uniquement. Cela rejoint la question des DRM, bien entendu. »
En somme, MO3T, ce serait l'accès n'importe où à un livre numérique, pour le client. Mais l'autre grand atout avancé, serait la possibilité de travailler directement avec des bibliothèques. « L'un des premiers atouts, pour les professionnels, sera la possibilité de travailler avec les collectivités, en leur faisant profiter d'un service ce cloud similaire. C'est devenu un enjeu très important, pour les librairies, aujourd'hui, que de répondre à des marchés publics. Le développement d'une offre numérique est encore trop restreint et limité pour les établissements. En ce sens, MO3T aurait un rôle important à jouer », assure Dialogues.
Le chat se mord la queue, en se prenant pour un serpent…
Les critiques, la semaine passée, n'ont pas tardé. « L'idée peut être plaisante, mais avec deux opérateurs téléphoniques et des éditeurs, ce n'est juste plus possible » nous confiait un éditeur d'une des maisons concernées. « La seule véritable nouveauté, c'est qu'Orange et SFR vont bosser ensemble... » Mais d'autres voix faisaient valoir que c'était là une nouvelle tentative de la part d'Orange d'investir le monde du livre.
En effet, on compte chez l'opérateur plusieurs secteurs, comme l'offre Read'n Go, qui devait constituer une offre numérique de livres et de BD, et qui finalement, s'est dernièrement rapatrié vers la presse, pour assurer une continuité du service. Le service de vente de livres numériques, selon nos informations, n'étaient d'ailleurs pas particulièrement lucratif, mais en 2010, quand l'application fut lancée avec force démonstrations, sur la Galaxy Tab de Samsung, nous étions encore loin du marché que nous pouvons aujourd'hui connaître.
De même, Orange a ouvert un réseau social, Lecteurs.com, dont le référencement naturel est plutôt bon. Ou encore le prix Orange du livre, remis chaque année à la BnF - laquelle BnF a fait réaliser en partenariat avec Orange, une application Candide. Tous ces services, si l'on oublie l'échec Alapage, laissaient croire que l'aventure MO3T - baptisée officieusement Projet Orange, dans ses premiers temps - était une tentative supplémentaire. ActuaLitté avait même appris de sources internes que les différents secteurs liés au livre chez Orange souffraient d'un manque de porosité. « Comment l'opérateur pourrait revendiquer une politique cohérente, alors qu'en interne, on a pu assister à des couacs majeurs », nous explique un membre d'Orange Valley.
Et de se souvenir que pour le réseau social, un projet concurrent avait été lancé, en 2008, par le Technocentre, avant de se faire griller la politesse avec Lecteurs.com, par… Orange Valley.
Des informations « erronées », nous explique David Lacombled, et qui ne sont aujourd'hui plus du tout d'actualité. « Nous organisons des réunions hebdomadaires avec tous les services que vous avez évoqués [Read'nGo, Lecteurs.com, prix Orange], pour en assurer la meilleure coordination. Aujourd'hui, tout le monde est au courant de ce qui se passe chez les autres, justement pour profiter au mieux des expériences. »
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