Président du Pen Club français entre 2005 et 2012, et désormais président d’honneur, Sylvestre Clancier aime les mots comme tout poète. Impliqué dans la vie poétique sur le territoire, mais également dans la philosophie — qu’il a enseignée au Québec — il répond à ActuaLitté. Littérature, poésie et bien d’autres au menu.
Le 27/07/2020 à 11:46 par Jean-Luc Favre
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Publié le :
27/07/2020 à 11:46
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Sylvestre Clancier : Mon père et moi étions très complices, notre entente littéraire était harmonieuse et enrichissante, d’abord davantage pour moi quand j’étais jeune, puis pour nous deux quand j’ai atteint l’âge de la maturité. Nous avons écrit ensemble en 1975/76 un livre publié par Hachette dans une collection célèbre : La Vie quotidienne en Limousin au XIXe siècle, car nous avions eu lui et moi la même enfance limousine et étions très attachés à nos racines.
Cela a contribué à nous rapprocher. Le fait que je me sois aussi occupé de faire en sorte que l’œuvre romanesque de mon père soit très bien diffusée par tous les canaux de distribution, notamment par correspondance, quand j’étais un professionnel de l’édition et de ce secteur, a pu jouer un rôle dans cet équilibre entre nous deux. J’ai aussi pris en quelque sorte sa suite à la tête du PEN Club français avec un décalage d’une bonne vingtaine d’années.
Et j’ai été intronisé en 2003 par mes pairs et mes aînés en tant que poète à l’Académie Mallarmé qu’il avait contribué avec Eugène Guillevic, Denys-Paul Bouloc, Robert Mallet et quelques autres à refonder dans les années 70. J’en suis devenu, en 2016, le président et mon père qui publiait cette année-là, à l’âge de 102 ans, ses Mémoires chez Albin Michel, Le Temps d’apprendre à vivre (début du célèbre vers d’Aragon qui se termine par… il est déjà trop tard) se réjouissait encore des nouvelles que je lui donnais de ses amis poètes.
GEC, surnommé ainsi dans le milieu littéraire et par ses proches appartenait à une génération d’auteurs, où la littérature et la poésie, occupaient une place considérable dans la société française. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Sylvestre Clancier : Mon père constatait comme moi, depuis les années 80, que la littérature et la poésie n’occupaient plus la place qu’elles avaient entre les deux guerres au siècle dernier et surtout qu’elles avaient encore, avec un certain regain, dans les années 50 et 60 à l’époque où il y avait beaucoup de place accordée à une véritable critique littéraire dans des quotidiens, des hebdomadaires et de très nombreuses revues, aussi bien qu’à la radio avec le Club d’Essai de Jean Tardieu et à la télévision à l’époque glorieuse de l’émission Lecture pour tous de Max-Pol Fouchet, Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes.
Mon père avait fait partie pendant la guerre des réseaux de poètes résistants et avait notamment été le correspondant d’abord en zone libre, puis en zone devenue occupée, de la revue Fontaine que Max-Pol Fouchet dirigeait à Alger.
Il fut édité quand il était jeune par Edmond Charlot qui était aussi l’éditeur de Camus son aîné de un an. Son cycle du Pain noir édité dans les années 50 par Robert Laffont et devenu célèbre fut porté à l’écran pour la télévision au milieu des années 70 par le tout jeune et talentueux réalisateur Serge Moati remarqué pour son adaptation du Sagouin de François Mauriac.
Il y eut huit films et près de douze heures d’antennes. L’œuvre littéraire fut traduite en chinois, éditée en République Populaire de Chine et lue par des millions de Chinois. Aujourd’hui, la situation est bien différente avec le développement des échanges sur la toile, avec de nombreux blogs d’écrivains et des sites littéraires qui tendent à prendre la place laissée vacante, il est difficile d’évaluer la place réelle qu’occupent la littérature et plus particulièrement la poésie dans l’esprit des centaines et des centaines de millions d’internautes.
Les vrais livres de littérature et de poésie en particulier en tant que nouveautés ont tendance à reculer, mais ces livres ont des secondes vies et des vies successives dans le marché du livre d’occasion. C’est dire que le public est toujours présent, mais que les vrais écrivains et poètes sont très peu nombreux à être médiatisés et bien connus d’un vaste public identifiable.
Vous-même poète et philosophe, quels sont vos thèmes privilégiés, et que recherchez-vous au juste à travers les mots ?
Sylvestre Clancier : Mes thèmes sont des thèmes éternels, ceux de la quête du sens de notre présence au monde et de nos existences éphémères qui ouvrent pourtant la voie à travers l’art et la science à de nouveaux questionnements pour les générations qui se succèdent dans qu’existera l’espèce humaine à la conscience douloureuse, capable du meilleur, mais hélas trop souvent du pire. Notre filiation avec les grandes civilisations qui nous ont précédés, l’éternelle soif d’amour et de connaissance, notre dette envers les créateurs dont nous nous sommes nourris depuis que l’art existe.
Dire avec une économie de mots et le plus simplement possible ce qui fait de l’homme un humain fraternel et quels combats il a du mener et devra toujours mener pour cela, quand la barbarie fait rage et de plus en plus partout dans le monde.
Vous avez été également longtemps Président du PEN Club français, quel rôle a joué dans le passé cette organisation prestigieuse d’écrivains et exerce-t-elle encore aujourd’hui son pouvoir d’influence et comment ?
Sylvestre Clancier : Cette organisation internationale d’écrivains en faveur de la paix et de la liberté d’expression a joué depuis sa création à Londres et à Paris en 1921 (nous fêterons l’an prochain à Paris et à Oxford notre centenaire) un rôle considérable pour la littérature et les échanges entre écrivains d’abord au plan européen, puis au plan international. Il y eut entraide et interventions au moment de la montée du fascisme et du nazisme et après la guerre, aide apportée aux écrivains persécutés derrière le rideau de fer.
De nos jours beaucoup d’interventions pour soutenir les très nombreux écrivains persécutés dans les pays où la dictature sévit qui sont hélas de plus en plus nombreux. Échanges littéraires et réflexions de qualité sur la société contemporaine lors de nombreuses manifestations organisées par tel ou tel PEN Club et aussi par les Comités internationaux en faveur de la Paix, pour la défense des écrivains persécutés, pour la défense de la diversité culturelle et linguistique et en faveur des traductions multilingues, pour la défense des femmes et contre toutes les formes de discrimination.
Sylvestre Clancier : Non, c’est vrai. Mais ce qui compte avant tout c’est la sincérité de la démarche et l’exigence concernant l’écriture, mais aussi une réelle lisibilité. Ni esbroufe ni jargon en quelque sorte.
Certains Prix sont d’ailleurs parfois contestés. On parle de coterie ? De chapelle ? Êtes-vous d’accord avec ses propos ?
Sylvestre Clancier : À mes yeux il faut surtout éviter les conflits d’intérêts. Et se garder de tout esprit de chapelle, mais je sais que certains esprits n’y échappent pas toujours. Toutefois ce n’est peut-être pas pire que dans d’autres professions. Mais bien sûr pour la littérature c’est regrettable. En tous cas, pour la poésie il y a peu d’enjeux financiers, ce qui n’est pas le cas pour les grands prix du roman pour lesquels les éditeurs tentent toujours de placer leurs pions.
Sylvestre Clancier : Si le monde a changé avec l’internet, je ne pense pas que ce soit l’internet qui fasse changer la poésie, en revanche l’internet modifie l’accès à la poésie et sa diffusion.
Sylvestre Clancier : Ce qui a changé c’est moins le fait que la société est mondialisée, elle l’était déjà, mais sous d’autres formes au XIXe siècle et même avant, mais la conscience qu’elle en a. Ce qui a changé aussi c’est que les dirigeants des États soi-disant démocratiques ne dirigent plus leurs pays ce sont les grandes oligarchies financières et capitalistiques qui par leurs intenses moyens de pression les font élire et les mettent à leur service. Dans les dictatures, c’est un équilibre instable entre dictateurs et milliardaires influents. Tout n’est que manipulation et corruption.
Sylvestre Clancier participe à de nombreux festivals de poésie internationaux. Auteur traduit en douze langues (Essais, nano fictions, livres de poésie, plus de 30). Livres d’artistes avec des peintres (plus de 40). Livres récents : Corps à corps, (Ecrits du Nord), Le Témoin incertain et Le Discobole du futur (L’herbe qui tremble), La Source et le Royaume et Par ces voix de fougères qui te sont familières, (La rumeur libre qui réédite ses œuvres poétiques épuisées. Préside l’Académie Mallarmé et la Maison de Poésie/Fondation Émile Blémont. Président d’honneur du P.E.N. Club français. Deux films avec la cinéaste Martine Lancelot. En 2016, un numéro de la revue Phoenix ainsi qu’un essai de Christine Bini aux éditions L’herbe qui tremble ont été consacrés à son œuvre.
photo : Sylvestre Clancier - Ave Maria Mõistlik CC BY SA 4.0
Paru le 14/08/2013
1142 pages
Presses de la Cité
29,00 €
Paru le 01/06/2017
128 pages
La rumeur libre Editions
16,00 €
Paru le 01/02/2009
69 pages
Al Manar
15,00 €
4 Commentaires
Tybalt
28/07/2020 à 11:56
Merci pour cet entretien bien intéressant, qui m'a fait découvrir cet auteur.
Gamal El Dine Mona
30/07/2020 à 01:56
Cher Sylvestre
Tu es poète, un vrai humain, homme de paix
Je suis ravie de te rencontrer au festival de poésie Voix Vives à Sète
Merci beaucoup de votre entretien approfondi !
31/07/2020 à 11:56
Merci beaucoup de votre entretien approfondi qui nous fait découvrir un grand auteur !
Je suis une poétesse autodidacte ,je n'ai jamais réussi à me faire éditer par un éditeur.
18/10/2020 à 13:38
COMMENT PEUT-ON SE FAIRE EDITER EN 2020 ?