EDITO – L’Europe. Encyclopédie historique, est un essai qui sortira en octobre prochain, aux éditions Actes Sud. Plus de 430 contributeurs internationaux ont œuvré à ce projet, qui brosse un portrait de l'Europe à travers 2400 pages. Un ouvrage lourd, dont la réalisation a nécessité des fonds. Sauf qu'à l'ère du soupçon, les moindres mouvements économiques intriguent.
Tout part d’un message diffusé sur les réseaux, qui fait sourciller : l’ouvrage en question a bénéficié d’une aide directe, émanant du ministère de la Culture. L’opération mentale est immédiate, et le raccourci de pensée tout aussi fulgurant : qu’a fait Françoise Nyssen ?
“Quand le ministère de la Culture octroie 50 000 € à Actes Sud”@Mediapart @ActuaLitte @livreshebdo @libe @FabricePiault @lundimat1 @Le_Figaro @lemondefr cc @vincentmonad @ActesSud @FrancoiseNyssen @MinistereCC @EmmanuelMacron @MFrippon #pognondedingue #RT pic.twitter.com/vRIm5PYz6G
— De l'édition (@deledition1) September 3, 2018
Reprenons : pour l’industrie de l’édition, le Centre national du livre représente une possibilité de soutien économique, lorsque des projets éditoriaux spécifiques sont dans les tuyaux. À ce titre, différentes aides sont disponibles et soumises à la validation d’un dossier examiné en commission.
En février 2018, Actes Sud avait présenté une demande au CNL, pour obtenir une partie du financement du livre. Mais celle-ci fut rejetée : en cause, le document faisait état d’une subvention qui aurait été accordée directement par le Ministère de la Culture, à la hauteur de 50.000 €.
Quid ? Même le ministère, interrogé, anticipe la conclusion : « Si vous pensez que Françoise Nyssen a versé de l’argent à Actes Sud... » Non, personne ne pense quoi que ce soit : c’est un métier, en réalité, lorsque l’on est face à une information, que de la vérifier.
Alors on remonte le fil : oui, le CNL a refusé une aide demandée par la maison, à la hauteur de 60.000 €. Oui, dans le dossier, était fait état d’une subvention de 50.000 € obtenue du Ministère de la Culture. Oui, tout cela semble étrange, presque impensable ; ces faits sont têtus.
Et les multiples révélations du Canard enchaîné sont encore fraîches : les travaux à Arles, à Paris. Le tweet qui fait état de cette aide du ministère trouble – logiquement.
Mais voilà : le trouble n’est pas une information. Au mieux, il éveille l’attention. Brutes et brutales, ces données semblent avoir une valeur, si l’on s’y arrête. Mais on ne le peut pas. Car en sollicitant Actes Sud, on découvre l’envers du décor.
Le livre était originellement porté par les éditions Fayard, qui, pour sa réalisation, avait bien obtenu une aide de la DDAI – Délégation au développement et aux affaires internationales. Un montant de 50.000 €, obtenu en décembre 2007. Une convention l’a entériné, dûment signée par Benoît Paumier, alors à la tête de la DDAI, fondée en août 2004. Le projet était originellement un dictionnaire.
Actes Sud, en reprenant l’ouvrage, a hérité de cette aide passée – et par souci d’honnêteté en présentant la demande au CNL, en a fait état. Et tout par de là.
Rédaction, moment de vie :
— TitiLibraire (@TitiLibraire) January 9, 2018
- Tu crois qu'on publie, là?
- ...
Gabriel Ritter von Max (Prague 1840-1915 Munich) The Scholars, oil on canvas, 60.5 x 45 cm - #collection privée#gniarfffff #singes #monkeys #maisquesedisentils #lovemyjob @ActuaLitte pic.twitter.com/Fx78oMmpD3
Non, l’actuelle locataire de la rue de Valois n’y est pour rien. Le doute était permis, le contexte est propice à voir le mal partout, et la suspicion devient une seconde nature. Même Médiapart y a consacré de l'énergie. Une fois le travail effectué, les vérifications prises, on conclut : circulez, y’a rien à voir. Balayer les sous-entendus, les interrogations...
Alors se pose la question : que fait-on ? Publier ce qui n’est pas une information ? Oui : au moins pour apaiser les esprits. Non pas démentir, ce serait le rôle de l’éditeur, mais faire le boulot : vérifier, creuser, chercher. Et exposer.
On le sait depuis des années, tout ce qui est sur les réseaux n’est pas parole d’évangile. Cela prend un temps fou de démêler le bon grain de l’ivraie. C'est aussi l'unique raison d'être d'un média.
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