Sacré Covid : il en aura inspiré des histoires pour les enfants ! Le virus a démultiplié, assez logiquement, les publications, pour expliquer aux plus jeunes les risques, les gestes barrière et traiter bien d’autres sujets encore. Parfois avec une précipitation étonnante.

Voilà quelque temps, un financement participatif est lancé pour la création d’un ouvrage, Drôle de rentrée pour Simon, fruit de la collaboration entre trois personnes : Marie Joubert, qui dirige une agence de rédaction, Marie Joubert & Cie, initie le projet avec Corinne Ego, consultante opérationnelle à son compte. Avec elles, Sébastien Guaquière, directeur artistique également à son compte pour SEBCOM, va apporter la note visuelle.
Covid sois qui mal y pense
Un album jeunesse réalisé par ces trois Amiénois qui passe par Kiss Kiss Bank Bank pour obtenir les 150 préventes attendues — 16 € l’exemplaire.
« Tout allait pourtant bien en ce début d’année 2019. Simon, 8 ans et demi était très content d’aller à l’école. Il avait des copains et des copines. Et puis, en mars, un virus était venu tout gâcher. Là, c’est la rentrée de septembre. Simon est pressé de retrouver tout le monde. Mais, sur le chemin de l’école, il se rend bien compte que des choses ont changé », expliquent les coauteurs.
La presse locale, férue de ce type d’initiative, s’emballe et raconte cette délicieuse histoire avec empressement. France 3 Picardie se lance, Le Courrier picard également : bref, les médias savourent cette réalisation, conçue pour rassurer les enfants. Un peu moins le respect du Code de la propriété intellectuelle.
Parce qu’entre la rentrée de Simon et le travail d’Élise Gravel, autrice québécoise, il se retrouve comme un air de famille vilainement consanguin. Publié tout à la fois aux éditions Les 400 coups (Québec) et chez Alice jeunesse (Belgique), le sang de l’autrice n’a fait qu’un tour en découvrant l’histoire de Simon — et surtout, les illustrations.
Ne pas payer la (contre)façon ?
Contactée par les Alice éditions, Marie Joubert assure dans un premier temps avoir fait retirer de la vente via Amazon — où l’ouvrage était proposé en autopublication. Et doit encore intervenir auprès de Sébastien Guaquiere pour « qu’il règle la question directement avec Élise Gravel ». L’illustrateur indélicat, contacté par ActuaLitté, nous indique ne pas être disponible avant début août. En regard de ses sources d’inspiration et de la suite des événements, son agenda risque pourtant de se charger.
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Illustration originelle d'Elise Gravel

Jeu des 7 ressemblances bis
En effet, le titre a déjà été commercialisé, que ce soit sur le site de vente en ligne, ou encore à la librairie Martelle. Cette dernière tombe des nues en découvrant « la ressemblance » avec les éléments que nous lui avons présentés. Car mis en face à face, au jeu des 7 erreurs, il devient difficile de se tromper. [Ndr : après parution de l'article, la librairie nous informe que l'ouvrage a été retiré de la vente après vérification]
Or, l’affiche a été diffusée en janvier 2018, le laissant que peu de place au doute quant à son antériorité.
« Permettre à cette aventure d’aller jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’une collecte, mais d’une prévente, d’une souscription en quelque sorte. Nous avons besoin de vous pour partager et nous faire connaitre », indique la campagne de financement participatif. Sans rougir.
À cette heure, l’agente d’Élise Gravel a procédé à une mise en demeure auprès des auteurs de retirer l’ouvrage, définitivement.
Simon revisité, en urgence
Manifestement très préoccupée et totalement ignorante du travail qu’avait réalisé l’illustrateur, Marie Joubert vient d’annoncer que le livre allait être réédité : Simon « change de style, mais pas d’histoire ». Et dans le même temps, de reconnaître auprès des éditeurs d’Élise Gravel : « Toutes les illustrations étaient réalisées à partir du même personnage... Donc, vous le constaterez, ils sont tous sur l’affiche de madame Gravel. »
ActuaLitté a pu consulter le fichier numérique qui a servi à l’impression : on y retrouve bien des personnages “inspirés” de l'univers d'Elise Gravel, et d'autres qui sont de parfaites, ou quasi-parfaites reproductions à l'identique.
« Nous avons pris toutes les mesures pour remédier au problème et le graphiste est en train de travailler sur le livre pour changer complètement de style », nous indique Marie Joubert, qui évoque « une grossière erreur de débutante ». En fait d'erreur, disons plutôt une “grossière contrefaçon”.
Elle ajoute : « Ce n'est pas un projet à but lucratif au départ. C'est une initiative artisanale qui vient répondre à un besoin des enfants. » Raison pour laquelle il était prévu de reverser les fonds obtenus à une association – qui n’avait pas été trouvée. « Pour Sébastien, il ne s'agit pas d'une volonté de contrefaire ou de nuire, ni même d'un plagiat conscient mais d'un dessin qu'il pensait être sorti de son imagination. » Les ressemblances constatées seraient simplement troublantes, estime-t-elle.

en rouge, l'illustration d'Elise Gravel de janvier 2018, en bleu, l'illustration de Sébastien Guaquière
Élise Gravel, jointe par la rédaction, se désole : « Il m’arrive très souvent de me faire plagier ou qu’on utilise mon travail de façon illégale, mais c’est rarement fait de façon aussi flagrante et effrontée. Habituellement, les contrefaçons sont produites dans des pays où les droits d’auteur ne sont pas protégés ; c’est la première fois que ça m’arrive dans le milieu littéraire en Europe. Je suis étonnée de constater que dans ce cas-ci, on a clairement supposé que personne ne s’apercevrait de la copie. »
Malheureusement, « cette situation dénote une banalisation de la violation des droits d’auteur. J’ai la chance d’avoir un très large public mondial qui surveille l’usage qu’on fait de mon travail, mais je suis attristée quand je pense à tous les artistes moins connus qui ne seront jamais avertis lorsqu’on leur vole leurs créations et ne pourront obtenir justice ni réparation », poursuit-elle.
« J’espère que d’autres soi-disant “créateurs” prendront bonne note de cette situation et éviteront de s’approprier le travail des autres. »
Une affaire d'autant plus regrettable que le projet de l'histoire ne déméritait pas. En voici d'ailleurs la nouvelle couverture.

Commentaires
Nathalie, le 05/08/2020 à 16:37:00
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sainkho, le 23/07/2020 à 14:51:42
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Fredda, le 23/07/2020 à 12:39:20
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Renaud, le 23/07/2020 à 14:29:58
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Mascha, le 23/07/2020 à 21:25:54
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Arnaud, le 24/07/2020 à 11:46:51
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Jeff, le 23/07/2020 à 19:02:09
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loup, le 23/07/2020 à 23:37:25
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Jeff, le 30/07/2020 à 16:18:52
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Gaëtan, le 23/07/2020 à 20:07:02
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