Cognac se met aux couleurs européennes durant son festival de littérature(s), et accorde durant tout le week-end une place spécifique à la littérature jeunesse. La création de la Kids Zone, accueillie par la Fondation d’entreprise Martell propose ateliers, animations, concerts dessinés ou encore chasse au trésor.
Au rez-de-chaussée, la librairie Le texte libre de Cognac et le magazine Baïka (avec la présence de l’autrice Noémie Monier) offre sous un lustre étonnant (oeuvre de Nathalie Talec) une sélection de livres — albums, bandes dessinées ou roman. Depuis les grands classiques comme Boule et Bill jusqu’au livre splendide de Sébastiaan van Doninck, Le sortilège des enfants squelettes, on balaye les œuvres des trois invités d’honneur, Lille, Bruxelles et Amsterdam.
Deux journées pleinement consacrées aux enfants
Pour les curieux, une exposition-œuvre interactive, L’Ombre de la vapeur, met en scène un certain Torula… Eh oui, le champignon si amateur des vapeurs d’eau de vie, très connu dans la ville, se retrouve au cœur d’un assemblage visuel et auditif, réalisé par Adrien M & Claire B. Des créateurs que l’on a récemment rencontrés autour d’un projet tout aussi spectaculaire de lecture pop-up et augmentée, Acqua Alta. Et puis, à l’étage, commence le monde des merveilles pour les enfants : des salles d’ateliers, renommées Grand’Place pour Lille, Place des musées pour Bruxelles et Place du Dam à Amsterdam, abritent les plus étranges animations. Et pourtant, quoi de plus normal que de découvrir un… sac de pommes de terre quand on invite des auteurs belges ? Mais nous y reviendrons : inviter Wauter Mannaert, auteur de Yasmina et les mangeurs de patates ne peut pas être sans conséquences.
Une librairie de 40 ans engagée... pour la jeunesse
Nathalie Landreau, l’une des deux salariés de la librairie associative Le texte libre, observe les sélections avec envie. « Depuis 32 ans de festival, la librairie est présente, avec une offre jeunesse. Cette année, c’est un test dans des lieux assez fantastiques. » La structure qui existe depuis 40 ans procédait par le passé à la programmation des auteurs jeunesse, d’ailleurs, avant que le FLEC ne prenne en charge ce volet.
Au cœur de la Fondation d’entreprise Martell, les livres d’auteurs belges et flamands : Carl Cneut, Kitty Crother, Carl Norak, Francesco Pittau ou Anne Herbauts. « Des ouvrages de fonds accompagnent les auteurs invités : pour nous, c’est l’occasion de recevoir Marie Colot, que l’on suit depuis ses débuts, ou David Merveille. » Ah, Monsieur Hulot... Son grand coup de cœur, c’est justement le livre de Wauter Mannaert (Dargaud, janvier 2019). « Un livre typique de ce que j’apprécie dans la littérature jeunesse — ici en bande dessinée. Il parle de l’industrie alimentaire, d’écologie, de consommation responsable. Tout se passe dans un quartier, et permet d’aborder avec les enfants des sujets plus profondément, sans manquer d’humour. »
Le Texte libre, qui s’est lancé après mai 68, a mis un peu de Cognac dans sa mission d’information et d’engagement politique originelle. « Mais nous restons très identifiés dans la ville. Avec les changements de présidence, la librairie a évolué : le milieu associatif permet une certaine souplesse justement. Depuis quelques années, nous avons des préoccupations plutôt portées sur l’écologie », poursuit-elle.
L'expérimentation 2019 d'un pôle décentré
Anne Billy, chargée de la programmation jeunesse, se réjouit pour sa part d’avoir prolongé le partenariat initié en 2018 avec la Fondation. « L’année dernière, nous avions quelques ateliers pour les enfants, organisés au centre de congrès La Salamandre. Seul le grand jeu battle s’était déroulé à la Fondation : le succès fut tel que nous avons envisagé de délocaliser totalement le volet jeunesse du festival. »
Avec Nathalie Viot (directrice de la Fondation) et Juliette Nosland (chargée de l’événement), l’idée poursuit son chemin. « D’être accueillis dans ces murs nous a permis de mettre en place 26 activités au lieu des 6 de 2018. » Et d’inviter un auteur supplémentaire : « Ainsi, nous avons pu couvrir un champ plus large avec les scolaires, allant de tout le primaire jusqu’à la 6e. »
S’ouvrent également les ateliers philo, avec deux Bordelaises, « qui tournent énormément dans la région, et par leurs ateliers, arrivent à vaincre les réticences naturelles que l’on peut avoir. D’ailleurs, elles abordent des sujets plus ou moins délicats par des créations artistiques, avec les enfants ».
Vers des résidences terriblement transversales
Pour la Fondation, ces deux journées prolongent la mission « de refléter la création contemporaine, et de dévoiler les savoir-faire, depuis le local vers l’international », souligne Juliette Nosland. « L’expérience de l’an passé nous avait conquis autant qu’elle avait frustré les parents, qui n’avaient pas pu y participer. En l’amplifiant, nous avons pu y ajouter une note personnelle. »
Comme cette exposition-œuvre interactive, commandée par la Fondation, et qui partira le 18 novembre prochain pour la Gaité Lyrique, à Paris.
Dans ce bâtiment historique, qui en 1929 servait à la mise en bouteille, c’est désormais une lumière généreuse qui irrigue un espace ouvert : va et vient le flux des adultes qui découvrent et (s’) inscrivent pour les ateliers de la journée et du lendemain… « En 2013, l’endroit a été réhabilité et s’est orienté vers une fondation culturelle : chaque étage, selon les orientations de la directrice, va servir d’ateliers de production, et d’expérimentation. »
Des artistes et des auteurs en résidence, pour croiser le “faire”, et que se rencontrent le travail du bois, de la céramique, du verre, et celui de la littérature, du dessin, du théâtre. « Nous aspirons à une transversalité véritable, où vanniers, verriers, artistes plasticiens, bédéistes se rejoindront pour créer. » Tout l’enjeu pour une organisation consacrée aux arts.
Réunir arts et artisanats pour transmettre
Nathalie Viot, aux nombreuses vies professionnelles dans les secteurs de l’art insiste : « Dans nos projections, écrivains céramistes ou ébénistes cohabiteront dans des résidences croisées. Nous avons le projet avec le FLEC de les mettre en place, c’est en cours. » Quant à la présence de la littérature jeunesse pour ce week-end, elle répond à la volonté de médiation culturelle, particulièrement tournée vers les jeunes publics de la Fondation. « C’est tout de même extraordinaire, cette inventivité, cette créativité, qui leur fait découvrir le monde — les arts sont une source d’apprentissage, autant que d’éducation. Ils y découvrent l’altérité, autant que les intentions de l’autre. »
Dans ses engagements, la Fondation porte l’éducation, « au regard, mais pas que… », note la directrice, et plus largement « la transmission de valeurs, d’un idéal venu des artistes ». Et d’ajouter : « Les arts apportent aux enfants un ancrage (ou encrage ?) dans le monde, pour en saisir le fonctionnement. »
Une tentative de combiner la célèbre phrase latine, “hâte-toi lentement”, que Nathalie Viot prolonge par la notion japonaise “Ima”. « Cela désigne le vite et le lent à la fois. C’est une image que j’utilise souvent pour notre Fondation : nous multiplions les projets, les engagements, et toutes ces actions servent avant tout à nous faire ralentir, à prendre le temps. »
Les enfants, eux, ignorent encore que le temps peut manquer. Alors quand Wauter Mannaert leur propose de faire des tampons avec des pommes de terre, ils s’en donnent à cœur joie.
Dossier : Littératures européennes de Cognac 2019 : Lille, Bruxelles et Amsterdam
Commentaires
Pas de commentaires
Poster un commentaire