A l’éternel débat concernant la véritable identité de William Shakespeare, Elizabeth Winkler vient d’ajouter un nouveau chapitre avec un article paru dans la revue américaine The Atlantic. Cette fois-ci, exit Marlowe ou Francis Bacon, c’est Emilia Bassano Lanier qui serait l’auteur des pièces et des poèmes signés Shakespeare. Une hypothèse a priori surprenante mais qui n’est pas tout à fait une nouveauté.

Elizabeth Winkler n’est pas la première, tant s’en faut, à envisager Emilia Bassano Lanier : si cette supposition a été rejetée par bon nombre de spécialistes, elle semble malgré tout conserver son attrait. En 2017, le théâtre du Globe à Londres avait même commandé une pièce sur le sujet. En 2009, John Hudson, un spécialiste britannique de l’œuvre, écrivait un papier dans The Oxfordian sur le sujet.
Il estimait que si Emilia Bassano n’avait pas selon lui écrit toutes les pièces, elle aurait néanmoins été une collaboratrice de premier plan.
À chaque fois, ces « démonstrations » sont loin d’avoir fait l’unanimité : le reste de la communauté universitaire s’empresse notamment de reprocher aux hérétiques d’amasser des preuves de pure circonstance allant uniquement dans le sens de leur hypothèse. Et c’est aussi ce qui est reproché à Elizabeth Winkler, par Noah Millman dans The Week ou Dominic Green dans la version US de The Spectator.
Dans The Week, Noah Millman rappelle par ailleurs cette tendance née au 19e siècle qui cherche à tout prix à faire de William Shakespeare un autre que lui-même. Avant Elizabeth Winkler, plusieurs grands intellectuels ont fait part de leurs doutes. Freud, Henry James ou encore Dickens y sont ainsi allés de leur théorie. Quand ils n’ont pas carrément mis en cause l’existence d’un seul auteur pour l’ensemble de l’œuvre.
Des hypothèses plus ou moins sérieuses, mais qui naissent vraisemblablement d’une difficulté à admettre qu’un obscur fils de gantier est à l’origine de quelques-uns des plus grands monuments de la littérature anglaise. Comment un natif de Stratford-Upon-Avon pouvait-il être si cultivé ? Comment un roturier pouvait-il dépeindre les aristocrates avec tant de talent ? etc. De ces interrogations naissent en général ces théories vaguement complotistes.
Du reste, Emilia Bassano Lanier a sans doute joué un rôle dans l’œuvre de Shakespeare. En effet, outre le fait que son existence est attestée (1559-1645), elle est connue pour être l’auteure d’un recueil de poèmes intitulé Salve Deux Rex Judaeorum. De l’avis de différents chercheurs, elle serait même la « Dark lady » des sonnets de Shakespeare et aurait servi d’inspiration pour plusieurs personnages de ses pièces, pièces dont on sait qu’elle avait connaissance pour certaines d’entre elles.
Bref, sans rien retirer au talent d’Emilia Bassano Lanier, il faudra se contenter encore une fois d’affirmer que William Shakespeare n’est autre que William Shakespeare.