SDLGENEVE19 – La scène des imaginaires accueillait ce 4 mai un rendez-vous exceptionnel. Sept éditeurs, presque tous accompagnés de leur auteur, venaient pitcher un ouvrage devant un parterre de quatre développeurs indépendants. Objectif ? Convaincre et séduire avec pour objectif que le livre soit adapté en jeu vidéo.

Les quatre développeurs : David Javet, Production / Coordination (Vaud), Marion Bareil, Game design / UI design (Genève), Joël Lauener, Code / Game design (Neuchâtel et Vaud) et Swan Keller, Graphic Design (Jura bernois)
Le programme était dense : sept maisons d’édition, réunissant un binôme auteur et éditeur, venues à la rencontre d’un jury de quatre développeurs, le projet ne manquait ni d’originalité ni d’humour. Sur le principe du télécrochet, les jurés disposaient d’un buzzer pour marquer leur approbation durant les présentations. Mais commençons par le début, et les ouvrages présentés :
La Volte — Mathias Echenay et Alain Damasio — Les Furtifs (France)
Alice jeunesse — Mélanie Roland (éditrice) — La loi des pyramides (Belgique, auteur : Philippe Dumont)
Hélice Hélas — Alexandre Grandjean et Elodie Barras — « MAILTO : ADA, VEN. 21.02.2098, 5 : 45 », tiré du recueil Et si l’humanité devenait numérique (Suisse)
La Joie de lire — Francine Bouchet et Romain Puértolas — Un détective très très spécial (Suisse/France)
Bragelonne — Stéphane Marsan et Pierre Pevel — Paris des Merveilles (France)
Septentrion — Gilles Herman et Martin Fournier — Les aventures de Radisson (Québec)
Dargaud – Lombard – Joseph Montagne – Yakari et Grand Aigle (Belgique/Suisse, auteur Derib)
Animé par l’autrice et scénariste Samantha Bailly, les intervenants se succèdent dans une ambiance bon enfant. « Que la littérature rencontre ainsi le jeu vidéo est une initiative totalement inédite », se réjouit Marc Atallah, directeur et curateur à la Maison d’Ailleurs et directeur du Numerik Games Festival.
Et de poursuivre : « Nous vivons dans l’hégémonie de la culture américaine et japonaise dans le secteur vidéoludique. Offrir au public de découvrir combien la scène suisse romande est riche de talents dans le secteur est une opportunité à ne pas manquer. » D’autant que, justement, cette scène n’est pas tributaire d’un lourd héritage — bien qu’elle compte de grandes réussites comme Farming simulator de Giants Software.
Pour Marion Bareil, l’événement est d’autant plus riche que « chaque éditeur est venu avec une approche totalement unique. Certains ont cherché comment orienter le jury, en suggérant des pistes de développement. D’autres ont plutôt joué, comme Alice, avec des codes et des mots clefs. Tout cela était vraiment bien pensé et surtout très amusant ».
David Javet le souligne : « Il n’était pas question de trouver un titre à adapter au sens propre : nous attendions tous de capter un instant, une flamme dans le pitch de chacun. Il s’agit de mettre le gameplay au service d’une histoire, en s’inspirant d’elle finalement. »
Avec une première conclusion qui s’impose : « Nous aurions tous pu les choisir et en faire quelque chose de grandiose. » Sauf que certains des titres posent des difficultés auxquelles l’équipe n’avait pas songé. « Pour le livre de Damasio, sans une personne en charge du sound design, on passerait totalement à côté de l’œuvre originale et du lien entre matérialité et son qui sont au centre de l’œuvre. »
Samantha Bailly, qui a travaillé avec de grands studios de jeu vidéo pointe que la transformation de l’oeuvre ne s’opère pas tout naturellement : « Les quatre jurés ont leur rôle dans la réalisation du jeu : code, design, jouabilité, scénario… Or, ce qui occasionnerait un vrai défi en terme de code informatique pourrait n’avoir que peu d’intérêt visuel ou ne pas être assez significatif dans la recherche d’un design propre. »
« Les branches de la fiction se réunissent ici, parce que le jeu vidéo est un art comme les autres. Nous avons basculé du pigment au pixel comme l’on est passé du marbre aux mots sur la page », reprend Marc Atallah.
Sur scène, tout le monde prend très au sérieux l’exercice : des clins d’œil aux jurés à la lecture du texte même, sans oublier les jeux théâtraux de représentation. On se met dans la peau d’un véritable pitcheur : l’enjeu est avant tout de s’amuser, bien que l’aboutissement du projet ait une réalité très concrète. Voici quelques captations en vidéo de ces séquences, limitées à huit minutes chacune et chaudement saluées par les applaudissements d'un public épaté de ce à quoi il assistait.
Yakari raconté par Joseph Montagne
Les aventures de Radisson, de Martin Fournier
Le Paris des merveilles, Pierre Pevel
Un détective très très très spécial, par Romain Puertolas
Au terme d’une heure trente, les quelque 80 personnes venues assister à ce battle sont impatientes. « On voit que chacun y a mis du cœur », nous explique un homme d’une soixantaine d’années. « Moi, je ne connais rien aux jeux vidéo, mais j’ai beaucoup ri et découvert des livres que je vais acheter. Et puis on verra pour le jeu final plus tard. »
Le jury n'aura disposé que d'une dizaine de minutes pour choisir son lauréat 2019. « Sincèrement, on aurait aimé collaborer avec tous », reprend Joël Lauener. Sauf qu’il ne peut en rester qu’un… Et cette année ce sera :
Annonce du lauréat par les trois développeurs
Stephane Marsan (éditions Bragelonne) Le Paris des merveilles
Ce rendez-vous fut placé sous le patronage bienveillant d’Alain Damasio, qui vient de publier Les Furtifs et en a profité pour raconter sa propre expérience dans le monde vidéoludique.
Le 30 août prochain, durant le festival Numerik Games d’Yverdon, la première version du jeu sera proposée durant toute la manifestation. En attendant la suite, tant le projet a enthousiasmé les francophones qui y ont assisté...
Crédit photos et vidéos - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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