Pour sa 73e édition, le prix Strega, le Goncourt italien, vient de récompenser Antonio Scurati, auteur de M. il figlio del secolo. Il s’agit du premier volume d’une trilogie, racontant comment s’est construite la vie de Benito Mussolini. Ah, quando c’era lui…
crédit Premio Strega
« Le livre que l’Italie attendait depuis des décennies. Un chef d’œuvre », assurait Roberto Saviano. Publié chez Bompiani, le livre de l’écrivain napolitain âgé de 50 ans a obtenu une large majorité dans les votes — le prix Strega fonctionne sur un modèle de voix sollicitant un large public.
En effet, une première liste de 57 livres retenus est établie, avant de basculer, en mars, sur 12 finalistes. 400 votants sont les Amis du dimanche, 200 autres sont des lecteurs étrangers sélectionnés par les instituts culturels italiens dans le monde. 40 lecteurs sont sélectionnés parmi 20 bibliothèques de l’Association des bibliothèques italiennes, et 20 votes collectifs complètent l’ensemble. Scurati a recueilli 228 votes, contre 127 attribués à Benedetta Cibrario pour Il rumore del mondo.
Plus jamais ça... même sous une autre forme
« Je dédie cette victoire à nos grands-parents, et à nos pères, qui ont été tout d’abord séduits, puis opprimés par le fascisme, et en particulier ceux qui ont eu le courage de le combattre, les armes à la main », a déclaré Antonio Scurati. « J’aimerais également dédier ce prix à nos enfants, dans l’espoir qu’ils n’aient pas à revivre ce que nous endurions voilà cent ans — et tout particulièrement à ma propre fille, Lucia. »
Un roman hors norme, de 848 pages, qui raconte, sans rien extrapoler, tout ce qui a pu se jouer entre 1919 et 1925 dans la vie de Mussolini. Une forme de narrative non fiction, qui aura démultiplié les sources et recherches pour aboutir à une œuvre pharaonique. Mais qui éclaire surtout cette fameuse période, connue des Italiens par cette petite phrase, entre nostalgie et cynisme : « Quando c’era lui… » Quand il était là…
Une réflexion que certains appliquent avec un véritable regret, mais qui sert aussi de garde-fou pour d'autres, rappelant toutes les exactions du pouvoir d'alors. Citons, à ce titre, la BD parodique et satirique Quando c'era lui, publiée par Shockdom. Daniele Fabbri, l’un des coauteurs, expliquait à ActuaLitté : « Il y a une ambiance particulière depuis 70 ans. Certains Italiens s’enthousiasment encore pour le régime fasciste et beaucoup d’entre eux en apprécieraient le retour : certains sans s’en cacher, d’autres plus discrètement, mais ils sont nombreux. »
Sans filtre politique ni idéologique, c’est la montée du fascisme, du point de vue de son plus grand instigateur, qui est au coeur du roman de Scurati. « Je suis heureux de cette victoire, mais je suis également très heureux que d’autres Italiens lisent ce livre », poursuivait-il. « Ils pourront en apprendre davantage sur notre histoire, avec l’espoir que cela ne se reproduira plus, même sous différentes formes. »
Antonio Scurati a été publié jusqu’à présent chez Flammarion, pour ses trois romans, Le survivant, L’enfant qui rêvait de la fin du monde et le dernier, sorti en 2014, Une histoire romantique. Tous ont été traduits de l’italien par Dominique Vittoz.
L’an passé, c’est le roman d’Helena Janeczek, La fille au Leica qui a obtenu le prix Strega. Une première : depuis 15 années, aucune femme n’avait reçu ce prestigieux prix. Racontant l’histoire de la reporter de guerre Gerda Taro, il a été traduit chez Actes Sud par Marguerite Pozzoli, en octobre 2018.
La lauréate de l’édition 2018 était présente pour présider la cérémonie qui s’est déroulée à la Villa Giulia de Rome, en présence de plusieurs autres personnalités de l’édition — dont Dario Franceshini, ancien ministre de la Culture ou Nicola Lagioia, ancien lauréat (en 2015) et directeur du Salon du livre de Turin.
Antonio Scurati a été à trois reprises dans les listes du Strega, en 2009 et 2014, où il obtint la deuxième place.
Mise à jour 10h58 - 9/07 :
Les éditions Les Arènes nous apprennent que le livre d’Antonio Scurati sera publié à l’automne 2020 par leurs soins. La traduction sera assurée par Nathalie Bauer.
1 Commentaire
maria
21/09/2019 à 09:40
Ce roman sera-t-il traduit en français, par qui? par quel éditeur? Bon courage!!!!