La traîtrise de Drieu, la non-évidence pour Paulhan
Le 17/02/2019 à 19:10 par Victor De Sepausy
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Publié le :
17/02/2019 à 19:10
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Les éditions Claire Paulhan vienennt d’être récompensées par le Prix Sévigné, qui couronne depuis 1996, année du tricentenaire de la mort de la marquise du même nom, l’édition d’une correspondance. En l’occurrence, celle de Jean Paulhan et Pierre Drieu La Rochelle : un flux de 169 courriers échangés durant près de vingt années.
C’est une édition réalisée et annotée par Hélène Baty-Delataude que le jury a choisi de récompenser. Maître de conférence en littérature française du XXe siècle, à Paris-Diderot, elle se chargea par le passé de l’édition critique d’Etat-civil et Gilles, pour le volume Romans et Nouvelles de Pierre Drieu La Rochelle (Pléïade).
« Nos relations sont étranges, écrit Drieu à Paulhan le 12 décembre 1942 : j'ai pour vous une véritable dilection qui m'est venue assez tard, à l'usage, un peu avant 1939, et en même temps je pense que nous sommes ennemis et que nous nous combattons. »
De toute évidence, l’édition montre que Paulhan ne rompit jamais intellectuellement avec La Rochelle, cherchant manifestement à saisir ce qui se passait de cette étonnante logique.
Paulhan n'a jamais rompu avec La NRF, non plus : après avoir refusé la codirection de la revue avec Drieu, à l'automne 1940, c'est lui qui fixe, en sous-main, les règles de cette cohabitation forcée, conscient que cette « anti-NRF » permet à la maison d'édition de Gaston Gallimard de perdurer sous l'Occupation. « Je crois que ma raison (personnelle) de ne pas écrire dans la nrf demeure valable, précise pourtant Paulhan en juin 1941 : je ne puis qu'être solidaire de ceux de nos collaborateurs que j'y avais invités et que l'on renvoie. »
L’amitié entre les deux hoommes semble exister, mais ce sont aussi les échanges entre un éditeur et écrivain, un directeur de revue. Ainsi que Malraux l'affirmera : « Pour Drieu, Paulhan n'était pas un résistant, pour Paulhan, Drieu n'était pas un collaborateur. »
Est-ce pour cela que, sans poser de questions, Drieu intervint auprès des autorités allemandes en mai 1941 pour faire libérer Paulhan, arrêté avec d'autres membres du réseau du Musée de l'Homme ? Est-ce pour cela que Paulhan a toujours gardé le contact, et plus encore, avec le directeur collaborationniste de La NRF ?
Car Paulhan ne semble pas assimiler Drieu à un traître. Cette fidélité qui persiste montre une réelle complexité, au coeur de cette correspondance. Et ce n'est pas un hasard si elle s'ouvre sur la douloureuse rupture entre Drieu et Aragon, dont Paulhan est l'arbitre à son corps défendant, souligne l’éditeur.
Pierre Drieu la Rochelle a certes failli gravement - en particulier lors de ses dernières années - mais il ne s'est pas trahi. Il aurait même été « loyal » jusqu'à sa mort par suicide, le 16 mars 1945. Paulhan ne signifiait déjà rien d'autre à Gide, trois ans plus tôt : « Drieu est à mon égard, en tout ceci, gentil et loyal. (Nous autres directeurs de revues, sommes corrects en de tels cas). A peine semble-t-il, de temps à autre, m'adresser quelque reproche secret. » (15 mars 1942).
Le juré est présidé par Anne de Lacretelle, et se compose de Diane de Margerie, Jean Bonna, Claude Arnaud, Jean-Pierre de Beaumarchais, Manuel Carcassonne, Jean-Paul Clément, Charles Dantzig, Marc Lambron, Christophe Ono-dit-Biot et Daniel Rondeau.
Le prix a été remis ce 13 février au Musée national Delacroix.
Pierre Drieu La Rochelle, Jean Paulhan – Correspondance 1925-1944 nos relations sont étranges – Clair Paulhan Editions – 9782912222534 – 36 €
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Paru le 01/12/2017
351 pages
Claire Paulhan
36,00 €
1 Commentaire
Fol Bert
11/08/2021 à 12:27
Drieu la Rochelle : minuscule au « la »
Hélène Baty-Delalande, pas « Baty-Delataude ».
Les fautes commises dans la transcription des noms propres sont de plus en plus fréquentes, sur Internet et ailleurs. Encore un dommage collatéral de l'apprentissage par méthode globale ?
J'espère que vous aurez à cœur de rectifier.
D'autre part, une lettre ne s'appelait pas encore « un courrier » en 1920-1930…