Le prix Hervé Ghesquière récompense le travail d'écriture de l’auteur/journaliste concernant ses reportages, enquêtes, investigations, couvertures d'évènements, et réflexions sur l'actualité ou le thème choisi. Cette année, ce sont Cécile Hennon et Pierre Sautreuil qui ont été récompensés par le jury pour leurs oeuvres Le fil de nos vies brisées et Les guerres perdues de Youri Beliaev.
Le 05/06/2019 à 16:33 par Maxim Simonienko
Publié le :
05/06/2019 à 16:33
Le prix rappelle également l’importance de la liberté d'informer en mission et le courage dont font preuve les journalistes de terrain, reporters de guerre, envoyés spéciaux, journalistes en mission à l’étranger ou photographes qui exercent parfois leur métier au péril de leur vie pour ramener écrits, sons et images de leurs enquêtes.
Le jury, présidé par Patrick Poivre-d'Arvor, était composé cette année de Arianne Chemin et Raphaëlle Bacqué — les deux lauréates de l'édition 2018 —, Guilaine Chenu, Françoise Joly, Pascal Manoukian, Philippe Rochot, Éric Yung et Bernard Thomasson. Les membres ont décidé de récompenser cette année Cécile Hennon et Pierre Sautreuil pour leurs oeuvres respectives Le fil de nos vies brisées et Les guerres perduesde Youri Beliaev.
Bravo @CecileHennion qui a remporté le @HervePrix pour son magnifique « Le fil de nos vies brisées » @lemondefr # et vives félicitations au jeune reporter @pierresautreuil pour « Les guerres perdues de Youri Beliaev @EditionsGrasset pic.twitter.com/T8tVUkI343
— Ariane Chemin (@ArianeChemin) 28 mai 2019
C’était le lieu de vie de milliers de familles. Une ville détruite, cassée, réduite à l’inexistence, sauf à la chercher dans la mémoire des vivants. Ce sont leurs voix que ce livre recueille, leurs souvenirs de ce monde disparu, de ses traditions perdues. Les récits d’enfance, des projets d’adolescents, du quotidien s’égrènent dans les ruelles du vieil Alep, se répondent parfois, sans jamais être à l’unisson.
Cet effet kaléidoscope s’amplifie au moment d’évoquer la révolution, la guerre et la survie – selon les moyens propres à chacun. Les mots de ceux qui ont embrassé la voie du changement, qui se sont engagés pour elle à n’importe quel prix, n’occultent pas les mots de ceux qui n’eurent d’autre choix que de subir. Joie, solidarité, amour, illusions, peur, confusion… L’arrivée des « soldats de la liberté » entraîna la division de la ville en Est et Ouest, telle une fracture irréparable, séparant amis, familles et amoureux.
Désillusions, colère, dégoût. Dieu fit une entrée fracassante avec ses cavaliers noirs. Foi, enfermement, incompréhension. Puis le pilonnage au hasard des explosions de bombes barils faucha les vies, les foyers. Deuil, douleurs, abandon. La plupart du temps: se relever. Dans une trame d’événements surréalistes à force d’être monstrueux percent partout les élans vitaux d’une communauté. Dans ce livre, cette communauté se penche sur la terre où s’arrimait l’arbre de ses ancêtres et, par les paroles qu’elle choisit, le relève fragilement au-dessus des décombres tout en interrogeant le ciel et les hommes.
Ainsi que celui de l'oeuvre Les guerres perduesde Youri Beliaev par les éditions Grasset :
Youri Beliaev : élu député du Soviet de Leningrad en 1990 sur une liste nationaliste. Marié, deux fils, dont un mort brutalement. Surnoms : Papa Muller, le Chat, le Petit bonhomme en pain d’épice... Admirateur de Benito Mussolini et, « avec des réserves », d’Adolf Hitler. Supporter du Zénith Saint-Pétersbourg, il aime les films soviétiques, les animaux et la lutte gréco-romaine.
Le CV de Youri Beliaev n’avait rien d’attirant. Il intrigue pourtant Pierre Sautreuil, pigiste de 21 ans tout juste débarqué en Ukraine pour y couvrir la guerre du Donbass. Ancien flic devenu mafieux, millionnaire déchu, chef de parti d’extrême droite, vétéran du conflit yougoslave soupçonné d’avoir tué 64 Bosniaques et tenté d’assassiner Eltsine, fugitif recherché en Russie, Youri Beliaev a décidé, à 58 ans, de se mettre au vert sur le front de Lougansk. Drôle d’endroit pour se planquer...
Lorsque Pierre le rencontre, il ne voit qu’un vieil homme un peu fatigué, bras droit du commandant « Batman », un seigneur de guerre qui cherche à se tailler une part du gâteau ukrainien. Mais très vite, entre l’apprenti reporter et le mercenaire sur le retour, se noue un lien fait de confessions troubles, d’une affection tangible et d’une certaine fascination. Tandis que les obus dévastent la steppe glacée, Pierre découvre et partage l’histoire rocambolesque d’un homme prêt à tout, jusqu’à l’innommable, pour rendre à la Russie sa gloire d’antan et assouvir ses ambitions. Au fil des pages, Youri disparait, Youri se cache, Youri échappe à un attentat, fait de la prison, s’échappe... Et Pierre le poursuit, s’inquiète, tente de comprendre. Salopard, fasciste, criminel de guerre néonazi, ou rebelle dans une société russe dont toutes les portes sont fermées ? « T’as le droit de pas aimer ce qu’il a à vendre, mais au moins, lui, il se bat », dit à Pierre un des derniers copains de Youri.
Les lauréats se verront remettre le prix Hervé Ghesquière lors des rencontres littéraires « Les plumes de la liberté » qui se dérouleront le 14 et 15 juin 2019. Voici la liste des autres oeuvres finalistes :
Edith Bouvier/Céline Martelet - Un parfum de djihad (Plon)
Marc Weitzmann - Un temps pour haïr (Grasset)
Mathieu Delahousse - La chambre des coupables (Fayard)
Sophie Bonnet - Salutations révolutionnaires (Grasset)
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