EXCLUSIF – Lors du festival de la bande dessinée d’Angoulême, le discours anti-éditeur n’aura jamais été aussi virulent. Même des auteurs de best-sellers — serpent de mer — ont fait part de projet de constitution de coopérative pour s’extraire du système. En réaction, le président du groupe BD au Syndicat national de l’édition propose d’ouvrir un dialogue, avec la constitution d’Assises de la bande dessinée.
Dans un entretien exclusif que ActuaLitté publiera ce 16 février, Moïse Kissous, fondateur du groupe Steinkis et président du groupe BD au SNE annonce la création prochaine d’Assises de la BD. Une réponse qu’il sait n’être pas parfaite, mais censée répondre « à la crise de confiance que nous traversons », indique-t-il.
« J’entends des auteurs me dire que la situation est délétère, qu’ils n’aiment pas la manière dont les choses s’expriment sur les réseaux sociaux. Et qui souhaiteraient s’exprimer, avec une idée différente… La question est : peut-on avoir un discours différent, sans se faire brocarder », interroge Moïse Kissous.
« J’ai convaincu mes confrères que nous devions monter des Assises de la bande dessinée : cela fait un moment que nous mesurons la complexité de la situation, que nous échangeons et cherchons à trouver des solutions. Et surtout, qu’on refuse de dire oui à des solutions trop faciles ou trop évidentes. »
Un temps de rencontre qui créerait « les conditions d’un débat, d’un échange, d’un partage, qui permette à chacun de mieux comprendre la situation de l’autre. Et qui je l’espère, aboutira à quelque chose ». Soit des décisions collectives partagées, soit aucun consensus, « mais au moins, chacun aura entendu les éléments de l’autre ».
Espérer donc, a minima, « des pas collectifs, ou à défaut des pas individuels ». Le SNE affiche ici une véritable volonté de discussion, et anticipe la critique « d’une tentative d’enfumage ». Sauf que « nous sommes dans un état de fait, où la confiance s’est un peu rompue, qu’il faut la renouveler. Et nous souhaitons que la main tendue soit saisie, parce qu’elle l’est de bonne foi. »
Des années de silence
En pleine année de la bande dessinée, opération voulue et portée par le ministère de la Culture, des Assises auront tout leur sens. Pour autant, les États généraux de la Bande Dessinée, qui s’étaient ouverts en 2015 à Angoulême, lors du FIBD, avaient déjà amplement posé les bases d’un constat catastrophique.
À l’époque, même la ministre de la Culture, Fleur Pellerin était intervenue pour dévoiler une consultation. Cette dernière devait aboutir à « des propositions pour améliorer la protection sociale des auteurs et leur garantir des ressources minimum ». Les auteurs attendent toujours.
L’année suivante, d’autres chiffres avaient appuyé les premières conclusions de 2015 sur la précarité des auteurs de BD. Quelques chiffres à rappeler : 66 % des auteurs interrogés pensent que leur situation va se dégrader pendant les prochaines années.
Et sur 2014, 53 % des répondants ont un revenu inférieur au SMIC annuel brut, dont 36 % qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Si l’on ne prend en compte que les femmes, 67 % ont un revenu inférieur au SMIC annuel brut et 50 % sont sous le seuil de pauvreté. (et d'autres ici)
Le Syndicat national de l’édition, de bonne ou mauvaise foi, pas plus en 2015 qu’en 2016, n’avait alors tendu de main. « Vieux motard que jamais », dirait Litteul Kevin ? « On a bien vu ce qu'avaient apporté les Assises de la littérature jeunesse », grommele en tout cas une scénariste d'albums pour enfants.
La date des Assises sera communiquée ultérieurement, mais l’objectif est de les organiser avant l’été : « Nous voulons aller vite, cela nous laisse juste le temps de mettre cela en place avec soin et de laisser passer le mois de mai qui n’est pas propice au rassemblement du plus grand nombre. »
Le groupe BD du SNE réunit des maisons telles que Glénat, Casterman, Soleil, Delcourt, Vents d’Ouest, Dupuis, Dargaud, Lombard, Pika, etc.
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