Quand on s’appelle Moulinsart, tous les combats pour protéger l’œuvre prisée de Hergé valent la peine d’être menés. La vente imminente d’une couverture — rejetée — du Lotus bleu aux enchères a provoqué la montée au créneau de la société et des ayants droit. Alors, Motus bleu et bouche cousue ? Moulinsart, toujours dans les bons coups, demande en effet que la couverture soit donnée au musée de la Fondation Hergé. Un comble, quand on se souvient que le dessin avait été refusé, parce que trop onéreux à imprimer en quadrichromie. Mais, mille milliards de mille sabords, on ne recule devant rien quand on incarne l’esprit du créateur de Tintin.
Une légende urb-hergienne
Hergé, ou Georges Rémi, avait réalisé son dessin à l’encre de Chine, aquarelle et gouache. Plutôt que de la jeter, la couverture est alors offerte à Jean-Paul Casterman, fils de Louis, l’éditeur d’Hergé à cette époque. Pliée en six et placée dans un tiroir, elle y resta jusqu’en 1981, quand on demanda à Hergé de bien vouloir la dédicacer. Le dessinateur mourut deux années plus tard.
Nick Rodwell, administrateur délégué de la société Moulinsart le clame : « Tant de planche, tant de dessins, ont été gardés et revendus par des gens liés aux éditions Casterman. Et j’en ai un peu marre », assure-t-il à la RTBF. Selon lui, Artcurial, qui devait organiser la vente, sera tout simplement obligé d’annuler.
Philippe Goddin, spécialiste de Hergé, affirme que l’histoire d’un jeune Jean-Paul Casterman recevant ce dessin en présent est « une légende ». Au Monde, il explique : « Ce dessin est une esquisse de travail, qui n’était pas destinée à être publiée. C’est Hergé lui-même qui l’a plié et l’a envoyé à son éditeur, attaché par un trombone à une lettre. »
Théorie qui se confirmerait par le fait que le dessin n’est pas totalement achevé. Benoît Peeters, auteur de deux biographies sur Hergé n’y croit pas non plus : « L’hypothèse du cadeau au gamin est extravagante. Quand Hergé offrait des crayonnés ou des dessins, il les dédicaçait toujours, a fortiori pour le fils de son éditeur. C’était quelqu’un de très poli ! Le plus plausible est que Hergé n’a pas réclamé le dessin et qu’il a été donné au fils Casterman. A l’époque, les originaux n’avaient pas de valeur. »

Auprès du Soir, Rodwell persiste au signe : « Je demande de nous remettre le dessin », indique-t-il. Sans clamer qu’il fut volé, il déplore surtout que le dessin n’a jamais été rendu par Casterman — qui devrait toute sa bonne fortune à Hergé. De là, toute réalisation doit revenir à sa famille, donc aux ayants droit, et par conséquent au musée qui lui est dédié à Louvain-la-Neuve. Or, quand on lui suggère de prendre part à la vente, Rodwell s’indigne et jure ne jamais racheter de pièces volées. On tangue…
Et comme on ne peut assurer de l’histoire de ce don à un petit garçon, la couverture entre dans la catégorie des « des originaux qui n’ont pas été restitués à l’auteur ou qui ont été volés », reprend-il. Comment une pareille pièce aurait-elle pu ressortir subitement ?
Paroles contre paroles, semées au vent ?
De son côté, la maison de vente Artcurial confirme que la légende d’une couverture donnée par Hergé lui-même vient de… Jean-Paul Casterman. D’ailleurs, Le Lotus bleu fut, à l’époque, le premier album paru chez Casterman. On plaide alors pour un véritable cadeau, afin de faire plaisir au fils du nouvel éditeur.
Connu pour ses sorties redoutables et sa mainmise totale sur l’œuvre, Nick Rodwell a par ailleurs été promu dernièrement : suite à la démission de Fanny Rodwell, veuve d’Hergé, mais épouse de Nick, le voici seul à la tête du conseil d’administration des deux entreprises, Moulinsart et Studio Hergé. ActuaLitté n'est pas parvenu à joindre Artcurial pour obtenir plus de précisions.
Crédit photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Commentaires
Nick Rodwell, le 02/10/2020 à 17:16:32
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John Rambo, le 10/12/2020 à 10:01:43
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John Rambo, le 09/12/2020 à 16:58:04
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Rodwell, le 10/12/2020 à 12:04:43
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