La collection Grand Angle des éditions Bamboo a rarement aussi bien porté son nom : The Time Before est un vrai film, imaginé par Cyril Bonin, mis en images et en bulles par ses soins. Rien d'étonnant de sa part, ceci dit : le même auteur avait déjà signé chez Futuropolis une excellente adaptation du roman La belle image de Marcel Aymé, où il faisait preuve d'un sens du découpage et du séquençage très cinématographique. Et d'un goût pour les récits où une très légère touche fantastique permet de mettre en lumière les profondeurs psychologiques des personnages.
The Time Before suit les multiples parcours d’un photographe professionnel, dans les années soixante, qui reçoit, dans des circonstances étranges, un artefact d’une puissance phénoménale : un talisman à porter autour du cou, qui permet de remonter le cours de sa vie jusqu’à l’époque de son choix.
Au départ, l’objet est censé permettre de corriger les erreurs de parcours et d’affiner ainsi les détails d’une vie parfaite. À l’arrivée, on s’en doute, les choix ne sont pas toujours si simples et les effets pas aussi désirables qu’on pourrait l’imaginer. En effet, en changeant le moindre détail, c’est tout le tracé d’une existence qu’on bouscule. Il ne suffit pas de prendre les bonnes photos, celles de Marilyn Monroe ou de John F. Kennedy, pour réussir sa vie professionnelle et affective, loin de là.
De nombreuses œuvres ont exploré le thème des voyages dans les méandres d'une vie humaine, notamment à partir du très riche roman Replay de Ken Grimwood. On pense évidemment au jouissif Jour sans fin où Bill Murray revit sans cesse le jour de la marmotte, voire au Truman Show et à ses figurants dont le parcours quotidien est orchestré comme du papier à musique. Cette fois, les enjeux sont plus intimes : Walter Benedict, le héros de ce roman graphique, ne cherche ni la gloire ni la richesse, il n'a pas même envie de jouer avec le super pouvoir dont il a hérité, il n'a qu'un projet en tête, réussir au mieux sa vie de couple. Et c'est déjà très compliqué. Et pour y parvenir, le mieux est sans doute de ne pas abuser des voyages temporels...
Comme dans La belle image, Bonin explore un thème qui lui semble cher : la tension qui sépare l'image extérieure du héros et son moi intime. Chaque retour dans le passé est l'occasion de présenter une nouvelle version de l'image publique de Walter Benedict, mais une seule correspond réellement au versant intime du photographe et le drame naît justement de l'interdiction qu'il s'impose de révéler son secret le plus intime à la femme qu'il aime et qui partage sa vie. Un beau sujet pour un auteur dont le travail se révèle décidément plus qu'intéressant.
Le photographe Walter Benedict se tient dans l'ombre, derrière son appareil. Ce n'est pas lui qui façonne le monde, il l'observe et le saisit sur pellicule. De la même manière, Cyril Bonin se met au service de l'histoire qu'il raconte : son trait réaliste plutôt sobre transcrit sans exubérances les années soixante aux Etats-Unis ; les traits de son héros semblent sans cesse sur la réserve, comme si son visage n'était qu'un masque dissimulant sa richesse intérieure ; les autres personnages, en revanche, traversent de multiples émotions.
Alors que la figure de Benedict est sans aspérités, les autres hommes sont barbus ou chevelus, les femmes ont des lèvres pulpeuses et de grands yeux expressifs ; là où il reste inerte, elles éclatent de rire ou fondent en larmes. Le tout dans une palette de tons ocres et vert d'eau, qui transcrivent avec justesse les golden sixties.
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Pour approfondir
Editeur : Bamboo
Genre : bandes dessinees...
Total pages : 104
Traducteur :
ISBN : 9782818935514
The time before
de Cyril Bonin