Tout devient prétexte à notation :
Le 29/04/2008 à 07:00 par Clément Solym
Publié le :
29/04/2008 à 07:00
Le site de notation meinprof.ch a ouvert fin 2007, principalement l'attention des étudiants des hautes écoles suisses. C'est la version helvétisée d'un site allemand qui a connu, outre-Rhin, des premières heures glorieuses avec plus de 250000 évaluations. La version helvétique en français devrait être disponible dès l'été à l'enseigne monprof.ch.
Après les chambres d'hôtel, après les compagnies aériennes, après les restaurants ou les vidéos sur YouTube, l'engouement pour les hit-parades (en anglais : les rankings) gagne des services jusqu'ici épargnés par cette manie typique du XXIe siècle. Désormais, on vote sur le Net pour les enseignants, les avocats, les médecins ou d'autres ministères du service public.
Mais quelle crédibilité peut-on accorder à ce site ? Le tri s'organise, Hautes-écoles, professeurs, cours. Sept critères sont retenus : loyauté, disponibilité, matériel, compréhension, motivation, intérêt, rapport note/investissement. Les profs sont classés selon leur moyenne. Ainsi par exemple pour un professeur de Bienne, relégué parmi les flops, notamment en raison de son 1,2 écopé en «motivation» recueille 13 appréciations. Les commentaires insistent sur la difficulté de ses cours.
Un site qui vise à servir de référence :
Mais qui émet ces avis ? Comment sont-ils contrôlés ? Expérience faite et test à l'appui, rien ne permet de vérifier que tous les juges sont vraiment des étudiants. Ni qu'ils ne postent leur opinion qu'une seule fois. Le site suisse se targue aujourd'hui de 1000 visites quotidiennes et affiche quelque 3000 évaluations. Il a été lancé en décembre par l'agence StudiMedia, une entreprise versée dans le marketing des hautes écoles.
«Nous répondons à une demande des étudiants», explique Patrick Mollet, responsable du site. «Les écoles ont des évaluations internes qui ne sont jamais très transparentes. Alors que l'envie de classement est bel et bien là».
Les opposants au système ont gagné en France : qu’en sera-t-il en Suisse ?
Les expériences françaises ou allemandes ont mené au tribunal. S'estimant calomniés, des professeurs ont fait appel à la notion de protection des données. Climat de suspicion en classe, pression entre enseignants, les syndicats n'ont pas manqué d'arguments. En Allemagne, la liberté d'expression a prévalu. A Paris par contre, le Tribunal de grande instance a interdit au site note2be.com de citer le nom d'enseignants notés.
En Suisse, des démarches juridiques ont déjà été entreprises mais sans suite. Les critiques à l'encontre de meinprof.ch vont notamment aux critères censés assurer le sérieux du ranking. Même les bien notés émettent leurs réserves, à l'instar de Markus Reiher: «Ce classement se base sur 7 évaluations alors que j'ai 210 participants à mes cours. Il n'est donc pas significatif. Par contre, je me réfère au système d'évaluation interne que notre institution organise régulièrement.» En effet, les évaluations, héritées des Etats-Unis, sont devenues coutumières dans les établissements suisses. Et beaucoup estiment que cela devrait suffire.
Benoît Gaillard, coprésident de la Fédération des associations d'étudiant(e)s de Lausanne, est plutôt sceptique face à l'arrivée de monprof.ch. «Nous devons encourager des communications internes entre professeurs et étudiants. Mais une relation de client à prestataire de service n'est pas idéale. Elle pourrait nuire aux contacts.» Les responsables du site insistent de leur côté sur le sérieux de la plupart des commentaires actuels et invitent à la discussion sur leur forum.
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