Cela deviendra-t-il une tradition chez les Nobel de littérature, que de déplorer, voire condamner l'univers numérique qui les entoure fait aujourd'hui tant de dégâts ? Peut-être.
Le 08/10/2010 à 16:47 par Clément Solym
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08/10/2010 à 16:47
Personne n'a oublié le cinglant plaidoyer de Doris Lessing, Nobel de 2007, contre internet et la junk culture. Eh bien tout fraîchement nobelisé, Mario Vargas Llosa, qui ne s'y attendait pas, a fait part de ses appréhensions sur la dimension numérique, avec un point de vue cependant bien plus sobre. « Mon espoir est que la nouvelle technologie ne banalise pas le contenu d'un livre », assure le romancier de 74 ans.
Attention à ne pas perdre l'oeuvre
Pour le moment, le numérique n'a pas trop bousculé sa vie. En tout cas, en France comme partout dans le monde, on ne trouve qu'un exemplaire ou deux de son oeuvre en version ebook. Et si le prix Nobel ne changera ni son écriture, ni sa vie - il continuera d'écrire, c'est promis - il considère qu'il existe un véritable danger d'appauvrissement de la culture, au contact des nouveaux appareils, dont on fait plus grand cas que des oeuvres qu'ils permettent de lire.
S'il reconnaît ce changement comme inévitable, Vargas Llosa ignore pour l'instant s'il s'en réjouit. « Mon idée de ce qu'est un livre est celle du livre papier. » Dans tous les cas, il faut que la littérature reste connectée à l'humain, à l'essentiel de ce qui fait notre existence, à nos problématiques. « Je pense qu'il y a un danger de paupérisation par la technologie des contenus des livres. Mais cela dépend aussi de nous : si nous voulons garder la littérature comme ce qu'elle est, son avenir est entre nos mains. »
La littérature, notre libertée, notre avenir
L'enseignant de philosophie de la littérature à Princeton ajoute un vibrant hommage à la chose livresque, rapporte l'AFP. « La lecture doit être encouragée auprès des nouvelles générations et les jeunes en particulier doivent être convaincus que la littérature n'est pas juste l'acquisition de connaissances, que la littérature n'est pas un simple moyen pour accumuler des notions ou des idées, mais qu'elle représente un plaisir immense. »
La bonne littérature, ajoute-t-il, est fondamentale pour que nous puissions vivre notre futur en toute liberté. « Rien ne réveille tant l'esprit critique dans une société que la bonne littérature. C'est pourquoi la première chose que tous les régimes dictatoriaux tentent de faire, qu'importe leur orientation, est d'imposer une censure. Ils tentent de contrôler ce qui est la vie même de la littérature, parce qu'ils voient dans la vie littéraire les graines de dangers contre le pouvoir. » Et de conclure que la littérature saine, en éveillant l'esprit critique, fabrique des citoyens lettrés qui sont en effet moins commodes à manipuler que les autres...
À l'égard d'internet, on pourra reprendre les paroles de Le Clezio, partioculièrement optimiste...
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