Les Anciens s'en souviennent encore : c'était en septembre 2010, que l'idée d'une loi sur le prix unique du livre numérique sortait des cartons des sénateurs Catherine Dumas et Jacques Legendre. Alors que personne ne leur avait demandé leur avis, les deux s'engouffrent et sont rapidement suivis par Hervé Gaymard, rapporteur, qui devient l'homme providentiel pour le SNE. Il portera la loi, vite rebaptisée Prisunic, jusqu'à la victoire.
Le 02/06/2012 à 12:21 par Clément Solym
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02/06/2012 à 12:21
Cette législation, les acteurs du livre numérique se sont battus contre elle, et même dans les rangs des éditeurs papier, on ne comprenait pas très bien l'intérêt. Dernièrement, un éditeur nous précisait : « Nous avions déjà commencé à négocier sur la base du contrat d'agence, donc nous contrôlions les prix, dans tous les cas. La loi était vraiment inutile, si l'on se fie aux accords commerciaux que nous avions passés. »
Hervé de la Martinière, annonçant la commercialisation des livres numériques de son groupe chez Amazon, avait d'ailleurs précisé à ActuaLitté que la loi sur le prix unique, qui avait alors été votée depuis quelques mois, faisait redondance. « Dans ce contexte, le contrat d'agence fait en effet un peu doublon, en ce qu'il redit la même chose que la loi, mais les négociations ne datent pas d'hier, et nous n'allions pas revenir sur toutes les négociations. » (voir notre actualitté)
Eh oui... mais c'est qu'il fallait bien que le SNE fasse passer la pilule de l'ebook aux libraires, en leur rappelant combien la loi Lang, vénérable ancêtre de la Prisunic, leur avait sauvé les miches.
Si une loi fixant un prix unique pour la vente de livres papier avait préservé la librairie, une autre fixant le prix pour les ebooks aurait un effet consolidant également. Fallait-il que les interlocuteurs soient persuasifs pour faire avaler de pareilles couleuvres, et que La Fontaine eût raison : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute... » Ah, chant des sirènes, ah mélopée enivrante, ah, ah, ah... qu'est-ce que ne se marre pas.
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Mais au sein de la loi, pour le coup, seuls les Grands Anciens s'en rappellent, un cavalier législatif était glissé, avec le plein et fort soutien... d'Hervé Gaymard, l'homme à qui « rien du livre n'est étranger », selon l'expression consacrée d'Antoine Gallimard, mais qui reste un étranger au livre.
Ce cavalier, surgi de nulle part, venait soutenir un permis de construire dans Paris, et la loi agissait alors en faveur du groupe LVMH, qui s'était fait envoyer sur les roses par le tribunal administratif de Paris, et tentait alors de passer par la fenêtre de l'Assemblée nationale, ayant trouvé porte close.
« Située [NdR : La construction] dans le bois de Boulogne, elle est implantée sur l'emprise du Jardin d'acclimatation où elle remplace avantageusement, sur une zone continûment construite depuis Napoléon III, des bâtiments vétustes et considérés à juste titre comme inesthétiques et, parfois, dangereux. Sa construction sera associée à une forte revalorisation paysagère et patrimoniale, par des fonds privés, des 18 hectares du Jardin d'Acclimatation, parc public, au profit des 1,4 million de personnes, pour moitié des enfants, qui le fréquentent chaque année. »
L'association CORAL s'était indignée de ce que l'on puisse, en pleines discussions de la loi Prisunic, trouver une pareille intrusion, bien saugrenue. « CORAL, rappelant les considérants de la décision n°2005-532 DC du 19 janvier 2006, attire l'attention du Conseil constitutionnel sur ce cavalier législatif totalement étranger au domaine de la loi relative au prix du livre numérique. CORAL appelle de ses voeux une question prioritaire de constitutionnalité pour supprimer l'article 10 de la loi et éviter ainsi une cohabitation de textes sans aucun fondement. » (voir notre actualitté)
Une folie douce, non ?
Eh bien, que l'on se rassure, l'AFP fait savoir que le rapporteur public a finalement validé la demande de permis de construction pour LVMH, en plein Bois de Boulogne. Le permis, annulé en janvier 2011, s'était alors glissé dans Prisunic pour trouver une autre solution. Infirmant la décision d'annuler le permis de construire du tribunal administratif, cet avis doit encore attendre de savoir, dans une quinzaine de jours, que la cour administrative valide définitivement l'avis. Sachant qu'entre temps, les travaux ne se sont pour autant pas arrêtés, le tribunal n'en ayant pas formulé la demande...
Pour sa part, la loi sur le prix unique du livre numérique avait été adoptée le 15 février 2011, puis mise en application à partir du mois de mai. Les décrets qui s'ensuivent ont également fixé l'amende à 450 € toute violation de cette loi, depuis février 2012.
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