Le prix Racalmare, initié par Leonardo Sciscia, vient de prendre un coup de bambou sur la tête. Trois finalistes étaient encore en lice pour cette récompense littéraire, décernée en Sicile, et c'est la biographie d'un tueur à gages de la Stidda, récente branche de la mafia locale, qui a été primé. Joseph Grassonelli avait écrit avec le journaliste Carmelo Sardo, cette tranche de vie, doucement romancée...
Le 01/09/2014 à 11:00 par Nicolas Gary
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01/09/2014 à 11:00
Le prix Racalmare, en 26 années, n'avait jamais choisi un livre ni primé un ouvrage sur la mafia, qui ait autant inquiété, troublé – ni provoqué le départ d'un des membres du jury. Giuseppe Grassonelli n'était cependant pas le premier venu : condamné à la prison à perpétuité, considéré comme l'un des leaders de la Stidda, il présente dans son ouvrage, Malerba, une partie de son activité, tentant de la justifier.
Gaspare Agnello, en guise de protestation, avait décidé de quitter son poste de juré, et déplorait la sélection de ce livre, alors que le prix avait été conçu « comme un outil de rédemption culturelle pour le Sud [...] Quelle défaite pour la culture ! » Publié chez Libri Mondadori, maison d'édition dirigée par Marina Berlusconi, fille de Silvio, l'ouvrage aura donc été primé.
« Est-il possible qu'un condamné à perpétuité, coupable de crimes odieux et dont les meurtres sont encore vivaces dans les chairs des victimes, puisse participer à un prix littéraire ? », s'indignait Gaspare Agnello. Pourtant, les finalistes étaient connus depuis la fin du mois de juillet, s'étonne la presse, et soit personne n'avait pris le temps de lire les titres, soit...
Vincenzo Bufalino, écrivain, assure pour sa part que le pays « a besoin d'une armée d'écrivains qui parlent de la mafia. Pour la vaincre, nous devons l'enterrer sous un montage de livres ». Pas certain que, même si le livre est une arme, cette dernière se montre assez efficace pour éradiquer une criminalité ancrée depuis bientôt deux siècles dans le paysage sicilien.
Le président du jury, Gaetano Savatteri, a tenu à répondre à la polémique : « Je ne comprends pas pourquoi vous pouvez parler de la mafia dans les écoles et pas dans les prix littéraires : cela signifie que les récompenses dans la littérature ont encore peur de la mafia. » Peut-être le problème provient-il plutôt de ce que récompenser la qualité littéraire d'un récit à peine voilé des crimes commis a quelque chose de dérangeant.
Selon le président, l'ouvrage est coécrit « par un condamné qui dit la vérité, d'abord et avant tout », mais pour Agnello, cette vérité « ne peut pas être confrontée à celle des personnes qui ont été blessées par Grassonelli ». Et malgré les vingt années de réclusion auxquelles l'ancien mafioso a été condamné, on n'estompe pas la douleur avec des peines de prison.
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