L’expérimentation en matière d’offre commerciale est intrinsèque à l’édition numérique. « Il nous faut sans cesse travailler aux offres les plus pertinentes, pour intéresser les lecteurs aux livres de nos auteurs », nous précise le jeune éditeur germanopratin, à l'origine du projet BNQRT. Le Freemium n’est pas en soi une nouveauté, à moins de lui trouver des déclinaisons inédites. Et c'est le cas.
Le 14/06/2015 à 07:46 par Nicolas Gary
Publié le :
14/06/2015 à 07:46
Graham C99, CC BY 2.0
« Nous avions tenté de réinventer la roue, alors que la solution était sous nos yeux. On ne remerciera jamais assez George Perec... » Toute offre freemium s’appuie sur deux choses : un contenu gratuit, qui s'accompagne de contenus additionnels, cette fois payants. Avec la généralisation des achats in-app, l’éditeur a rapidement compris tout l’intérêt d’une offre évolutive. « Tout le monde est habitué aujourd’hui à télécharger gratuitement une application jeu vidéo, et une fois lancé dans le gaming, à se voir proposer d’effectuer des achats, pour enrichir son expérience utilisateur. »
Adapter cette solution au livre numérique n’était pas une mince affaire. « C’est en nettoyant ma bibliothèque au plumeau que quelque chose m’a piqué les yeux. C’était de la poussière. Et derrière, il y avait ce livre que je n’avais jamais ouvert : Devenez une star de la Roue de la Fortune. » Juste à côté, le roman de Perec, La disparition.
Et voici comment une émission grand public se couple à une expérience littéraire de l’OuLiPo. « Perec avait fait un livre sans la voyelle “e”. Et dans la Roue de la Fortune, on devinait les consonnes, et on achetait les voyelles. »
BINGO ! Ou plutôt : « BNG ! »
« Avec ce livre BNQRT, nous faisons un clin d’œil à l’émission, en expérimentant l’achat in-ebook (la technologie est d'ailleurs brevetée). Le téléchargement du livre intégral est gratuit, avec uniquement les consonnes. Mais le lecteur peut, selon son budget, acheter les voyelles, au fur et à mesure. »
Prenant en compte les fins de mois difficiles, l’éditeur propose ainsi plusieurs formules. « Le E coûte cher, parce qu’on le retrouve énormément en français, donc nous le facturons à 29,99 €. En revanche, acheter le U ne coûte que 9,99 €, tout comme le I. Pour le A et le O, ce sera 19,99 € pour chacun. »
Bien sûr, une offre couplée est proposée : « Pour A et I, par exemple, il n’en coûtera que 24,99 €. Cela permet à tout lecteur de progresser dans sa lecture, en fonction de son budget. Et si le lecteur le souhaite, parce qu’il a déjà fini le livre, le relire avec l’intégralité des voyelles, cela ne coûte que 49,99 €. » Une affaire !
Concentré de technologies et de pistes de développements
Technologiquement, le livre offre aussi une innovation inédite : « Réaliser les achats de voyelles, directement dans l’ebook, est une solution parfaite, pour ne pas perturber la lecture et l’évolution dans l’histoire. On ne sort pas du livre, pour effectuer un achat, c’est directement répercuté sur la facture de téléphone. » Et manifestement, plusieurs opérateurs téléphoniques s'intéresseraient de très près à cette solution.
La prochaine étape ? « Ce serait de pouvoir intégrer des liens pour faire ses courses directement. Ainsi, on pousse la notion de Freemium en offrant le livre gratuitement, avec les voyelles, mais l’auteur est rémunéré selon que le lecteur clique sur les liens d’achats – couches, alimentaire, vaisselle, etc. –, avec en plus un pourcentage sur le montant des courses. »
D’autres modèles, plus collaboratifs, sont en cours d’expérimentations, « Par exemple, si un lecteur a acheté la voyelle E, il peut envoyer un tweet, et un autre lecteur qui aurait la voyelle A peut alors partager. Les deux se retrouvent alors avec la moitié des voyelles E et A dans le livre. C’est un moyen de recréer du lien social, je pense. »
BNQRT est à consulter ci-dessous, et en libre téléchargement – évidemment sans DRM, ni watermarking.
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