Les États-Unis n’envahiront pas le Royaume-Uni. D’ailleurs, rares sont les belligérants qui parvinrent à triompher de la perfide Albion. Et les éditeurs américains pas plus que les autres. Dans une lettre ouverte, trente éditeurs britanniques réclament que l’on fasse disparaître du Man Booker Prize for Fiction les écrivains américains.
Le 06/02/2018 à 16:33 par Clément Solym
Publié le :
06/02/2018 à 16:33
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En 2014, la fondation derrière le plus important prix littéraire britannique annonçait une révolution : l’autorisation donnée aux auteurs américains. Pas seulement, d’ailleurs : c’était tout le Commonwealth, ainsi que l’Irlande ou le Zimbabwe, qui étaient autorisés à concourir.
Personne n’avait véritablement apprécié : « Nos pires craintes se sont réalisées. Le Booker Prize a été créé pour célébrer les écrivains britanniques du Commonwealth, mais ils sont vraiment victimes désormais. Ils sont littéralement surpassés », signaient plusieurs auteurs et agents.
Eh bien, prenons les mêmes et recommençons : mais cette fois, trente éditeurs déplorent que cette ouverture du Booker tourne au vinaigre pour eux. « Le changement de règle, qui avait vraisemblablement pour but de rendre le prix plus global, a finalement abouti à la domination des écrivains américains au détriment des autres. »
Le Man Booker Prize, qui avait vocation à promouvoir des auteurs de langue anglaise, a fini par être englouti dans la masse de l’ensemble des auteurs de langue anglaise. Conclusion : le prix « n’en sera que de plus en plus ignoré » avec le temps. (via Guardian)
Alors, souci : la lettre n’avait pas vocation à être rendue publique, mais en l’état les médias ont rapidement pris feu. En réalité, elle fut même publiée dans la presse avant que d’être envoyée à la fondation du Man Booker Prize.
Les organisateurs ont par conséquent réagi dans un communiqué, depuis leur site internet. « Le Man Booker Prize a été élargi en 2014 pour permettre aux écrivains de n’importe quelle nationalité, indépendamment de leur situation géographique, de concourir, à condition d’écrire en anglais et d’être publiés au Royaume-Uni. La règle n’a pas été spécifiquement créée pour que soient inclus les auteurs américains. »
Et de montrer, chiffres à l’appui, que les short lists de ces dernières années intégraient quatre auteurs non américains, pour 2014, 2015 et 2016. Et en 2014 et 2015, les lauréats furent respectivement australien et jamaïcain.
Protectionnisme sur l’île de Sa Majesté, ou déclinaison britannique du slogan America First, adapté à nos voisins d’outre-Manche, difficile à dire. « Dans un monde globalisé, mais économiquement inégal, il est plus important que jamais pour nous de faire entendre des voix venant des centres. Le changement de règle a rendu cette approche bien moins réalisable. »
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