La villa Frochot accueillait, à l’invitation des éditions Calmann-Lévy, les libraires afin de leur présenter les titres de la future rentrée. Philippe Robinet, l'actuel PDG, a saisi l'occasion de réaffirmer les engagements littéraires de l’une des plus anciennes maisons d’édition françaises.
Le 03/08/2018 à 15:14 par Christine Barros
Publié le :
03/08/2018 à 15:14
Des transformations, des réajustements, en particulier la refonte de la charte graphique des titres de littérature : autant de point que le PDG a abordé, expliquant cette volonté de « remettre l’auteur au centre » des préoccupations de l’éditeur. Voilà qui désormais se concrétise avec des couvertures qui en sont le reflet. Et sous le logo noir de la maison, l’on voit réapparaitre le cabochon, marqueur de Calmann-Lévy à la naissance de la marque en 1836. Les « couleurs franches des couvertures sont là pour affirmer la diversité éditoriale » revendiquée.
« Que l’on parle de transmission, d’art, de solidarité, de famille ou de grands espaces, la littérature reste un de nos piliers fondateurs, et nous sommes heureux de lui donner un nouvel éclat »
Animée par Marie-Madeleine Rigopoulos, la rencontre avec les auteurs s’est faite avec leurs éditeurs, Caroline Lépée pour le domaine français, et Tiffany Gassouk pour le domaine étranger.
Lors du mariage de l’aînée, Amar retrouve ses soeurs Hadia et Huda et sa famille. Installés en Californie, d’origine indienne chiite, ils ont grandi entre tradition musulmane et volonté d’intégration. Ces retrouvailles seront l’occasion d’une plongée dans leurs souvenirs, d’un voyage dans le voyage : entre Nadia, brillante, qui oscille entre volonté d’être « bonne fille » et ses élans d’émancipation, Amar, qui a quitté sa famille et entretient des rapports plus que compliqués avec elle et la communauté musulmane, une mère dont la peur aura été le fil conducteur de sa vie, un père rigide et injuste...
C’est tout autant à une plongée dans une banlieue américaine qu’une exploration des complexités des liens familiaux que Cette maison est la tienne, de Fatima Farheen Mirza, nous invite. Fresque familiale, puzzle narratif, « l’écriture limpide porte une pure poésie et une grande puissance émotionnelle » et cherche à répondre à la question fondamentale : « Vivre ensemble ailleurs est-il possible » ?
Le prince à la petite tasse d’Émilie de Turckheim est le journal de l’accueil d’un jeune réfugié afghan dans sa famille ; sans connaître ses propres raisons, et alors que ses enfants portent sur Reza un regard totalement dénué d’a priori, l’arrivée du jeune homme dans cette famille bourgeoise va interroger les liens, la langue, l’exil, la résilience. Il arrive avec son histoire, son parcours, sa jeunesse, et son immersion va créer des « moments magnifiques et compliqués ». Entre les discussions de peu de mots, les choses faites ensemble (en cuisine notamment ), l’observation réciproque, l’auteur explore dans son récit l’inébranlable « capacité humaine à aspirer à construire quelque chose » et comment « la langue est un lieu ». Pour « prendre la part de bruit qui [lui] revient »
La relation de Mathieu et Marc est sous-tendue par la jalousie sourde du père à l’égard de son fils ; pour nouer le lien, il faudra qu’il se comprenne lui-même avant de retrouver, peut-être, à sa place de père. Leur grande pudeur (« est-ce une vertu ou un fardeau? ») les empêchent fondamentalement de se dire qu’ils s’aiment malgré tout, malgré eux. Et ce sont deux femmes qui les accompagneront « vers une forme de salut ».
« Premier roman tout en finesse sur l’absence et jalousie d’un père cinquantenaire à l’égard de son fils adulte surdoué du rock », plongée dans le monde du cinéma et de la musique, Sergent Papa, de Marc Citti, (qui signe là son premier roman) est là « pour exorciser la relation père-fils », et mettre en scène « tout ce qu’[il] ne veut pas être ».
Février 1945. Paul Valéry « dont le coeur est incapable de saigner » doit faire face à l’horreur devenue indéniable. Le vieil homme va reprendre « ce qu’il a vécu pour trouver ce qu’il n’a pas vu et qui lui manque ». Ce sont les carnets de Berthe Morisot qui seront le support de cette (en)quête : au XIXe, l’art ne cherche plus à être le reflet des puissants, mais celui de l’âme des choses. Elle fut femme dans une période de grande misogynie, Manet vit en elle un être prodigieux, il la peindra « d’ombre et de nuit ».
Et elle, trouvant une voix propre à elle seule, provoquera l’admiration de ses pairs. « Interrogation sur le sens de la beauté et le foisonnement artistique face aux horreurs de l’histoire », La tristesse des femmes en mousseline de Jean-Daniel Baltassat met la vie de Berthe Morisot au centre, ses carnets fictifs étant « le reflet de la limpidité des choses, un voyage vers la lumière », dans le but ultime d’ « ouvrir pour tous une vie en grand ».
Enfin, c'est Yann Queffélec qui avec émotion, verve et gourmandise nous parle de Naissance d'un Goncourt : « Un titre qui ne veut strictement rien dire! » déclare-t-il d'emblée en riant. Mais ce titre « à la fois fou et juste » veut pointer au coeur cet instant où il croisa la route de Françoise Verny, « ce moment où dans une dérobade je rencontre un éditeur » lorsqu'elle lui déclara tout de go : « Toi, chéri, tu as une gueule d'écrivain ». À l'image de Françoise Verny, douée d'« une tendresse bien planquée derrière les verres de whisky et les tartines beurrées », il signe un texte qui se veut «drôle et tendre » sur «le couple et la relation magnifique d'un auteur à son éditeur ».
Fatma Farheen Mirza, trad. Nathalie Bru - Cette maison est la tienne - 9782702163306 - 21,90 €
Émilie de Turckheim - Le prince à la petite tasse - 9782702158975 - 17 €
Marc Citti - Sergent Papa - 9782702163597 - 16 €
Jean-Daniel Baltassat - La tristesse des femmes en mousseline - 9782702163658 - 19,50 €
Yann Queffélec - Naissance d'un Goncourt - 9782702163276 - 19 €
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