Editis, « un très grand groupe », rassurait une fois encore Denis Olivennes, invité de BFMTV, dans les Entretiens HEC. Fort de « très grandes [et] belles maisons », il a connu de nombreux propriétaires en vingt années, « pourtant, il est toujours là ». Charge désormais au nouvel actionnaire d’en tirer le meilleur. Certes, mais comment ?
Le 05/03/2024 à 12:04 par Nicolas Gary
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05/03/2024 à 12:04
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C’est une force tranquille qu’incarne une fois de plus le président non exécutif : si Editis a perdu 300 millions € de valorisation, ce point est imputable à « l’incertitude dans laquelle il était », rétorque-t-il. Car il possède malgré tout « un socle très solide », avec sa société de diffusion/distribution, Interforum, et occupe de « très belles places » en Littérature et Scolaire.
D’autant que le futur se place sous des auspices clairement définis : d’abord, la consolidation d’un « groupe libre et indépendant », défendant le pluralisme des idées. Ensuite, devenir plus attractif pour les auteurs, en partant de ces intentions. Et dernier point, « ne publier que des livres dont nous considérons qu’ils comptent », dans tous les segments éditoriaux.
C’est là tout projet exposé en janvier dernier, lors de la galette des Rois, tirée au siège social, avenue de France. Et ce sera, au fil de l’entretien, un point récurrent : impossible, redira-t-il, d’incarner une « maison accueillante » si l’on publie trop de livres. Et d’ajouter que le marché français du livre a produit deux fois plus lors des 10 à 15 dernières années, quand les ventes ont été divisées par deux. « Donc, c’est un jeu à somme nulle. Et par ailleurs, on s’occupe moins bien de nos auteurs quand on publie trop de livres. »
A LIRE — La stratégie Olivennes pour Editis : publier moins de livres, vendre plus
N’en concluons pas qu’Editis compte trop de maisons : de fait, la directrice générale, Catherine Lucet, les a de toute manière regroupées, pour leur donner plus de corps. Ce qui « n’exclut pas du tout les acquisitions », particulièrement quand Humensis est mis en vente — confirmée ici, puisque Denis Olivennes affirme avoir demandé à consulter le dossier.
Ne pas toucher aux structures qui composent l’ensemble, mais en finir avec la « course à la quantité qui est préjudiciable ». Au contraire, affirmer la spécificité de chaque maison, et que leurs dirigeantes et dirigeants aient les coudées franches, « dès lors qu’ils sont d’accord pour avoir une économie raisonnable ». Pas de perspectives internationales pour l’heure : la priorité est donnée au « redressement [...] sur le marché national ».
De fait, Editis a vu sa rentabilité « baisser fortement, mais continue d’être rentable ». Pour ce faire, deux options, simplifier son organisation et améliorer son efficacité pour développer du chiffre d’affaires. Produire moins, on l’a compris, mais également se montrer « regardant sur la manière dont on accueille des maisons d’édition à distribuer, pour que l’image que ces maisons nous apportent soit nécessaire ».
Pas de restructuration au programme, donc, mais une transformation de l’entreprise. Et elle a déjà commencé : le départ de Lise Boëll en attesterait. Loin d’en contester le talent, Denis Olivennes pointe qu’elle n’était pas « complètement conforme à la maison Plon ». De fait, Jean-Luc Barré a été nommé pour lui succéder : une meilleure adéquation entre l’entité qui a publié le général de Gaulle ou Claude Lévi-Strauss et la personne à sa tête.
De même, le cas Julliard a été réglé avec l’arrivée d’Adrien Bosc et de ses éditions du Sous-sol, qui quittent donc Média-Participations et Le Seuil. Et d’autres encore : Julie Cartier à la tête de Fleuve et ainsi de suite. Le temps long de l’édition passe par une nouvelle mise en place des acteurs — après avoir fait tomber les têtes nécessaires.
Reste que le livre, cet « objet incroyable », a traversé la révolution numérique, mais connaîtra celle de l’intelligence artificielle. Là encore, tout est question d’équilibre : protéger le droit d’auteur « contre les captations clandestines [des] œuvres », et dans le même temps, appréhender l’IA comme « un continent d’amélioration pour nous ».
Comprendre : profiter des outils de calculs pour l’analyse de données, « qui permettent d’améliorer la logistique, la distribution des livres [...] de personnaliser l’offre de livres ». Donc, chercher l’innovation.
L’IA reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises dans les échanges : « Je ne crois pas que l’intelligence artificielle va se substituer au livre », estime Denis Olivennes. IA désigne bien Intelligence Artificielle, « mais c’est aussi indispensable auteur ». Les machines sont encore loin de disposer des qualités — sensibilité, subtilité, délicatesse — propres aux humains, « aussi éduquées soient-elles ».
Pour autant, cette technologie aura sa place : sans se substituer au travail des traducteurs pour les auteurs de littérature, il envisage résolument d’y recourir pour les livres pratiques ou encore la traduction des encyclopédies. « Il ne faut pas chasser les traducteurs », car l’on aura toujours besoin de vérifications. Pour autant, l’IA permettra des progrès. Lesquels sont précisément dénoncés par les principaux concernés, qui refusent catégoriquement de devenir des relecteurs de textes traduits par des machines...
Le président d’Editis évoque aussi l’audiolivre et ses liens avec l’IA : si des Google et consorts puisent déjà dans la lecture automatisée des solutions pour produire des livres audio, Denis Olivennes envisage « d’améliorer, d’augmenter l’efficacité » des acteurs et des actrices, « tout en protégeant leur rôle ».
Quant au secteur scolaire, point fort du groupe, il en bénéficiera également : avec les machines, c’est l’adaptation de contenus aux demandes et besoins des élèves qui se profile. En combinant les outils avec le savoir-faire éditorial, le duo sera gagnant. Une nécessité, toutefois, puisque ce secteur est « très dépendant, en France, des réformes des programmes scolaires, et celles-ci se ralentissent ».
Alors quelle est la stratégie de l’actionnaire d’Editis, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky ? La même que des Bertelsmann et Lagardère : constituer « un groupe média, un groupe de contenu dans lequel lier de l’édition, de la presse et, si la possibilité s’offre, de la télévision et de la radio ». Tout en se montrant vigilant, notamment avec la prise de participation chez Fnac. Denis Olivennes évoque un « mur de Chine » entre les entités, soulignant qu’il n’y a aucun intérêt pour un distributeur à favoriser l’un de ses fournisseurs « qui ne pèse que 18 ou 19 % de votre marché ». Et inversement pour Editis.
En tous cas, pas de synergie entre presse et édition, Denis Olivennes en est moyennement fan : plutôt la mise en commun de ressources de développement.
Quant à la lecture, une étude du CNL pointait qu’un jeune (15/24 ans) sur cinq n’ouvre pas de livre : en inversant cette donnée, on arrive à ce que 80 % d’entre eux lisent. Charge donc aux éditeurs de s’emparer des outils numériques pour la promotion, tout en soulignant l’importance d’auteurs « capables d’attirer les gens vers la lecture ». À titre d’exemple, il cite alors Joël Dicker... qui n’est pas publié par Editis ni aucune de ses maisons, mais simplement commercialisé par Interforum. Dommage.
Editis, pour l’avenir, prendra donc le risque intellectuel de sortir « des livres qui dérangent, qui ne sont pas forcément dans l’air du temps, qui peuvent déplaire ».
La ligne de conduite ? « [Ê]tre le plus populaire des éditeurs chic et le plus chic des éditeurs populaires. »
13 Commentaires
Pierre la police
05/03/2024 à 13:40
Denis olivennes et Adrien bosc, enfin le secteur du livre est sauvé.
Salarié Ambitieux
05/03/2024 à 14:28
Trop de métiers en doublons dans plusieurs sociétés du groupe. Harmoniser même s'il faut faire un plan social. Arrêter le télétravail car néfaste pour l'Enterprise. Redonner l'envie d'appartenir à l'entreprise à ceux et celles qui ont vraiment envie de travailler pour s'épanouir car aujourd'hui beaucoup de salariés font le minimum. Trop de théorie et de moins en moins sont dans la pratique. Du dirigeant à l'employé de base.
Ghosn is back
05/03/2024 à 20:06
MDR t'es sérieux ?
Tu veux virer des gens juste parce qu'ils font le même boulot ailleurs dans le Groupe ?
Tu t'es posé la question de savoir si c'est pas toi qui fait doublon ?
Le télétravail, c'est le mal ? T'as jamais entendu parler de la QVT ?
T'as des idées boomer.
T'es situé où au 92 ?
#jesuispaspayépourpenser
Salariée dégoûtée
05/03/2024 à 20:43
Comment donner envie de faire plus quand on nous traite comme des moins que rien...aucune considération, plus de primes..on nous prends pour des machines...
Les intérimaires sont mieux traités et considérés que les salariés...
Rendement, Rendement et chiffres pour nos chefs, y a que ça pour eux..y en a marre...
Intérimaires
06/03/2024 à 18:26
Heureusement qu'il y a les intérimaires pour bosser à la place des cdi. Vu que les embauchés sont plus souvent au café que travailler. Sans les intérimaires ça fait longtemps que Editis aurait mis la clef sous la porte. Surtout ne les méprisez pas car c'est grâce à eux que vous avez un salaire à la fin du mois et dites leurs plutôt merci
Mercredi
05/03/2024 à 22:29
« Salarié Ambitieux » tu me donnes envie de vomir. On devrait te virer toi méchant personne.
Interforum
05/03/2024 à 20:00
Interforum était très rentable avant l'arrivée de volumen et Tigery ( ex ballainvilliers). Combien de temps faudra les garder encore pour le plaisir de voir Interforum couler de plus en plus. Deux sites de distribution avec de moins en moins de livres à vendre et un riche actionnaire. Heureusement que ça dure et le plus longtemps possible car à la fin c'est le chômage qui nous attend.
COLLABORATEUR ANA
03/04/2024 à 13:55
VOLUMEN n'est pas un site de distribution, vous racontez n'importe quoi
Mercredi
06/03/2024 à 10:47
« Interforum » t’es sérieux ?? Mais si ça fonctionne mal sur les sites ce n’est pas les salariés qu’il faut virer c’est le directeur de ces sites là non ? C’est parce qu’ils ne savent pas gérer tout simplement ! Il ne faut pas tendre le bâton pour se faire battre 😂. C’est en haut qu’il faut taper pas en bas. Denis Olivennes n’est pas fou, il est intelligent, il a des yeux et un cerveau et il va finir par se rendre compte qu’il y a des directions qui font plus de mal que de bien depuis longtemps et il va savoir quoi faire. Et toi retourne bosser dans ta tour à Malesherbes car ça fait longtemps que tu n’as pas bosser. Il n’y aurait pas des élections chez vous d’ailleurs 😉
GLACHANT DSC CGT INTERFORUM EDITIS FILPAC
06/03/2024 à 12:07
Au-delà de la question juridique de cet interview, il me semble que cela interroge surtout en opportunité la place accordée aux IRP et au dialogue social par la direction Editis concernant la vision stratégique du groupe du nouvel actionnaire.
Didier Glachant
Filpac-CGT
Salarié Malesherbes
07/03/2024 à 11:58
Aujourd'hui les salariés de Paris viennent visiter Malesherbes comme si on été du bétail bientôt on va nous balancer des cacahuète en plus d'avoir des étiquettes pour reconnaître les chefs et se mettre au garde à vous devant les étiquettes bleu foncé maintenant il faut faire voir les salariés comme du bétail. On en a marre d'être pris pour des imbéciles en plus d'être mal payé avant danjou et toute sa clic en temps d'Alic on nous respectait maintenant on a l'impression d'être des militaires au garde à vous devant des chefs et des visiteurs
Roudoudou
16/03/2024 à 17:17
Rapprocher les entités, envoyer les cols blancs sur le terrain n'est-ce pas une bonne idée ? Voir les flux, se rendre compte de ce que c'est que de servir des clients... je ne vois pas comment faire autrement que de venir voir physiquement. Peut-être que ce sont plus les installations et les flux que l'on vient voir que les gens, qui par ailleurs sont nos collègues ? Dommage si c'est mal perçu parce que c'est vraiment intéressant.
Jacques marie laffont
10/03/2024 à 19:43
L'EDITION N'EST NI UN MÉTIER D'INDUSTRIE LOURDE NI UN MÉTIER D'ARTISAN MAIS , UNE INDUSTRIE DE " PROTOTYPES " , CE QUI EN FAIT SA GRANDEUR AUSSI BIEN QUE SES DIFFICULTÉS.
Jacques marie laffont ✍️