Parrain du Printemps des poètes, Sylvain Tesson l'est aussi pour l'opération « Lire, c’est voyager ; voyager, c’est lire » des autoroutes Vinci. Du 5 juillet au 17 août 2024, des bibliothèques éphémères seront installées sur les aires de repos du réseau VINCI Autoroutes. L'auteur invite les vacanciers à explorer une sélection de 14 titres des collections Folio de Gallimard, chacun accompagné d'une critique personnelle de Sylvain Tesson.
Le 29/02/2024 à 17:36 par Dépêche
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29/02/2024 à 17:36
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Durant cette période, 25 000 exemplaires des livres choisis seront distribués gratuitement aux conducteurs et passagers.
Le Grand Coeur, Jean Christophe Rufin
C’est une fresque puissante de la route, du voyage, du pouvoir, de l’or et de la guerre. On y trouve moult batailles, des caravanes, des vaisseaux et des princes. C’est un tableau de l’Histoire et le portrait d’un homme trop supérieur pour être heureux. Le roi Charles VII nomme Jacques Cœur grand argentier du royaume. Le financier à l’énergie prodigieuse, invente le commerce global. Il explore le Levant, tisse des liens diplomatiques autant que commerciaux, met au point les relations internationales modernes et fonde l’humanisme libéral. Jacques Cœur, c’est l’esprit européen, trop intelligent pour s’embarrasser d’être doctrinaire. Une seule phrase qui ressemble à une définition de la morale : « Je me sens tout à fait incapable d’épouser complètement une cause. Ce même mouvement qui m’avait permis de tout considérer d’en haut, comme le ferait un oiseau, est sans doute le trait le plus caractéristique de ma personnalité. »
La Ferme africaine, Karen Blixen (trad. Alain Gnaedig)
Elle fut d’une parfaite noblesse la baronne danoise ! Avec la nature, avec ses semblables, avec les bêtes, avec elle-même. Dans sa ferme du Kenya, à l’ombre du Ngong elle réalise le grand projet antique chanté par Xénophon : diriger une exploitation agricole comme si elle dirigeait un empire. On exploite ses terres mais l’on bâtit au passage une philosophie de la vie, un programme philosophique intégral, un code moral chevaleresque. Et pour peu que les flamants roses décollent au-dessus de la savane on a l’impression d’avoir poussé les portes d’un paradis de perfection.
Le souci de la terre, Virgile (trad. Frédéric Boyer)
Au premier siècle avant Jésus-Christ, Virgile, auteur de l’Enéide, compose une rapsodie d’amour à la nature, les Géorgiques, que Frédéric Boyer traduit par Le souci de la Terre. Deux mille ans plus tard, la Terre est en surchauffe. Ô comme il est urgent de déclamer cette ode à l’équilibre, à la douce harmonie, à la puissance de la nature. On y trouve autre chose qu’un manifeste écologique : c’est un viatique pour la vie intérieure, la règle humaine « le souci des êtres, du temps et des territoires ». Laissez-vous envoûter par les accords de Virgile. Il savait déjà de quoi nous aurions besoin en 2024 : « Oh oui chanter les grands espaces mais en cultiver un petit ».
Les Travailleurs de la mer, Victor Hugo
Hugo s’attaque à un sujet à sa mesure, la mer. Dans son roman, le poète-océan précipite tout. Dieu, l’amour, la nature, le mal, l’Histoire et la Géographie. Une pieuvre incarnera le diable, un chantier naval symbolisera l’amour, chaque mouette sera chantée, chaque bigorneau décrit. C’est Hugo : la houle, le ressac, la profondeur et la surface. Si vous lisez ce livre, vous serez trempé par la tempête, baigné par la douceur, revivifié par l’iode, épuisé par la nage, ravigoté de sel, essoré de beauté. La littérature est un embarquement.
L'Amant de Lady Chatterley, D.H Lawrence (trad. Frédéric Roger-Cornaz)
On crut à un roman obscène. On accusa l’auteur d’immoralité quand il le publia. Il y eut un procès. Le livre fut interdit. Lawrence n’est pas un pornographe. Il a écrit en réalité une ode écologique, d’amour et de beauté. Une femme s’éveille aux délices de l’amour en même temps qu’elle prend conscience de la fragilité de la nature. Tout jaillit : le désir comme le printemps. Tout est menacé : l’amour ne dure pas, la Terre est polluée, les corps s’abîment. Il n’y a qu’une seule manière de protéger la vie. L’aimer et faire de l’amour l’objet de sa jouissance.
Le Lys dans la vallée, Honoré de Balzac
Il y a le Balzac de la comédie humaine, forçat de l’observation, génie de la description, analyste des relations humaines. Mais il y a aussi le peintre des sentiments discrets, des clair-obscur du cœur. Il décrit l’âme comme un vitrail, la nature comme un écrin, l’amour comme une fleur fragile. Le Lys dans la vallée est le chef d’œuvre de ce Balzac-là. Madame de Mortsauf n’aurait pas dû laisser passer son unique matinée de printemps. Les lys fanent vite. Se retenir de vivre tue ! Mon Dieu ! Comme nous sommes étourdis de ne pas cueillir les bonheurs aussitôt qu’ils se présentent
Total Recall, Philip K. Dick (trad. Hélène Collon)
Philip K. Dick est une Cassandre grecque déguisée en écrivain américain. Le moyen qu’il a trouvé d’être prophétique fut de se montrer pessimiste. Il avait vu notre époque. Soixante ans avant l’année 2024, il décrit un monde où les hommes sont en extase devant les progrès électroniques, soumis aux machines. Ils vivent dans des univers virtuels, acceptent d’obéir aux robots. Encerclés d’automates, abrutis de signaux, ils sont esclaves des programmes. Une aristocratie d’humains ultra-connectés asservit les masses. Partout, la liberté recule, la violence gagne, la langue mute, la vie se désagrège. Lisez ces nouvelles d’anticipation, cela vous rappellera quelque chose.
Les Diaboliques, Jules Barbey d'Aurevilly
Rien n’est simple dans la vie. Ni tranché, ni binaire. L’amour est le plus tortueux, le plus ambigu, le plus incompréhensible des sentiments humains. Il faut un maître-explorateur comme Barbey d’Aurevilly - verbe de feu, imagination torrentielle - pour descendre dans les oubliettes du cœur, les replis de l’âme les caves de la conscience et prouver que le bien et le mal, l’ordre et la volupté, la canaille et la noblesse se frôlent, se côtoient, s’entremêlent. La vie est un labyrinthe. La littérature peut l’éclairer.
Quai des enfers, Ingrid Astier
Simenon fait du climat de ses enquêtes un élément aussi important que l’arme du crime. On tourne les pages. La pluie, la brume, la graisse, la bière nous collent aux doigts. L’esprit s’embue. Quelle poisse ! Ingrid Astier réussit haut la main (et non pas haut les mains) l’exercice de narration atmosphérique ! Dans Quai des enfers, son premier roman, la Seine parisienne ne se réduit pas au décor. Elle s’invite en personnage. Elle devient l’univers. Sur les rives, on découvre un monde parallèle, gluant autant que charmant. Un peuple vit sur ce ruban en pleine ville, insoupçonné, inconnu. Le mystère flotte, le silure nage, le cadavre dérive. Les remugles se mêlent aux fragrances. Et la brigade fluviale, maître des lieux, domine la scène, perce les mystères de Paris et embarque le lecteur plein gaz sur les zodiacs d’intervention !
A la verticale de soi, Stéphanie Bodet
Voilà une jeune fille qui souffrait d’asthme et de mélancolie. Son âme ne trouvait consolation que dans la lecture de la poésie et la contemplation de la nature. Trop bien élevée pour se plaindre, elle décida de courir la montagne et de s’entraîner à l’escalade. Elle triompha de ses tourments, devint championne du monde et, pendant vingt-cinq années escalada les plus effrayantes falaises de la planète, faisant de la montagne un sujet de littérature et son école de vie.
La panthère des neiges, Sylvain Tesson
« Comme un voyage sans finalité, qui se répète mais sans pour autant ennuyer, la Panthère des neiges ouvre la marche d’une épopée de la patience. C’est un voyage des sens et du temps...une ode au chant des montagnes, au silence des plaines » (Alessia Costantini, Libération)
Ci-gît l’amer, Cynthia Fleury
On est intimidé par les professeurs de philosophie. Nous autres, esprits simples, on croit qu’ils parlent une langue impossible. Heureusement Cynthia Fleury est le professeur qu’on aurait rêvé d’avoir. Cela tombe bien, ce sont les vacances ! Dans ce livre précieux, le philosophe décrit impitoyablement l’époque et comprend que parmi nos malheurs, le plus grand, le plus difficile à dompter c’est l’amertume, fille de nos impuissances, de nos renoncements, de nos démissions. Est-on responsable de ses propres faillites ? Comment lutter contre le venin de la rancœur ? Comment embarquer à nouveau sur l’océan de la vie ? On referme le livre et on s’exclame « Ci-gît l’amer » puisque, de l’amer, on s’est débarrassé.
Deux ans de vacances, Jules Verne
Avant tout, saluons le titre. Deux ans de vacances, je trouve que c’est un minimum. Seulement les parents sont toujours pressés et se trompent dans leur calcul. Jules Verne décrit un rêve : des écoliers de 9 à 14 ans se trouvent naufragés sur l’île déserte. Que devient le monde quand on en confie l’organisation aux enfants ? Une troupe de collégiens saura-t-elle affronter les dangers de la nature et les visites menaçantes ? En d’autres termes, pourquoi ne pas laisser le pouvoir aux enfants.
Les bisons de Broken Heart, Dan O’Brian (trad. Laura Derajinski)
Au XIXe siècle, les Américains ont vidé les grandes plaines centrales de leurs bisons. Dan O’Brien, écrivain naturalise et cow-boy poète décide de prendre les choses en main : plutôt que de se livrer à une critique de la conquête de l’Ouest, il réintroduit les bisons dans leur milieu naturel. C’est le miracle : les bêtes s’acclimatent, les graminées repoussent, les oiseaux reviennent, même les nuages arrosent à nouveau les aridités. Quand on rétablit l’ordre, la nature reprend sa valse. Yeah !
Crédits photo : Le Printemps des poètes
Paru le 02/01/2014
574 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 09/11/2006
508 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 07/05/2009
428 pages
Editions Gallimard
9,40 €
Paru le 21/03/2019
251 pages
Editions Gallimard
22,50 €
Paru le 01/11/2006
542 pages
Editions Gallimard
7,40 €
Paru le 21/10/2004
435 pages
Editions Gallimard
7,40 €
Paru le 12/07/2012
448 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 25/09/2003
373 pages
Editions Gallimard
6,30 €
Paru le 07/06/2018
496 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 08/04/2021
336 pages
Editions Gallimard
8,90 €
Paru le 12/08/2021
192 pages
Editions Gallimard
8,30 €
Paru le 01/09/2022
330 pages
Editions Gallimard
8,90 €
Paru le 14/10/2021
334 pages
Editions Gallimard
5,90 €
29 Commentaires
Rhinocérouge
03/03/2024 à 16:56
Superbe.
Alexandre
05/03/2024 à 15:10
Il est regrettable que ne soit proposer que des ouvrages d'une seule et même maison. De plus petites structures disposent également de collection de poche si c'est une condition et seraient ravies de bénéficier d'une telle visibilité.
Francesca
07/03/2024 à 08:53
Les conseils de Sylvain Tesson mettent du baume sur nos coeurs. De droite, dit-on ? Quelle connerie de lui coller une étiquette aussi réductrice ! Que ses détracteurs le lisent et jugent par eux-mêmes... Je suis et reste de gauche toute!
NAUWELAERS
07/03/2024 à 15:36
Bravo Francesca et c'est évidemment vous qui avez raison contre les insupportables obsédé(e)s de la politique qui voient tout au travers de leur prisme idéologique déformant.
À défaut de talent et d'originalité, on peut polémiquer ad nauseam mais ils ne font que s'autoconvaincre tout en lassant tous les non-sectaires comme vous et moi et une majorité de lectrices et de lecteurs.
Qui refusent de (s'abstenir de) penser au pas de l'oie: donc totalement d'accord avec vous.
Finalement une belle pub pour Tesson et contre les signataires de la pétition bas de gamme contre ce grand écrivain.
Qui pense et écrit ce qu'il veut en démocratie et qui promeut la poésie, le goût de la nature et du grand large, etc.
Dont nous avons tant besoin, contrairement à ces anathèmes nullissimes.
CHRISTIAN NAUWELAERS
CHRISTIAN NAUWELAERS
Franne
09/03/2024 à 07:49
Excellente idée vraiment. Sur les falaises de la Hague ci-gît l'amer sera mon guide de l'été. Et pour ceux qui seront attirés vers le Sud pourquoi pas avec Giono être l'homme qui plantait des arbres ?