Jouer est sans doute pour nous l’activité première. Avant même de basculer dans des rapports plus construits avec autrui, nous nous inscrivons dans une dynamique ludique. Ce principe a depuis toujours été étudié par les philosophes, mais également par les théoriciens de la pédagogie moderne et par la psychologie.
Le 20/06/2023 à 10:47 par Victor De Sepausy
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Publié le :
20/06/2023 à 10:47
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Quand on s’inscrit sur une réflexion portant sur les rapports entre l’humain et le jeu, on pense souvent d’abord à l’essai publié pour la première fois en 1938 par l’historien néerlandais Johan Huizinga Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu. A l’origine de la culture, il y aurait toujours le jeu chez l’être humain. Cet ouvrage a fait entrer l’expression « homo ludens » dans le langage courant, de façon à montrer la place centrale du ludique dans les relations entre les êtres humains.
Si le jeu est présent chez les animaux, les humains ont un état de conscience de leur état de joueur qui les distingue précisément des animaux. Il est généralement admis que le jeu s'oppose à la gravité. Ainsi, lorsqu’on recherche un casino en ligne sur Internet, on ne s’inscrit pas vraiment dans une démarche purement intellectuelle. La légèreté prime dans la prise de décision. Toutefois, Homo Ludens souligne que le jeu peut être tout à fait sérieux, et si l'on oppose le sérieux au rire, le jeu peut être pratiqué « sans la moindre intention de rire » avec des enjeux importants (comme dans les compétitions sportives et de jeux vidéo). L'auteur tente ensuite de faire un lien possible entre le jeu et le comique, le jeu et la stupidité, ainsi que la valeur esthétique que peut prendre le jeu dans certains cas.
En fin de compte, J. Huizinga définit le jeu comme « une action libre ». Si elle est forcée, le jeu perd sa composante essentielle de consentement et devient simplement une reproduction obligatoire d'un jeu. De plus, "le jeu est superflu", une composante non essentielle à la vie d'un adulte qui se pratique pendant les loisirs, dans une parenthèse de la « vie quotidienne ». J. Huizinga reprend l'exemple des enfants qui font certaines choses « juste comme ça », « juste pour rire », séparées de ce qu'ils feraient dans leur "vie courante" pour répondre à un besoin ou un devoir. Toutefois, dans le rôle d’ « intermède dans la vie quotidienne, comme une occupation de détente », le jeu est un complément indispensable pour l'individu en tant que fonction culturelle (liens sociaux, signification, valeur expressive...).
Ainsi, le jeu se sépare de la vie courante par la place et la durée qu'il y occupe. Cette composante représente la troisième caractéristique du jeu selon Homo Ludens, il se pratique dans une certaine limite de temps et d'espace définis à l'avance. De même, le jeu est une source d'ordre. « Dans les limites du terrain de jeu règne un ordre spécifique et absolu ». Le joueur doit respecter les règles du jeu pour rester à l'intérieur, « dès que les règles sont violées, l'univers du jeu s'effondre ».
L’ouvrage fondateur de Johan Huizinga a profondément influencé le sociologue Roger Caillois. Ce dernier publia Les Jeux et les Hommes en 1958. Mais, pour le sociologue français, de nombreux points sont discutables dans la théorie proposée par l’historien néerlandais. Voulant dépasser la simple idée de faire une sociologie des jeux, Roger Caillois avait pour ambition de mettre en place « les fondements d’une sociologie à partir des jeux ».
D'après Roger Caillois, le jeu se différencie du travail en étant une activité libre, plaisante et qui ne conduit pas à une création de richesse d'un point de vue économique. En effet, après une partie d'échecs, de bridge, etc., le joueur ne possède pas plus de biens qu'auparavant. L'auteur souligne également que les jeux d'argent ne font pas exception à cette règle, car ils ne génèrent qu'un transfert de richesse plutôt qu'une création de valeur : les pertes d'une personne sont les gains d'une autre.
Pour conclure, Roger Caillois donne une définition du « jeu » en tant qu'activité volontaire : le joueur ne peut pas être contraint à jouer sans que cela ne retire immédiatement l'aspect attractif et joyeux du jeu. Il évoque aussi le caractère limité de cette activité : limité dans le temps et l'espace, avec des règles établies à l'avance. C’est aussi un domaine où l’incertain est de mise : le déroulement et le résultat ne peuvent pas être prédéterminés, laissant une certaine marge de manœuvre à l'imagination du joueur ;
Il ajoute aussi que l’on peut parler de non productif : ne créant pas de biens, de richesse ou de nouveauté, sauf dans le cas d'un transfert de propriété entre les joueurs, ce qui ramène la situation au point de départ. Le jeu est aussi réglementé : soumis à des conventions qui suspendent les lois habituelles et qui instaurent temporairement une nouvelle législation qui est la seule valable. Enfin, il convoque l’imaginaire : accompagné d'une conscience spécifique de réalité secondaire ou de pure irréalité par rapport à la vie quotidienne.
Crédits illustration Pexels CC 0
1 Commentaire
Aurelien Terrassier
20/06/2023 à 23:18
Que ça soit le Scrabble, le Monopoly, le Trivial Poursuit ou le Jeopardy entre autres, le jeu de société favorise le lien social. Il est vrai que les jeux videos ont en partie pris le pas sur les jeux de société. Mais il y a toujours des jeux de société avec tous les ans, des nouvelles versions du Monopoly et du Trivial Poursuit. Il y a même une version du Monopoly doté d'un assistant vocal dédié au jeu. Il existe aussi une version du P'tit Bac avec un assistant vocal dédié. Certes ce n'est pas assez pour faire ralentir le marché
du jeu vidéo et effrayer les Gafam mais c'est déjà pas mal.