On ne présente plus Philippe Curval chez les férus de science-fiction. De la devenue mythique collection, Le Rayon fantastique, par laquelle il se fait un nom dans les années 60, jusqu’à son dernier texte, Rosépine Tronche, paru le 4 mai aux éditions La Volte, il a traversé les époques de la SF à la française sans perdre de sa pertinence. Ce nouvel ouvrage rappelle en quoi l'auteur est également un grand connaisseur d'art.
Le 17/05/2023 à 16:00 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
17/05/2023 à 16:00
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Le parisien Philippe Tronche, dit Philippe Curval, c’est d’abord un jeune garçon entouré par l’avant-garde. Dans sa chambre, ce sont les surréalistes Max Ernst et Joan Miró qui ornent les murs.
Son père, collectionneur et marchand de tableaux, ne lui transmet pas l’amour d'un club de football, mais le goût de la modernité en art. Une éducation picturale et au beau qui lui servira des années plus tard dans sa pratique artistique.
Celui qui vit le jour en 1929, sous le signe du Capricorne, participe à l’aventure de la première librairie de science-fiction en France, tenue par Valérie Schmidt, La Balance, après avoir simulé la folie pour se faire réformer de son service militaire...
L'enseigne est installée au cœur du quartier des intellectuels et des artistes de l’époque, Saint-Germain-des-Prés, 2 rue des Beaux-Arts, permettant à Philippe Curval de côtoyer le photographe Robert Doisneau, l'écrivain Michel Butor, le multi-talents Boris Vian, le dessinateur Roland Topor. Que partagent ses importants créateurs ? Le goût d'un nouveau genre dans l'hexagone : la science-fiction américaine...
La première librairie, puis la première revue SF en France, Fiction, dans laquelle il publie des collages inspirés des œuvres de Max Ernst, écrit, et pour laquelle il réalise des couvertures. Un noyau dur des amateurs de science-fiction se rassemble autour du fondateur de la publication, Alain Dorémieux.
Accompagné par Gérard Klein, Jacques Sternberg ou le traducteur pour la collection Présence du Futur de Denoël du Monde des Ā de A.E. van Vogt, Boris Vian, il participe à l’émergence de la science-fiction française dans les années 50. Citons l’organisation d’une exposition fondatrice en 1954, dédiée au genre venu d’outre-Atlantique, dans la librairie la Balance : Présence du futur. Des figures comme Michel Pilotin, dit Stephen Spriel, qui a dirigé le Rayon Fantastique côté Gallimard, ou le fantasque Jacques Bergier, soutinrent l'entreprise.
Tous ces amoureux de SF se réunissent à partir de 1955 tous les lundis autour d’un repas, ouvrant la voie aux déjeuners du lundi, qui connaissent un « âge d’or » dans les années 1990. L’événement hebdomadaire, qui a pris fin en 2020, a accueilli certaines des plus importantes figures du genre de Philip K. Dick, tels Frank Herbert, Richard Matheson, Robert Silverberg ou Alejandro Jodorowsky.
Il édite son premier roman en 1960 dans la collection Le Rayon fantastique, portée par Gallimard et Hachette, Les Fleurs de Vénus. Son second texte, Le Ressac de l’espace, publié dans la même collection en 1962 lui vaut le Prix Jules-Verne. Consécration en 1974 où il remporte le Grand Prix de la Science-fiction française pour L’Homme à rebours, édité chez Robert Laffont ; comme Cette chère humanité, qui lui vaut le Prix Apollo en 1976.
À ses débuts, il s’inscrit dans la « Nouvelle vague » de la science-fiction française, inspirée de la New wave anglo-saxonne, caractérisées par une approche plus expérimentale et artistique, que simplement scientifique. Il s’appuiera par exemple sur les théories du fascinant Raymond Roussel sur l’écriture pour Les Sables de Falun, publié dans la revue Fiction en 1970.
Ce passionné d’art fait aussi paraître entre 1995 et 1998 quatre ouvrages sur des créateurs importants : Yann Kersalé, Roger-Edgar Gillet, Hervé Télémaque et Gérard Guyomard. Il est aujourd’hui traduit dans quatorze pays.
L’écrivain prolifique, avec plus de quarante titres à son actif, produit en parallèle un large travail critique autour de la science-fiction. D’abord dans Galaxie, avant d’écrire pour Le Monde entre 1976 et 1980, et dans le Magazine littéraire entre 1986 et 2012. Il dédie également des articles à son peintre chéri, Max Ernst. Il participe à la publication d’anthologies de science-fiction : Futurs au présent (1978) avec Jean-Pierre Vernay, Serge Brussolo et Jean-Marc Ligny ; et Superfuturs (1986) consacrée à la très jeune SF française.
Comme Boris Vian, autant trompettiste de jazz qu’écrivain, Philippe Curval ne s’est pas borné à la seule écriture et au dessin. Citons ses céramiques façonnées sous l’influence de l’art brut. En 1985, il participe à l’exposition Les Immatériaux, au Centre Georges Pompidou.
À partir d'un travail sur la définition de mots par Internet avec des physiciens, des philosophes, des sociologues, il questionne les rôles de la technologie dans la modernité.
Plus récemment, il expose l’un de ses collages au Centre Pompidou Metz dans le cadre de l’exposition Les Portes du Possible.
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Son histoire d’amour avec l’art contemporain passe par celle qui fut sa compagne jusqu'à sa disparition en 2015 : la critique d’art et curatrice, élève de Jankélévitch et de Claude Rivière, Anne Tronche.
Il l’a rencontre en 1960, et elle l’initie au pendant français du Pop art américain, le Nouveau réalisme, représenté par des figures comme Niki de Saint Phalle, ou Yves Klein. L’esprit du mouvement : détourner des objets du quotidien pour porter une réflexion sur l’époque.
Son dernier ouvrage, Rosépine Tronche, est un hommage à ce mouvement et à la culture populaire, autofiction sur la passion pour l’art et l’avant-garde, où apparaissent, en ombres chinoises, les rencontres stimulantes qui ont façonné la vie de Philippe Curval.
Plongez dans l’univers du Nouveau réalisme et du Pop art, et laissez-vous inspirer par la vision radicale de Philippe Curval pour capturer l’esprit de son époque, à l’âge d’or du Jazz et de la liberté qu’ont été les années 1960.
– La Volte
Crédits photo : Rama (CC BY-SA 3.0)
Paru le 04/05/2023
210 pages
La Volte
18,50 €
Paru le 14/04/2022
243 pages
La Volte
18,00 €
Paru le 14/10/2021
243 pages
La Volte
20,00 €
Paru le 15/10/2020
306 pages
La Volte
20,00 €
1 Commentaire
FredEx
19/05/2023 à 19:40
Ah, Anne… qu'est-ce que je l'aimais !