Bruno Le Maire : écrivain, c'est une bonne situation, ça, pour un ministre ?
Candidat malheureux à la présidentielle de 2017 — sans même avoir accédé au premier tour — Bruno Le Maire mène bon pied bon œil, une carrière d’auteur depuis 2004 et son premier ouvrage Le ministre (Grasset). L’homme n’est pas le plus prolifique des politiciens en la matière ni le responsable de la surproduction d’essais politiques. Mais ministre et écrivain, voilà qui interroge…
Le 28/04/2023 à 13:07 par Nicolas Gary
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28/04/2023 à 13:07
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Cinq années à remettre l’ouvrage sur le métier, et voici un nouveau roman que signe Bruno Le Maire — sans que l’on ne présume de son écriture. En 2012, alors qu’il sortait tout juste du ministère de l’Agriculture, il s’était déjà épris de musique et s'intéressait au chef d’orchestre Carlos Kleiber : le 30 août, Gallimard publiait ainsi une fiction autour de l’Austro-américain, décédé en juillet 2004.
Musique Maëstro ! Cette fois, le pianiste Vladimir Horowitz est au cœur d’une œuvre, toujours chez Gallimard : Fugue américaine. Et à l’occasion d’un plateau sur France 5, le ministre de l’Économie affirme : « Cet ouvrage, c’est 10 ans de travail. 5 années de recherche, 5 années d’écriture, prises sur les vacances, les week-ends, tôt le matin à partir de 5H. » Diantre, quel homme !
Essais transformés !
En moins d’une vingtaine d’années, BLM aura tout de même publié une quinzaine d’ouvrages, et Fugue américaine n’est que son troisième roman. Soit un cumul en volume de 252.235 exemplaires comprenant poches et grands formats. Une petite manne économique, tout de même, puisque BLM pèse 4,15 millions € de chiffre d’affaires éditeur.
Et ce, avec quelques réussites notables : Jours de pouvoirs (Gallimard, janvier 2013 - prix du livre politique 2013) enregistre plus de 65.000 ventes. Des Hommes d’État (Grasset, janvier 2018) frôle les 63.000 volumes écoulés. Citons également Ne vous résignez pas ! (Albin Michel, février 2016), avec plus de 31.800 ventes.
Ecrire, ou l'évasion
La littérature réussit moins au ministre de l’Économie — inadéquation entre les chiffres et les lettres, peut-être ? Musique absolue dépasse cependant, mais tout juste, les 20.000 ex. : les lecteurs auront donc prêté l’oreille à l’histoire de Carlos Kleiber. Paul, une amitié, atteint péniblement les 14.000 ventes : la fiction demeure une maîtresse capricieuse. (données : Edistat)
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Et ce pauvre BLM s’excuserait presque d’écrire : « Chacun a ses lignes de fuite, chacun a besoin d’avoir autre chose que sa vie professionnelle. Pour certains ce sera le jardinage, pour d’autres la cuisine, le sport... Moi, c’est l’écriture », précisait-il dans l’émission C à Vous.
Avant d’ajouter : « Quand un livre est achevé, je préfère partager cette passion que la garder pour moi. Je revendique cette liberté, parce que ça vous donne un équilibre intérieur et que ça permet même d’exercer mieux son activité de ministre. »
Politique politicienne et édition politisée ?
On se souviendra qu’Édouard Philippe, alors Premier ministre, fut lui-même chahuté pour les parutions, coécrites avec Gilles Boyer, alors même qu’il était en responsabilité. Certes, le maire du Havre avait aussi été plutôt épinglé pour des passages de Dans l’ombre (mai 2011, Lattès et depuis adapté au cinéma) : des extraits croustillants rejaillirent dans la presse… pas vraiment à l’avantage du locataire de Matignon. D’autant que le roman n’a pas cassé des briques : 7945 ventes.
Rien de mieux à faire ?
L’écriture aurait-elle une incidence sur l’implication des ministres, leur emploi du temps et leur responsabilité vis-à-vis des citoyens ? Emmanuel Macron répondait avec véhémence et par l’affirmative en octobre 2021 (déjà ?) :
« Mais les Français vont finir par se dire que les ministres ne foutent rien et qu’ils passent leur temps à écrire des livres. »
– Emmanuel Macron (cité par le Canard enchaîné)
Pauvre Manu esseulé : ActuaLitté avait d'ailleurs confirmé, preuves et chiffres à l'appui, que ses ministres glandouillaient certainement en se réfugiant dans les bouquins... sans pour autant en vendre.
Quid alors des « interrogations légitimes » qu’il reconnaît, face aux critiques qui lui reprochent de sortir des livres ? Eh bien, BLM affirme à l’AFP que le monde politique ne laisse que peu de répits requiert un engagement jusqu’à parfois tout dévorer de la vie personnelle. « On peut avoir une vie à côté de la politique et une vie en dehors de la politique », estime-t-il.
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Écriture et activité publique formeraient ainsi un ensemble où trouver son équilibre : ministre et écrivain, deux facettes complétant la médaille.
Oh, alors en passant...
L’occasion inespérée de lui remettre sous le nez, en ce cas, le sort des éditeurs indépendants qui réclament depuis des années une révision des tarifs postaux. En avril 2020, l’association l’autre LIVRE tentait une nouvelle fois de faire passer le message :
Savez-vous, monsieur le ministre, que pour envoyer par La Poste un livre de 250 pages (qui pèse environ 300 g), il en coûte 5,83 € en lettre verte, soit plus d’un quart du prix du livre (sauf à le vendre à un tarif indécent) ? Savez-vous que pour envoyer un livre qui dépasse 3 cm d’épaisseur, il faut le faire par Colissimo, au prix de 7,14 € HT ?
Et ces tarifs augmentent chaque année, alors que le prix du livre, lui, est fixe. Savez-vous que ces frais d’envoi ne peuvent pas être répercutés par le libraire sur les lecteurs ?
Pensez-vous que nous, éditeurs, puissions prendre à notre charge de telles sommes ? Pensez-vous que les libraires puissent prendre à leur charge de telles sommes ?
Bruno auteur parviendra-t-il à sensibiliser Le Maire, ministre ?
Crédits photo : Bruno Le Maire à l'imprimerie Firmin Didot, Mesnil-sur-l'Estrée, en décembre 2007 (impression de son livre Des hommes d'Etat) - Bruno Le Maire, CC BY 2.0
Fugue américaine
Paru le 27/04/2023
480 pages
Editions Gallimard
23,50 €
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9 Commentaires
Aurelien Terrassier
30/04/2023 à 22:04
Comme Dominique de Villepin et Jean-Luc Melenchon, le ministre de l'économie Bruno Le Maire bien qu'il fasse parti d'un gouvernent qui mène une politique néo-liberale de plus en plus autoritaire est un vrai écrivain. Je l'ai vu lors du débat avec un ancien candidat d'extrême droite aux présidentielles à savoir Éric Zemmour, il s'est plutôt bien débrouillé en rappelant la politique antisémite de Petain sous le régime de Vichy. Pour le reste, Bruno Le Maire a le droit d'être écrivain en dehors de sa fonction de ministre ce n'est pas le problème. Le problème c'est la politique économique régressive pour les droits et les acquis sociaux avec une inflation qui n'en finit pas et les salaires qui n'augmentent pas!
Sophie
01/05/2023 à 09:26
J'ai lu l'extrait disponible sur un site de vente en ligne. Ça vaut pas un pet de lapin. Et ce n'est pas en ajoutant partout dew phrases en allemand, anglais, espagnol, etc. que ça rend le roman plus érudit. C'est de la pédanterie.
Marie
02/05/2023 à 08:55
L'art de l'écriture n'est pas donné à tout le monde, tant s'en faut !On n'oublie pas que, candidat (malheureux) à la présidentielle, son programme dépassait en volume, et de loin, celui des autres candidats. Au moins écrivassier...De plus, au moins, il fait ce qu'il dit : pour "économiser" ! le chauffage, il remplace la chemise cravate par le col roulé, et le montre. Le seul écrivain qui ait fait de la politique est François Mitterrand. Le commentaire de Sophie ne m'étonne pas. Les "vrais" écrivains sont rares, de nos jours.
Aurelien Terrassier
02/05/2023 à 10:07
@Marie N'est pas André Malraux qui veut je dirais.
Bénard Serge
02/05/2023 à 10:04
J'en pense que les ministres ont peu à faire (ou qu'ils le font mal, ce qui est flagrant pour celui-ci). Je m'interroge aussi sur la décadence de cette soi-disant élite qui publie du porno sous l'étiquette érotique.
Florence Mothe
02/05/2023 à 10:09
Si Bruno Lemaire est vraiment l'auteur de cette abondante production, quand a-t-il le temps d'écrire ? Entre 2 et 4 heures du matin ? S'il n'en est pas l'auteur - certains signaient Ajar - il rajoute ce mensonge à ses innombrables "carabistrouilles" comme dirait Macron. En tout cas, il a mieux à faire que de publier en ce moment, fut-ce chez Gallimard!
Aurelien Terrassier
02/05/2023 à 15:20
@Florence Mothe Bonne question mais si Bruno Le Maire embauche un ghost-writer ce dernier a beaucoup moins de travail que pour les trois quarts des politiques qui n'écrivent pas leurs livres eux-même si ce n'est qu'une vingtaine ou trentaine de pages... J'ai lu le livre programme de Jacques Chirac de 1995. C'est bien écrit, on s'y aperçoit qu'il est loin d'avoir tenu sa promesse de lutter contre la fracture sociale vu que ce sont les problèmes actuels. C'est passionnant bien que les trois quarts du livre est écrit par un ghostWriter soit "L'homme de derrière" magnifique chanson de Kent.
Lilie
07/05/2023 à 08:29
J'ai lu quelque part qu'il écrivait le matin de 5 à 7 h avant d'aller au ministère. Voilà pourquoi il y a des passages "érotiques", c'est son 5 à 7 quotidien !!!
Aurelien Terrassier
10/05/2023 à 22:06
Est-ce mieux de faire un roman erotique que de parler d'un ailleul décédé? En effet, les éditeurs sont à l'affût de ce type de "pornographie" qui ne m'intéresse pas. Après il est vrai qu'entre Marlene Schiappa dans Play-boy et Bruno Lemaire avec un roman erotique, nous pouvons dire que le gouvernement avec sa politique libérale et autoritaire dont certains ministres voudraient peut-être faire oublier la régression sociale, le coup de com' ou le buzz ne manque pas...