Zerocalcare, l’auteur de bandes dessinées le plus populaire d’Italie, a sorti un nouveau livre le 4 octobre 2022. Imprimé à un tirage record (234.000 exemplaires), il est déjà un succès. Il s’agit d’un reportage qui retrace le voyage de l’auteur en 2021 au Moyen-Orient, dans l’enclave irakienne des Ezidis, un peuple qui a survécu au génocide de Daesh et dont l’autonomie est menacée. Après Kobane Calling, publié en France chez Cambourakis, un autre reportage qui mélange avec humour, émotion et passion politique, le personnel et le public.
Le 24/10/2022 à 14:19 par Federica Malinverno
343 Partages
Publié le :
24/10/2022 à 14:19
343
Partages
Zerocalcare, de son vrai nom Michele Rech, est sans doute le dessinateur italien le plus populaire du moment. Son nouveau livre, No sleep till Shengal (octobre 2022), figure en tête de la liste des best-sellers de la bande dessinée italienne réalisée par Il Giornale della Libreria.
Deux semaines après sa sortie, il est déjà le livre le plus vendu en Italie, selon le classement de La Repubblica, devant des romans d'auteurs de best-sellers tels que Sveva Casati Modigliani, Felicia Kingsley et les Italiens Aldo Cazzullo et Antonio Manzini.
Le succès de Zerocalcare n'est cependant pas nouveau : déjà, en 2021, avec l'anthologie de nouvelles Niente di nuovo sul fronte di Rebibbia et en 2020 avec le roman graphique Scheletri, il avait rencontré le faveur du public, et pas seulement des habitués de fumetti.
Pour donner un exemple de sa notoriété et de sa relation avec le public, il suffit de dire qu'il y a souvent de très longues files d'attente, dès l'aube, pour des dédicaces. Exercice auquel il se prête toujours avec une grande générosité. C'est ce qui s'est passé le 10 octobre lorsque, dès 5 heures du matin, les fans de Zerocalcare ont fait la queue devant la librairie Feltrinelli de Turin pour retirer le laissez-passer leur donnant accès à la séance de dédicace pour la présentation de son nouveau livre.
En effet, No sleep till Shengal est sorti le 4 octobre dernier via Bao Publishing. La maison d'édition milanaise a tiré 234.000 exemplaires, un record pour l'entreprise comme pour l'auteur. L'ouvrage narre le reportage de l’auteur au Moyen-Orient en 2021 dans l'enclave irakienne des Ezidis, un peuple qui a survécu au génocide de Daesh et qui est menacé pour son aspiration à un confédéralisme démocratique.
Zerocalcare avait parlé de ce projet au Salon du livre de Turin, en mai dernier : « Il s'agit d'une sorte de carnet de voyage que j'ai réalisé en juin de l'année dernière [2021, NDLR] dans le nord de l'Irak, en particulier dans une région appelée Shengal d'où sont originaires les Ezids, une population qui fait partie du Kurdistan, mais qui est de religion préislamique. C'est pourquoi les Ezidis ont fui cette région, puis, aidés par les Kurdes, ils l'ont reprise et depuis, ils ont une sorte d'autonomie dans cette zone. »
« Cette autonomie qui est basée sur les principes de la révolution kurde, donc sur la libération des femmes, la coexistence entre tous les peuples et l'autodéfense est actuellement menacée par l'État irakien qui veut reprendre ce territoire et la Turquie qui les bombarde sans cesse depuis un an, tuant la population civile mais aussi les représentants de l'autonomie et de l'administration autonome car elle ne veut pas que cette enclave liée aux Kurdes existe », poursuit-il.
L'auteur, qui en est à son treizième livre, n'est pas novice dans ce genre littéraire, qu'il avait déjà expérimenté avec Kobane Calling, publié en France chez Cambourakis, qui raconte le voyage de Zerocalcare en Syrie il y a sept ans.
Une fois de plus, et peut-être plus que jamais, le dessinateur choisit de raconter l'histoire d'un territoire méconnu, loin de l'attention des médias, où les luttes pour la liberté et l'indépendance se déroulent dans un climat dramatique de guerre et d'abus. Le résultat est un livre encore plus dramatique que le précédent, racontant l'histoire d'un véritable génocide. L'idée derrière ce projet est en fait de « donner une voix à l'autonomie de Shengal », comme le rappelle Zerocalcare dans un entretien avec Il Libraio.
Ce dernier est également l'auteur d'une série de textes plus personnels, tels qu'Oublie mon nom (Cambourakis, 2018) ou Scheletri, chez le même Cambourakis.
Cependant, il existe des spécificités propres aux récits à caractère plus social et politique, comme Kobane Calling ou No sleep till Shengal : « Même dans la réalisation, c'est quelque chose de beaucoup plus collectif. Même pour réaliser les dessins, j'ai dû utiliser les matériaux que nous avons tous collectés ensemble, comme des photographies et des interviews vidéo. Le partage est déjà nécessaire en amont », explique l’auteur, toujours au Libraio, qui rappelle également combien il est nécessaire d'obtenir le consentement des personnes qui l'accompagnent dans son voyage ou des populations dont il parle pour pouvoir imprimer le livre. « Il faut prendre une série de précautions qui ne sont pas nécessaires lorsque je parle de mes propres histoires », résume-t-il.
Un autre élément important qui explique peut-être aussi le succès de cet auteur est le fait qu'il a trouvé un langage et un style narratif qui lui permettent de raconter des histoires importantes en s’adressant à un large public : « J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de choses qui méritent d'être racontées et qui souvent ne le sont pas. Et ils ne le sont pas, à mon avis, parce que vous ne trouvez pas la clé pour les faire connaître à un large public. »
En effet, ces sujets sont souvent abordés « de manière très sectorielle et spécifique », de sorte que « seuls ceux qui sont experts en la matière, ou du moins qui la connaissent déjà, s'y intéressent ».
Grâce aux choix narratifs de Zerocalcare il est possible de se plonger dans des histoires politiques parfois difficiles ou qui nécessitent une étude plus approfondie, et de recevoir des messages politiques et civils importants.
La clé pour intéresser un large public semble être l'utilisation d'un ton parfois comique, ironique et léger, mais surtout de raconter les événements par la médiation du personnage narratif de Zerocalcare, sorte d'alter ego de l'auteur, dont beaucoup de lecteurs se sentent très proches.
Les « émotions personnelles » entrent ainsi dans les événements politiques et collectifs, même s'il a toujours des doutes sur ce choix stylistique et narratif qui est le sien : « Je me demande toujours s'il est juste d'édulcorer les thèmes politiques à travers un récit qui est aussi très personnel ».
Crédits photo : Niccolò Caranti (CC BY 3.0)
Paru le 01/02/2023
208 pages
Cambourakis
23,00 €
Paru le 07/09/2016
269 pages
Cambourakis
23,00 €
Paru le 06/09/2017
248 pages
Cambourakis
23,00 €
Commenter cet article