Le Graal dans l’édition, c’est d’être publié dans une maison d’édition respectable ni à compte d’auteur, encore moins sur Amazon. Certes, ils sont légions à voir leur manuscrit refusé, et par paresse souvent, ou par urgence, se précipitent tels les figurants de la littérature. Ils ne risquent pas pour la plupart d’en devenir les acteurs. Il faut choisir. Quant au Graal, on finit par l’oublier, on veut tout, le beurre, l’argent du beurre, la fermière et sa ferme. Par Gilles Paris.
Le 16/05/2022 à 13:04 par Auteur invité
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Publié le :
16/05/2022 à 13:04
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Sur la ligne de départ, une bonne centaine d’écrivains, d’auteurs en herbe, de vedette de la télévision, du sport, de témoignages où tout se dit, du pire au meilleur. Bien sûr, il faut du souffle et de l’abnégation pour tenir une course sur les trois mois de parution, qui à eux déterminent ou non le succès d’un livre. Les blogs mènent le bal dès la parution, voir en amont. Ils sont si nombreux, si volatiles, qu’on ignore encore leur impact, quels que soient leurs followers. L’auteur est satisfait, l’écrivain ronge son frein. C’est le national qu’il attend.
Attachées de presse débordées et sans réponses pour la plupart du temps, que dire à leurs poulains sinon qu’elles sont aux taquets, même si les élections présidentielles, et l’Ukraine sont des excuses faciles qu’on avale comme un œuf mollet. La vérité c’est que les libraires peinent à faire revenir leurs clients, que les rencontres se raréfient, même à trente-cinq mille cas de Covid, les vacances approchant, personne ne souhaite être contaminé par un écrivain, encore moins par son voisin de chaise.
Dans les salons de livre, cet antre de la littérature populaire, les queues s’allongent pour Douglas Kennedy, Virginie Grimaldi, et Melissa da Costa. Une journaliste littéraire dit à propos de ces deux dernières : « Il ne s’agit pas de littérature. » Certes, mais nous bavons tous devant ces files d’attente, comme un film de Tex Avery. Sur nos réseaux sociaux, nous clamons la rencontre avec les lecteurs, tandis qu’entre nous, nous les subissons souvent.
Les « je n’avais jamais entendu parler de vous », « à quelle heure revient votre voisin », « j’ai un manuscrit, vous qui connaissez du monde dans l’édition », « Vous savez où sont les toilettes ? ». Parfois un seul justifie notre présence, il a lu l’Obs, ou vous a repéré sur Instagram. Il vous a entendu à la radio, mais il ne sait plus quand. Ou il a vu une publicité vous concernant, un article, oui, mais où ? Mystère. Il vous fait parler de tous vos livres, en choisit un ou deux, quand il ne vous ignore pas pour récidiver chez votre voisine.
Les écrivains sont tout sourire, dents en avant, prêtes à mordiller. Il faut dire que les écrivains sont joueurs. Et prêt à tout ou presque pour vendre leur livre. Quitte à repérer la couleur d’une robe ou un bijou scintillant du meilleur effet. Comme rien est dit dans l’édition, tout est dit ? On ravale sa fierté, son ego, les « jamais entendu parler de Ma vie de Courgette ».
Le succès fait du bien, mais il est éphémère. Chacun le récupère à son escient. Il y a la cour des grands, ces figures tutélaires de l’édition, nous avons nos Meryl Streep et nos Jake Gyllenhaal, même s’il faut être moins regardant qu’aux Oscars. Ils se prêtent aux exercices de la promotion avec grâce et caractère, ce sont des Beautiful people que nous observons avec envie.
Un jour peut-être nous prendrons leur place. Qui sait ?
Solène Bakowski me demandait si au neuvième livre nous pouvions pulvériser les ventes. Bien sûr, tout est possible, tout et rien. L’édition pardonne de moins en moins l’échec, le peu de livres vendus, tout se voit sur GFK, des auteurs autrefois dotés de maisons d’édition prestigieuses, sont au banc de l’édition et ne trouvent plus d’acquéreurs. Le milieu s’intéresse aux premiers romans, se fiche éperdument du second. À quand un Goncourt du deuxième livre ? Le milieu s’extasie du succès qui dope les équipes, tout en regardant de biais celui ou celle qui promettait pourtant. L’humanité se défait de ses oripeaux et déserte les couloirs éclairés aux néons.
Les grands groupes jouent aux chaises musicales au mépris de l’équilibre précaire de leur maison. Le milieu serait-il devenu un vaste Monopoly où l’on rachète l’avenue de la Paix, au profit des postes retenus par une épée de Damoclès. Ou seront les attachées de presse et les éditeurs de demain ? À ce jeu les écrivains seront malmenés comme un parc d’attractions où les montagnes russes seront leur plus doux supplice.
Gilles PARIS © Celine NIESZAWER
Si les auteurs sont un genre à part, moins exposés que les acteurs par exemple, regardez Patrick Modiano aux jardins du Luxembourg, personne ne songera à lui demander un autographe ou un selfie. Dans les salons du livre ou en librairie sans doute. Méfiez-vous de l’eau qui dort. Les écrivains savent être plus solidaires qu’on ne le croit, malgré leur différence, leur ego, leur chemin plus chaotique que leur sourire de façade. C’est dans l’épreuve qu’on se rassemble, qu’on se renseigne, qu’on se reconnaît.
Certains d’entre eux restent généreux quoi qu’il arrive, Lorraine Fouchet, Grégoire Delacourt, Olivier Adam, Sylvie Le Bihan, pour ne citer qu’eux. Ils aiment parler des livres des autres, suffisamment rares dans l’édition pour être souligné. Au fond chaque écrivain est sur le qui-vive, en attente d’un article, d’une émission, d’une reconnaissance. On se retrouve sur la liste d’un grand prix, chassés de la seconde, chacun vous dira que c’était formidable d’être dans la première, tandis que le sourire de l’écrivain est un peu crispé. Certes. Mais bon, avoir le Prix c’est mieux quand même.
Pourquoi tout est devenu si petit ? Un petit café, un petit article, une petite apparition ?
On veut du cinémascope, crouler sous les applaudissements, remercier son père et sa mère, puis son éditeur, avoir la gorge sèche et les larmes au bord des yeux. Un écrivain, c’est émotif. Ça pleure facilement. Ça grogne aussi. La terre tout entière est responsable du peu d’articles, la faute à l’attachée de presse, à l’Ukraine. Mais bon, d’autres savent se remettre en question, ce n’est pas donné à tout le monde. N’importe quel libraire dira : « Il ne faut pas publier de romans l’année des élections présidentielles. » Ah bon, mais pourquoi je l’apprends après avoir publié ?
Pas grave. L’essentiel est bien d’avoir un livre en librairie. Des espoirs d’articles et d’émissions. Peut-être des traductions. Et qui sait, un film avec des acteurs américains adapté du roman en cours. Spielberg ? Les écrivains sont de joyeux lurons avec des espoirs aussi hauts qu’un gratte-ciel.
Gilles Paris vient de faire paraître Le bal des cendres, chez Plon.
crédits photo : Matthew Henry/Unsplash
Paru le 07/04/2022
291 pages
Plon
19,00 €
Paru le 13/04/2022
221 pages
J'ai lu
7,50 €
Paru le 05/03/2003
254 pages
J'ai lu
5,80 €
Paru le 09/09/2021
224 pages
Editions Gallimard
13,50 €
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Forbane
17/05/2022 à 09:23
Cet article n'a manifestement pas été relu : quelques fautes syntaxiques ("Le Graal dans l’édition, c’est d’être publié dans une maison d’édition respectable ni à compte d’auteur") et orthographiques le parsèment.
Exemple : "ils sont légion" (et non "légions").
Mais il paraît que nous n'en sommes plus là, la langue française ne pesant plus très lourd pour personne. À quoi bon en prendre soin ?
D'ailleurs, où en sommes-nous exactement, tous autant que nous sommes ?...
Je tiens néanmoins à dire ceci : j'espère qu'il subsiste quelques écrivains pour qui l'adaptation de leur livre au cinéma, fût-ce par Spielberg, ne représente nullement le Graal.
La littérature se suffit à elle-même, il me semble. Ne croyez-vous pas ? Elle prime même sur le 7e art.
Quant à la gloire, elle ne veut rien dire. Certains (rarissimes) la méritent par leur génie, d'autres non. Là encore, elle n'est pas le but.
Le but, c'est d'écrire parce que vous ne savez ni ne pouvez faire autre chose.
Paris Gilles
17/05/2022 à 18:12
Au temps pour moi, je reconnais ces fautes, être écrivain et en faire n'est pas incompatible, nul n'est parfait :) Sachez toutefois que ce ne sont pas les livres que nous vendons qui nous permette d'en vivre. La citation de Spielberg est ironique, à prendre donc au second degré. Seules les traductions et les adaptations nous autorisent à mettre réellement du beurre dans les épinards. J'ai eu cette chance avec "Autobiographie d'une Courgette", mais cela reste un miracle et n'arrive pas à chaque livre, loin de là. Et désolé, heureusement, je sais faire plusieurs choses en dehors d'écrire. C'est même ce qui me fait vivre ! Ce n'set pas forcément la gloire que nous visons, mais une reconnaissance et des lecteurs et du milieu :) C'est déjà pas mal.
Pierre Guérande
17/05/2022 à 12:06
Fort bien : à regretter, toutefois, le ton radicalement désabusé concernant les perspectives restant pour les auteurs to be : effectivement on publie bien trop de livres pour qu'on arrive encore à les phagocyter tous, il y a donc intérêt à publier moins mais de qualité plus certaine. Or, le choix de ne pas passer par une "grande maison (d'édition)" peut provenir de l'urgence qu'on ressent à une parution, par ex. en étant un auteur âgé, et le soussigné sait de quoi il parle (83 ans). Il reste que le refus de prendre en compte (sic) ces livres auto-financés, que ce soit pour l'attribution des prix ou la simple mention dans la presse ad hoc, est particulièrement sévère à l'égard de ceux dont le livre est un aboutissement mûrement réfléchi : ne dit-on pas que la bonne littérature se fraye toujours son chemin ? Et quand ce résultat est même modérément atteint, (qualité de lecteurs valant mieux que quantité), on oublie les commentateurs défaitistes. Je salue néanmoins bien cordialement l'auteur de ce billet peu relu et chercherai l'un de ses livres pour amender mon propos, comme il aurait dû faire pour le sien.
Gilles Paris
17/05/2022 à 18:19
Excusez moi, mais je ne ressens nullement le besoin de m'amender. Je suis dans l'édition depuis 37 ans et je crois plutôt bien connaitre le milieu et ses arcanes. Si le principal reste que vous soyez un auteur heureux, alors tant mieux. C'est juste, même si les maisons d'éditions "respectables" ont toutes diminué leur nombre de livres, il n'en reste pas moins un engorgement, ne serait-ce que tous ces manuscrits ne trouveront pas forcément d'éditeur. Je ne suis pas du tout quelqu'un de désabusé, j'observe juste ce qu'il se passe. Mais à ce jour, si la solution est de publier à compte d'auteur, à défaut d'avoir trouvé un éditeur, cela ressemble quand même à une forme de figuration. Et là encore si les auteurs y trouvent leur compte, c'est parfait. Bien à vous.