Jean-Paul Sartre qui côtoie Apollinaire… Marcel Pagnol qui répond à André Malraux… Anatole France qui fait écho à Friedrich Nietzsche… Voilà une bien étrange réunion d’écrivains, pourtant tous mobilisés et invoqués pour lutter contre la misère. Ces affiches, visibles dans le métro et les gares parisiennes, sont à l’initiative de la Fonadation Abbé Pierre, et ne manquent pas d’interpeller.
Le 23/02/2022 à 09:14 par Nicolas Gary
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23/02/2022 à 09:14
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Elles vous ont peut-être déjà interpellé, ces affiches au fond noir : quelques mots, la citation d’un grand nom de la littérature, imprimée en blanc, et suivis d’une biffure en rouge. Trois couleurs simples, basiques comme dit la chanson, pour frapper les esprits. Réalisée par l’agence de communication Mlle Pitch, la campagne a surgi en octobre dernier, et durera jusqu’en septembre 2022. Gares SNCF, métros, Francilien, dans les rames : difficile de les manquer.
L’intention première était de faire « parler les sans voix », indique la Fondation Abbé Pierre. Parti d’un concours créatif, ce dispositif publicitaire ne vend rien : il tente de bousculer un peu. En modifiant les citations des auteurs, la Fondation réaffirme ses valeurs, ses principes. Et ce, même si l’une des affiches a brièvement fait polémique.
Le commentaire était venu de Cyril Douillet, rédacteur en chef de Ombres et Lumières, revue chrétienne spécialisée dans le handicap.
Si le choix de substitution peut faire lever un sourcil, finalement, l’opération est gagnante : par-delà des querelles sémantiques, l’affiche provoque l’interrogation.
Nietszche changé en apôtre de l’amour pour son prochain (Souviens-toi d’aimer, pour Souviens-toi d’oublier) ou Malraux qui clame « Le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas », là où religieux est changé par « fraternel ». Et finalement, on se dit que la prédiction de l’ancien ministre de la Culture prend une autre tournure. Ce n’est pas tant que la religion est opposée à la fraternité, mais le religieux, notion nettement moins vers autrui — voire plutôt repliée sur son communautarisme. Soit.
Les autres sont à l’aune : les étoiles dont Apollinaire considérait qu’il était grand temps de les rallumer deviennent des consciences qu’il faut éveiller. Et pour compléter Pagnol qui assurait : « On ne meurt pas d’amour. », la Fondation ajoute : « Mais on meurt d’indifférence. » Ajoutons qu’on peut aussi mourir dans l’indifférence.
Plaisant, autant que cocasse, la maxime d’Anatole France, « Gouverner c’est mécontenter », que tout président de la République a éprouvée une fois ou une autre, se trouve réorientée : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. » Là encore, les actions de la Fondation Abbé Pierre s’affirment, accompagnées d'une brève explication de texte : « Fraternité : quelques lettres pour tout changer. » En consultant le site de l’organisme, on apprend que 13 % des Français ont eu du mal à payer leur loyer en 2021, quand 15 % ont dû recourir à l’aide financière de leurs proches durant la période de la crise Covid.
Et clou du palimpseste, cette phrase de Sartre : « L’enfer, c’est les autres », qui pour les besoins de la campagne se change en « L’enfer c’est soi-même coupé des autres ».
Or ces détournements ne s’arrêtent pas à des auteurs historiques : Coco Chanel intervient, revisitée pour l’occasion. « Une femme sans parfum est une femme sans avenir. » voit le parfum remplacé par abri. Plus drôle encore, le slogan de l’Olympique de Marseille, Droit au but devient Droit au logement. Ou encore, le groupe Téléphone et ce refrain « Argent trop cher, trop grand », bénéficie de quelques ajouts : « Logement, trop cher, mais jamais trop grand. »
Et comment passer à côté d’Alexandrie, Alexandra de Claude François, modifié pour Alex sans lit, Alex sans draps. Seul bémol, l'absence d'autrices dans les citations : Simone Veil n'aurait certainement pas renié une telle opération.
crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
1 Commentaire
cotber
05/08/2022 à 18:15
Comment osent ils corriger Sartre?
ILS VONT RATER LE BAC!