Mobiliser des collégiens durant une année, avec trois ouvrages à lire, représente en soi une jolie gageure. À l’heure des mesures de sécurité, les réunir dans un auditorium pour une rencontre implique d’adapter les outils. Mais qu’importe, show must go on : après trois jours de tournée dans les établissements scolaires des départements, voici les quatre auteurs sur scène.
« Dans nos classes, même ceux qui n’aiment pas lire ont apprécié votre livre. » Le compliment adressé à Élise Fontenaille pour le roman Jesse Owens : le coureur qui défia les nazis va droit au cœur. La lecture d’un extrait qui s’ensuit, tout autant. Dans le cadre du festival des Littératures européennes de Cognac, la remise du prix Alé — Adolescents lecteurs européens — 2021 offre une respiration. « Après 2020, cela fait du bien de renouer avec cet instant », nous confie une enseignante.
La récompense réunit plus de 200 collégiens issus d’une dizaine d’établissements à avoir relevé le défi de lecture de ces trois ouvrages. Dans la salle, ils ne sont que 80, les autres participent en visio, avec une diffusion directe de la rencontre — suivie de l’annonce du lauréat 2021. Suspens. Pourtant, on l’oublie presque : les autrices et auteurs venus en classe, les retrouver offre une nouvelle opportunité. « Notamment de se rendre compte que tous les écrivains ne sont pas des gens morts », plaisante l’enseignante.
Les premières questions surgissent : Côme, 11 ans, veut savoir combien de temps prend l’écriture d’un livre, une autre s’interroge sur le nombre de livres publiés. En visio, une classe intervient : dans Teenage Riot, d’Éric Pessan et Olivier de Solminihac, pourquoi avoir multiplié les histoires et les personnages ? Ou encore, le sentiment ressenti lors de la première publication…
Sur scène, chacun apporte sa réponse. Elise Fontenaille revendique « une cinquantaine d’enfants de papier, qui me rapportent un peu de sous, au lieu de m’en coûter », dans un grand éclat de rire. Elle reconnaît qu’il y a peu d’elle dans les personnages : « Mais je suis dans le langage, cette chose merveilleuse, inépuisable et gratuite. »
Fanny Chartes explique qu’il lui a fallu neuf mois entiers d’écriture pour Les Inoubliables. Elle se souvient aussi de ce sentiment de joie quand le premier ouvrage fut signé — dans des conditions si particulières : elle s’apprêtait à quitter la Roumanie, où elle enseignait le français. « Les parents de ces enfants leur répètent que pour réussir leur vie, il faut partir du pays. Cela me rendait triste, moi qui ai tant aimé ce territoire. »
Pessan et de Solminihac, qui signent leur second ouvrage à quatre mains, expliquent que l’écriture leur permet « de reconnecter avec une adolescence qui n’est plus là et qui vit encore en [eux]. [Nous nous adressons] à des jeunes gens qui vivent un âge difficile et exaltant. Parce que le monde se montre plus violent quand on grandit, et que l’adolescence reste cette époque où tout est possible ».
Dans la salle, impossible de faire circuler un micro – on se conforme aux mesures de sécurité sanitaire, le Covid n’est pas bien loin. Alors, on jongle entre les élèves présents et ceux à distance. « Le roman se déroule en France, Angleterre et Italie, parce que ce sont les trois langues que je parle et que je voulais les retrouver dans un livre », dévoile Olivier de Sominihac.
Puis, la séquence d’échanges achevée, viennent les compliments : six collégiens viennent lire au pupitre leur texte de remerciement. Un livre chacun, où par binôme on salue, on savoure, on s’adresse directement aux autrices et auteurs. Un moment de grâce, presque, pour les créateurs réunis : ces compliments, aux travers un peu scolaires peut-être, vont malgré tout droit au cœur.
Et plus encore quand l’annonce de la lauréate s’effectue. Fanny Chartes reçoit le prix Alé 2021 avec une émotion non feinte. « J’ai peu confiance en moi, j’y travaille », commence-t-elle. « Avec ma famille, mes amis. Un prix, cela aide encore plus : cela m’encourage à continuer, écrire encore », poursuit l’autrice, qui compte cinq livres à sa bibliographie. « Cela m’apporte des choses précieuses : de l’oxygène et de la confiance. »
La salle, touchée à son tour, ne peut qu’applaudir. D’autant que certains, ayant timidement levé la main quand la question fut posée, écrivent déjà. Avec l’espoir compréhensible de se retrouver dans quelques années à la place de leurs aînés ?
Établissements réunis : Collège Saint-Joseph, Cognac Collège Claude Boucher, Cognac Collège Elisée Mousnier, Cognac Collège Claudie Haigneré, Rouillac Collège Jean-Lartaut, Jarnac Collège Théodore Rancy, Chalais Collège Louis Pasteur, Chasseneuil Collège Noël Noël, Confolens Collège Samuel Duménieu, Montendre
crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Paru le 03/06/2020
77 pages
Editions du Rouergue
9,50 €
Paru le 17/02/2021
288 pages
L'Ecole des Loisirs
15,50 €
Paru le 30/01/2019
192 pages
L'Ecole des Loisirs
14,50 €
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