#LECfestival23 — Partenaire du Festival des Littératures européennes de Cognac, la Librairie de la bande dessinée et de l’image a réalisé des sélections, proposées au public, à partir de la programmation de l’événement, mais également des coups de cœur dans les nouveautés. Matthieu Maury, son responsable, nous propose ici quelques conseils de lecture.
Cet album de Manuele Fior, traduite par Christophe Gouveia Roberto, se distingue par ce mélange de romance et d’histoire. Cette création narre l’aventure de Teresa, une jeune Italienne qui débarque à Berlin pour rédiger une thèse sur le célèbre tombeau de Toutankhamon et sa découverte par l’archéologue Howard Carter.
Au cœur de la capitale allemande, Teresa fait la connaissance de Ruben, un jeune homme de son âge, vivant en marge de la société dans des squats. Bien que leurs mondes soient diamétralement opposés — bien que punk, Ruben est issu d’un milieu privilégié —, une histoire d’amour délicate se tisse entre eux.
Hypericon brille par la finesse de ses illustrations, baignées de teintes presque sépia, et par le parallèle subtil qu’il établit entre la quête de Teresa et les explorations de Carter, racontée à travers ses carnets de notes qu'elle examine. L’ouvrage, tout en respectant une structure classique, surprend par la variété de ses vignettes et la douceur vaporeuse de son dessin.
Ce récit dépasse les frontières d’une simple histoire d’amour. Il offre une dimension « feel good », une sorte de comédie romantique... sans comique explicite, où l’humour reste discret. Les personnages sont loin d’être unidimensionnels : Teresa lutte contre la dépression et l’insomnie, se réfugiant dans son travail académique pour trouver un sens et une échappatoire.
Je la recommande pour sa beauté esthétique et la profondeur de son récit. C’est une œuvre à la fois tendre et poignante, qui laisse une impression durable de bien-être, tout en abordant des thèmes complexes et humains. La bande dessinée de Fior allie avec brio l’art, l’histoire et les émotions.
Le récit de Samir Dahmani se distingue comme une œuvre poignante et révélatrice : nous suivons le parcours de Seong-Ji, une jeune Coréenne qui, après avoir obtenu son diplôme équivalent au baccalauréat, quitte sa petite ville provinciale pour Séoul, emportant avec elle les promesses d'une amitié indéfectible avec sa meilleure amie Jiwon.
À Séoul, Seong-Ji se retrouve isolée, sa relation avec Jiwon s'effritant sous le poids des différences sociales. Contrainte de travailler dans une épicerie nocturne, elle constate avec douleur que Jiwon, issue d'un milieu plus aisé, s'éloigne et cesse de la contacter.
La vie de Seong-Ji prend un tournant inattendu lorsqu'elle rencontre une femme mystérieuse qui visite des appartements la nuit. Bien que ces visites soient des effractions motivées par la curiosité, elles révèlent à Seong-Ji un monde de possibilités et l'aident à prendre conscience de ses véritables sentiments, notamment dans un contexte sud-coréen où l'homosexualité est mal perçue.
Quand arrive l'aube nautique est avant tout un récit d'apprentissage, marquant le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Il explore la quête d'acceptation de soi et le regard des autres, dans une société souvent intransigeante. Le titre évoque la transition de l'obscurité vers la lumière, symbolisant le passage de l'adolescence à la maturité et la découverte de soi. Cette métaphore illustre parfaitement le voyage intérieur de Seong-Ji.
L'œuvre se distingue par ses illustrations en aquarelle, offrant une beauté visuelle saisissante et inaugure ainsi le cycle "Korean Night Stories". L'auteur, Samir Dahmani, marié à une Coréenne, apporte une authenticité et une justesse remarquables à son récit, évitant tout fantasme pour une approche réaliste et presque fantasmagorique.
La dernière création d’Alfred clôt délicieusement sa trilogie italienne. Ce récit captivant se déroule dans un village pauvre du sud de l’Italie, où Momo, un adolescent de 15 ans passionné de musique, rêve d’échapper à une existence qu’il juge médiocre.
L’arrivée inattendue d’un concours de talents dans son village, sous forme de radio-crochet, représente pour Momo une chance de changer de vie. Avec une détermination farouche, il reforme un groupe de rock avec ses amis, tous confrontés à leurs propres tourments et difficultés typiques de l’adolescence.
Maltempo ne se limite pas à la quête de gloire musicale. Il explore les rivalités entre bandes de jeunes du village, des conflits qui, bien que n’étant pas d’une nature mafieuse, pèsent lourdement sur les protagonistes. Chaque personnage, même les plus secondaires ou ceux perçus comme insignifiants, agit selon des motivations profondes, souvent dictées par un instinct de survie ou le besoin de cacher quelque chose pour simplement exister.
Ce qui ressort de cette œuvre, c’est la complexité des relations humaines et la lutte pour l’émancipation dans un contexte social et culturel rigide, perclus de traditions. Alfred parvient à donner à chaque personnage, même le plus trivial, une raison valable et humaine pour ses actions, souvent impulsives ou mal réfléchies.
Bien que Maltempo soit une histoire indépendante, elle s’inscrit dans un ce cycle – une vraie-fausse trilogie – se déroulant en Italie, faisant de ce pays plus qu’un simple décor, mais un personnage à part entière. Alfred ne se contente pas de raconter une histoire d’adolescents formant un groupe de rock : il nous plonge dans un récit riche en émotions, en défis et en quête d’identité, le tout sur fond de musique et de traditions italiennes. C’est une œuvre qui célèbre l’amitié, l’émancipation et la complexité de la jeunesse.
Crédits photo : Matthieu Maury - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - Les littératures d'Italie se donnent rendez-vous à Cognac
Paru le 11/10/2023
184 pages
Delcourt
23,95 €
Paru le 25/11/2022
144 pages
Dargaud
23,50 €
Paru le 31/05/2023
136 pages
La Boîte à Bulles
24,00 €
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